Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de trente-cinq jours, soit jusqu'au 9 juin 2022 et de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par un jugement n° 2201386 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Nancy a admis M. A... à l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2023, M. A..., représenté par Me Kipffer, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 20 mai 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2022 par lequel la préfète de la région Grand-Est, préfète du Bas-Rhin, l'a assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle pour une durée de trente-cinq jours, soit jusqu'au 9 juin 202 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 013 euros à verser à son conseil, en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
-le tribunal a commis une erreur d'appréciation ; il ne pouvait pas donner à l'arrêté préfectoral portant assignation à résidence une interprétation contraire au texte même de l'arrêté dépourvu de toute ambiguïté ; la préfète du Bas-Rhin a méconnu les articles L. 751-2, L. 751-4 et L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'assignant à résidence pour une période excédant la durée de quarante-cinq jours ;
-la préfète a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation car elle n'a pas justifié qu'il présentait un risque sérieux de fuite.
La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant gambien né le 1er janvier 1996, serait entré irrégulièrement en France, au cours du mois de février 2022, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. La consultation du fichier Eurodac a révélé que M. A... avait préalablement présenté une demande d'asile auprès des autorités italiennes, allemandes et néerlandaises. Le 15 mars 2022, les autorités néerlandaises ont accepté de reprendre en charge M. A.... Par deux arrêtés du
8 avril 2022, la préfète du Bas-Rhin a transféré M. A... aux autorités néerlandaises et l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin. Par un arrêté du 12 mai 2022, la préfète de la région Grand-Est, préfète de la zone de défense et de sécurité Est, préfète du Bas-Rhin a modifié les lieux et les modalités d'application de la précédente mesure d'assignation en résidence en prévoyant notamment que M. A... serait assigné à résidence dans le département de Meurthe-et-Moselle jusqu'au 9 juin 2022. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy l'annulation de ce dernier arrêté. M. A... relève appel du jugement n° 2201386 du 20 mai 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 mai 2022.
2. Aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable. / L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée ". Aux termes de l'article L. 751-3 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 751-2 peut être placé en rétention en application de l'article L. 751-9 s'il présente un risque non négligeable de fuite tel que défini à l'article L. 751-10 ". L'article L. 751-4 du même code prévoit qu'en cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2, les dispositions des articles L. 572-7, L. 732-1, L. 732-3, L. 732-7, L. 733-1 à L. 733-4 et L. 733-8 à L. 733-12 sont applicables. Enfin, l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours ".
3. En premier lieu, il ne résulte, ni des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'assignation à résidence d'un étranger en application de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée à l'existence d'un risque non négligeable de fuite de la part de l'intéressé. Par suite et alors que, compte tenu de l'accord des autorités néerlandaises du 15 mars 2022 en vue de la reprise en charge de M. A..., son transfert demeurait, à la date de l'arrêté litigieux, une perspective raisonnable, le moyen tiré de ce qu'en l'absence de risque de fuite établie, aucune assignation à résidence ne pouvait être prise à son encontre ne peut être qu'écarté.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 8 avril 2022 notifié le 25 avril 2022, M. A... a été, initialement, assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin, pour une durée de quarante-cinq jours à compter de la notification de cet arrêté. Par un second arrêté du 12 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin a modifié l'arrêté du 8 avril 2020 en indiquant que " à compter de la notification, M. B... A... est assigné à résidence dans le département de la Meurthe-et-Moselle, au sein duquel il est hébergé, pour une durée de 35 jours, soit jusqu'au 9 juin 2022 ". Par conséquent, la durée de quarante-cinq jours d'assignation à résidence doit être comptée à partir du 25 avril 2022, date de la notification du 1er arrêté préfectoral portant assignation à résidence, et ne pouvait donc être fixée au-delà du 8 juin 2022. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît la durée maximale de quarante-cinq jours prévue pour l'assignation à résidence par l'article L. 732-3 du code précité dès lors que le préfet a fixé la fin de l'assignation à résidence jusqu'au 9 juin 2022. Cet arrêté doit être annulé en tant qu'il a fixé la fin de l'assignation à résidence au-delà de la date du 8 juin 2022.
5. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy n'a pas annulé l'arrêté du 12 mai 2022 en tant que celui-ci a fixé la fin de l'assignation à résidence au-delà de la date du 8 juin 2022.
Sur les frais de l'instance :
6. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
7. L'État, qui n'est pas la partie essentiellement perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A... une somme en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2201386 du 20 mai 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant que celui-ci n'a pas annulé l'arrêté du 12 mai 2022 en tant que celui-ci a fixé la fin de l'assignation à résidence au-delà de la date du 8 juin 2022.
Article 2 : L'arrêté du 12 mai 2022 portant assignation à résidence de M. A... est annulé en tant qu'il fixe la fin de l'assignation à résidence au-delà du 8 juin 2022.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Kipffer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- M. Barteaux, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC01189