Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2208736 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juin 2023 et le 9 août 2023, Mme C... B..., représentée par Me Airiau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et subsidiairement de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de production de l'avis rendu par la commission du titre de séjour en méconnaissance des articles L. 435-1 et L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de preuve de la communication de l'avis rendu par la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article R. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la régularité de la composition de la commission du titre de séjour conformément à l'article L. 432-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas établie ;
- les premiers juges ont considéré à tort que son fils faisait l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors que l'arrêté pris à son encontre a été annulé par un jugement du 16 mars 2023 qui a fait disparaître rétroactivement cet arrêté ;
- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen en omettant de statuer sur la demande de titre de séjour pour raison de santé ; il n'établit pas avoir notifié une décision sur cette demande bien qu'il ait saisi le collège de l'OFII ;
- la décision en litige méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un vice de procédure au regard des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 et des articles R. 611-1 et R. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe, née en 1955, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 13 septembre 2010, avec son fils. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 août 2012. Le réexamen de sa demande a été rejetée le 8 juin 2017. L'intéressée s'est maintenue sur le territoire en dépit d'une obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 20 novembre 2014. Elle a sollicité un titre de séjour le 13 juin 2018. Après avoir recueilli l'avis de la commission départementale du titre du séjour, par un arrêté du 22 novembre 2022, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mai 2023 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., âgée de soixante-sept ans à la date de la décision en litige, est isolée au Kosovo qu'elle a quitté depuis plus de dix ans. Elle a établi que sa fille, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, séjourne régulièrement en France tandis que son fils, également présent sur le territoire depuis 2010, avait sollicité un titre de séjour à la date de la décision en litige. La requérante justifie également des liens étroits qu'elle entretient avec ses enfants et ses petits-enfants dont elle s'occupe et qu'elle voit régulièrement. Elle démontre, en outre, par les pièces médicales qu'elle a produites, qu'elle souffre d'un état dépressif pour lequel elle est suivie depuis novembre 2018 lié notamment au décès de sa mère. Enfin, la commission du titre de séjour avait émis un avis favorable à son admission au séjour. Par suite, eu égard à l'âge de la requérante et aux liens familiaux dont elle bénéficie en France, la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour doit dès lors être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, qui sont dépourvues de base légale, doivent également être annulées.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 22 novembre 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 22 novembre 2022 implique nécessairement que celui-ci délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Airiau de la somme globale de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mai 2023 et l'arrêté du préfet de la Moselle du 22 novembre 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Airiau une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Airiau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Airiau.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Agnel, président,
- M. Barteaux, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BarteauxLe président,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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