Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Ambulances et taxis des quatre villages a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier Louis Jaillon à lui verser une somme de 711 019,43 euros, ou subsidiairement de 663 120,84 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.
Le centre hospitalier Louis Jaillon a demandé, à titre reconventionnel, au tribunal de condamner la société Ambulances et taxis des quatre villages à lui rembourser la provision de 557 256,84 euros qu'il lui a versée.
Par un jugement n° 2001952 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a condamné la société Ambulances et taxis des quatre villages à verser au centre hospitalier Louis Jaillon une somme de 328 200,80 euros.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 22NC02472, les 3 octobre 2022, 16 mars 2023, 28 mars 2023, 14 avril 2023, le 23 mai 2023 et par un mémoire récapitulatif, présenté sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 23 mai 2023, la SAS Ambulances et taxis des quatre villages, représentée par Me Lambert, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier Louis Jaillon à lui verser une somme de 711 019,43 euros TTC assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Jaillon le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable dès lors qu'elle est suffisamment motivée ;
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas invité les parties à débattre du moyen, qu'ils ont soulevé d'office, tiré du vice du consentement du centre hospitalier Louis Jaillon ;
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont posé des questions juridiques à l'agence régionale de santé Bourgogne Franche-Comté ;
à titre principal, en ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
- elle a droit au règlement des factures émises au titre des prestations de structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) réalisées pour le compte du centre hospitalier Louis Jaillon entre le 21 août 2018 et le 21 avril 2020, date à laquelle ce dernier a mis un terme aux relations contractuelles les unissant jusqu'alors, et ce, pour un montant total de 711 019,43 euros ; le contrat tacite qui les liait n'a pas été résilié par le courrier du 6 décembre 2019 ; le centre hospitalier ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ;
- en proposant au centre hospitalier Louis Jaillon le 21 août 2018 la prestation astreinte nuit, week-end et jours fériés du lundi au vendredi de 20 heures à 8 heures et le week-end et jours fériés, elle n'a pas usé de manœuvres dolosives dans le but de vicier le consentement du centre hospitalier de sorte que le litige doit être réglé sur le terrain contractuel ; elle avait les moyens suffisants pour assurer tout à la fois les missions SMUR et la garde départementale ;
à titre subsidiaire, en ce qui concerne la responsabilité quasi-contractuelle :
- si la cour devait écarter l'application du contrat, en retenant une faute de l'intimé, elle a droit au règlement d'une somme totale égale à 711 581,89 euros au titre des prestations de SMUR réalisées pour le compte du centre hospitalier Louis Jaillon ;
à titre très subsidiaire, en ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle :
- si la cour jugeait qu'aucun contrat n'a été formé, elle aurait droit au règlement d'une somme totale égale à 711 581,89 euros au titre des prestations de SMUR réalisées pour le compte du centre hospitalier Louis Jaillon, sur un fondement quasi-délictuel, au regard de la faute commise par le centre hospitalier en commandant des prestations hors contrat et en tentant d'imposer un prix abusivement bas sans même le régler, et sans l'avoir informée de ce qu'il ne souhaitait pas recourir à ses prestations et que l'immobilisation était inutile ; cette faute l'a amenée à immobiliser une ambulance et son équipage sans être rémunérée ; elle-même n'a commis aucune faute.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 février 2023, 31 mars 2023, 21 avril 2023 et par un mémoire récapitulatif, présenté sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 25 mai 2023, le centre hospitalier Louis Jaillon, représenté par Me Philippe Petit, conclut, dans le dernier état de ses écritures :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant que celui-ci a rejeté le surplus de ses conclusions ;
- à la condamnation de la SAS Ambulances et taxis des quatre villages à lui verser une somme de 557 256,84 euros ou de 272 252 euros ;
- à ce que soit mis à la charge de la SAS Ambulances et taxis des quatre villages le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce que les conclusions relatives à l'engagement de sa responsabilité quasi-contractuelle et de sa responsabilité quasi-délictuelle présentées par la société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages ne comportent aucune critique du jugement du 4 août 2022 ;
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- en lui proposant le 21 août 2018 la prestation astreinte nuit, week-end et jours fériés du lundi au vendredi de 20 heures à 8 heures et le week-end et jours fériés, la société Ambulances et taxis des quatre villages a usé de manœuvres frauduleuses de nature à tromper son consentement dès lors qu'elle a utilisé dans la majorité des cas un seul véhicule pour assurer tout à la fois ses obligations contractuelles ainsi que ses obligations vis-à-vis de la caisse primaire d'assurance maladie du Jura, ce qui n'était pas légal ; la société requérante a commis une faute en lui facturant une prestation qui était payée par ailleurs ;
- sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée dès lors qu'aucun contrat ne le lie avec la société Ambulances et taxis des quatre villages ; c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un contrat tacite ; l'immobilisation à hauteur de 700 euros sur une période de 383 jours n'ayant jamais fait l'objet d'un accord entre les parties, la société requérante doit être condamnée à lui verser la somme de 268 110 euros ;
- en tout état de cause, il n'y a pas eu immobilisation pour sa destination exclusive, la capacité de la société Ambulances et taxis des quatre villages à lui dédier une ambulance à titre exclusif est infirmée au regard de ses moyens humains ;
- à supposer même qu'un contrat tacite puisse être caractérisé, il a été résilié en novembre 2019, et non le 29 février 2020 comme l'a retenu le tribunal ; à compter du 20 mai 2020, l'établissement de santé était en situation pour réaliser les transports SMUR ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que ni sa responsabilité extracontractuelle ni sa responsabilité quasi-délictuelle n'était engagée ; la société requérante ne justifie pas des conditions permettant d'engager sa responsabilité sur ces fondements.
Les parties ont été avisées par un courrier du 26 mars 2024, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement attaqué en raison de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement, qui méconnaît le principe d'impartialité, dès lors qu'a participé à la formation de jugement un magistrat qui avait, en qualité de juge des référés, accordé une provision à la société Ambulances et taxis des quatre villages.
II) Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2023 sous le n° 23NC02887, la SAS Ambulances et taxis des quatre villages, représentée par Me Lambert, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 août 2022 en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Jaillon une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle se retrouvera en situation de cessation de paiement, en liquidation judiciaire et qu'elle devra licencier son personnel ;
- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement, faute pour le tribunal d'avoir informé les parties qu'il entendait retenir un moyen soulevé d'office tiré du vice du consentement et au regard de la question juridique qu'il a posée à l'agence régionale de santé, et les moyens tirés de ce que le tribunal a, à tort, exclu certaines périodes d'immobilisation et écarté la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du centre hospitalier pour un motif erroné sont sérieux.
Par un mémoire reçu le 29 novembre 2023, le centre hospitalier Louis Jaillon, représenté par Me Philippe Petit, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête ;
- à ce que soit mis la charge de la société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de sursis à exécution est irrecevable, compte tenu de l'autorité de chose jugée s'attachant à l'ordonnance n° 22NC02489 du 8 décembre 2022 ayant rejeté la précédente demande de la société requérante aux mêmes fins, en l'absence de circonstances de fait ou de droit nouvelles ;
- il n'est pas justifié de conséquences difficilement réparables ni de moyens sérieux.
Vu :
- l'ordonnance n° 1902180 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon en date du 7 février 2020 ;
- l'ordonnance n° 20NC00476, 20NC00477 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 23 décembre 2020 ;
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de Mme Samson-Dye,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Lambert, pour la SAS Ambulances et taxis des quatre villages, et de Me Masson, pour le centre hospitalier Louis Jaillon.
Une note en délibéré, produite pour le centre hospitalier Louis Jaillon, a été enregistrée le 5 avril 2024 dans l'instance n° 22NC02472.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 juillet 2008, la société par actions simplifiées (SAS) Ambulances et taxis des quatre villages a signé avec le centre hospitalier Louis Jaillon une convention ayant pour objet des prestations de transports médicalisés, conclue pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 et qui a été reconduite expressément par les parties jusqu'au 30 juin 2012. Cette convention a été conclue, hors périodes de gardes professionnalisées, pour un prix forfaitaire de 346 euros pour douze heures d'astreinte et une facturation spécifique pour chaque déplacement. A compter du 1er juillet 2012 et jusqu'au 19 août 2018, les deux parties ont continué à appliquer les conditions tarifaires de cette convention, qui n'a pas été expressément reconduite. En août 2018, le groupement hospitalier du Territoire Jura a lancé une consultation, selon la procédure adaptée, en vue de conclure un marché public de services ayant pour objet les " transports médicalisés SMUR " pour laquelle la société Ambulances et taxis des quatre villages a candidaté et qui a été déclarée sans suite pour motif d'intérêt général et financier le 8 novembre 2018. Parallèlement à cette procédure, par un courrier adressé le 21 août 2018, la société a informé le centre hospitalier Louis Jaillon qu'elle souhaitait, à compter du 20 août 2018, revaloriser les conditions financières de la convention. Par un courrier adressé au centre hospitalier du 8 octobre 2019, la société Ambulances et taxis des quatre villages a sollicité le règlement des factures émises et non réglées depuis le mois d'août 2018 correspondant à un montant de 462 349,13 euros. Le 6 décembre 2019, le directeur du centre hospitalier a rejeté la demande de paiement. Le 24 mars 2020, la société a actualisé le montant de sa demande en le portant à 711 019,43 euros au titre de la période allant d'août 2018 à mars 2020.
2. Par une ordonnance n° 1902180 du 7 février 2020, confirmée par une ordonnance nos 20NC00476, 20NC00477 rendue le 23 décembre 2020 par la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a condamné le centre hospitalier Louis Jaillon à verser à la société Ambulances et taxis des quatre villages une provision de 557 256,84 euros.
3. La société Ambulances et taxis des quatre villages avait par ailleurs saisi le tribunal administratif de Besançon d'un recours indemnitaire sollicitant la condamnation du centre hospitalier Louis Jaillon à lui verser la somme de 711 019,43 euros. Par la voie reconventionnelle, ce centre hospitalier avait demandé la condamnation de la société Ambulances et taxis des quatre villages à lui rembourser la provision de 557 256,84 euros qu'il lui a versée en exécution des ordonnances mentionnées au point précédent. Par un jugement du 4 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a estimé que la société Ambulances et taxis des quatre villages avait droit à une somme de 275 373,81 euros sur un fondement contractuel, ainsi qu'à une somme de 77 007,83 euros sur un fondement quasi-contractuel. Compte tenu des sommes versées par le centre hospitalier, de 123 325,60 euros s'agissant des montants spontanément payés et de 557 256,84 euros s'agissant de la provision versée, le tribunal a condamné la société Ambulances et taxis des quatre villages à verser au centre hospitalier Louis Jaillon la somme de 328 200,80 euros.
4. La société Ambulances et taxis des quatre villages relève appel de ce jugement. Elle demande la condamnation du centre hospitalier à lui verser 711 019,43 euros, en se prévalant, principalement d'un fondement contractuel. Elle précise expressément, devant le tribunal comme devant la cour, qu'elle invoque la responsabilité quasi-délictuelle dans l'hypothèse où l'application du contrat serait écartée par le juge et demande, au cas où il serait estimé qu'il n'existait pas de contrat la liant au centre hospitalier, la condamnation de ce dernier sur un fondement quasi-délictuel. Le centre hospitalier conteste également ce jugement, par la voie de l'appel incident. Par une requête distincte, la société Ambulances et taxis des quatre villages a demandé à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un unique arrêt.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier :
5. Une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement les écritures de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge.
6. Toutefois, en l'espèce, la requête de la société Ambulances et taxis des quatre villages ne se borne pas à reprendre intégralement ses écritures devant le tribunal, mais critique le jugement, notamment en invoquant des moyens d'irrégularité. La requête est ainsi suffisamment motivée, dans son intégralité, quand bien même elle ne comporte aucune critique du jugement en ce qui concerne la réponse à ses conclusions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle. En ce qui concerne la responsabilité quasi-contractuelle, contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier, la société requérante ne se borne, en tout état de cause, pas à reprendre ses écritures de première instance. La fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation partiel de la requête doit donc être écartée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
7. Le principe d'impartialité fait obstacle à ce qu'un juge des référés, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qui a accordé la provision demandée, soit membre de la formation de jugement lors de l'examen du recours indemnitaire au fond.
8. Il résulte de l'instruction que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon qui avait condamné le centre hospitalier à verser la provision à la société Ambulances et taxis des quatre villages a siégé dans la formation ayant rendu le jugement attaqué. Le principe d'impartialité ayant ainsi été méconnu, le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Ambulances et taxis des quatre villages devant le tribunal administratif de Besançon.
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
9. D'une part, il résulte de l'instruction que, pour la période au titre de laquelle une indemnisation est sollicitée, courant à compter du 20 août 2018, les parties n'étaient plus liées par aucun contrat écrit, la convention conclue pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, renouvelable pour deux périodes d'un an par expresse reconduction, étant arrivée à son terme et aucun nouveau contrat n'ayant été conclu par écrit. Les seules circonstances que la société requérante a continué à réaliser les prestations et que le centre hospitalier a, s'agissant des transports réalisés, effectué un paiement, ne sauraient suffire à établir que les parties avaient entendu placer leur relation dans un cadre contractuel, d'autant plus qu'un désaccord est né sur un élément essentiel, le coût de la prestation, puisque la tarification mentionnée par la société requérante dans sa lettre du 21 août 2018 a été expressément refusée par le centre hospitalier par un courrier du 6 décembre 2019. Dans ces conditions, il n'existait aucun contrat liant la société Ambulances et taxis des quatre villages au centre hospitalier Louis Jaillon pour la période au titre de laquelle la requérante sollicite une indemnisation. Ses conclusions présentées sur un fondement contractuel ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
10. D'autre part, la société requérante recherche, dans l'hypothèse précise où le juge estimerait qu'aucun contrat n'a été formé pour la période considérée, l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle du centre hospitalier.
11. Lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, l'absence du contrat, il peut être saisi de moyens tirés, notamment, de la faute consistante, pour l'une d'elles, à avoir induit l'autre partie en erreur sur l'existence de relations contractuelles.
12. Si la société Ambulances et taxis des quatre villages évoque le fait que la procédure de passation d'un nouveau marché a été déclarée sans suite, à le supposé fautif, il est en tout état de cause sans lien avec le préjudice dont elle demande l'indemnisation, tenant au paiement du prix des prestations qu'elle a réalisées en l'absence de contrat.
13. Pour le surplus, la société requérante critique le comportement du centre hospitalier, en ce qu'il a commandé des prestations hors contrat et tenté d'imposer un prix qu'elle estime abusivement bas, sans même le régler, qu'il ne l'a pas informée de l'inutilité de l'immobilisation de ses véhicules et moyens humains ou du fait qu'il ne souhaitait en réalité pas recourir à ses prestations. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le centre hospitalier l'aurait induite en erreur sur l'existence d'une relation contractuelle, qu'il aurait pris un engagement quant à la reprise d'une telle relation ou qu'il lui aurait imposé de continuer à proposer des prestations en dépit de l'absence de contrat.
14. Il suit de là que la société Ambulances et taxis des quatre villages n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du centre hospitalier Louis Jaillon sur un fondement quasi-délictuel.
15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la société Ambulances et taxis des quatre villages doivent être rejetées.
Sur les conclusions reconventionnelles du centre hospitalier :
16. Le demandeur qui a obtenu du juge des référés le bénéfice d'une provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative doit la reverser en tout ou en partie lorsque le juge du fond, statuant sur sa demande pécuniaire ou sur une demande du débiteur tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, décide que la créance invoquée n'est pas fondée ou qu'elle est d'un montant inférieur au montant de la provision. Tel n'est pas le cas lorsque le juge du fond rejette la demande dont il est saisi pour un motif tiré de l'irrecevabilité ou de la prescription de l'action au fond. En ce cas, les sommes accordées par le juge des référés à titre de provision sont définitivement acquises.
17. En l'espèce, il résulte du présent arrêt que la créance qui avait donné lieu à la condamnation du centre hospitalier à verser une provision à la société requérante n'est pas fondée. Il suit de là que le centre hospitalier Louis Jaillon est fondé à demander la condamnation de la société Ambulances et taxis des quatre villages à lui rembourser la provision de 557 256,84 euros qu'il lui avait versée.
Sur les frais liés à l'instance n° 22NC02472 :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier Louis Jaillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Ambulances et taxis des quatre villages demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement de la somme que le centre hospitalier demande sur le fondement des mêmes dispositions.
Sur la requête n° 23NC02887 :
19. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2001952 du tribunal administratif de Besançon en date du 4 août 2022. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les parties sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23NC02887 aux fins de sursis à exécution présentées par la société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages.
Article 2 : Le jugement n° 2001952 du 4 août 2022 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 3 : La demande de première instance et les conclusions présentées devant la cour de la société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages sont rejetées.
Article 4 : La société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages est condamnée à rembourser au centre hospitalier Louis Jaillon la somme de 557 256, 84 euros qui lui a été versée à titre de provision.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier Louis Jaillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Ambulances et taxis des quatre villages et au centre hospitalier Louis Jaillon.
Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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Nos 22NC02472, 23NC02887