Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Saône a mis fin à son stage et à son détachement en qualité de sergent de sapeur-pompier professionnel et l'a réintégré dans son cadre d'emploi d'origine au grade de caporal-chef de sapeur-pompier professionnel, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux.
Il a également demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de révocation.
Par un jugement n° 2201339-2201393 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 27 mars 2023 et 6 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Mazza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 ;
4°) d'enjoindre au SDIS de la Haute-Saône de le réintégrer sans délai dans le grade de sergent de sapeur-pompier professionnel et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
5°) de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Saône une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il est entaché d'erreur de droit quant à l'inopérance du moyen tiré de l'insuffisance de motivation et d'erreur d'appréciation des faits ayant motivé la décision de refus de titularisation ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation quant à la réponse apportée au moyen tiré de ce qu'il n'avait pas pu suivre sa formation d'adaptation ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation quant aux faits ayant justifié le refus de titularisation ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation quant au détournement de pouvoir ;
- il est entaché d'erreurs d'appréciation quant à la décision de révocation ;
Sur la légalité de la décision de refus de titularisation :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal administratif du 30 novembre 2021, dès lors qu'elle reprend la même motivation que la décision que ce jugement a annulée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, compte tenu du manquement à l'obligation d'impartialité et à la prévention des conflits d'intérêts commis du fait de la présence de trois personnes non membres de la commission administrative paritaire ;
- de nouveaux faits ont été évoqués en commission administrative paritaire qui n'ont pas donné lieu au respect du contradictoire ;
- il n'a pas été mis en situation de pouvoir exercer ses fonctions de sergent ni de suivre sa formation ;
- les griefs ne sont pas fondés ;
- la décision en litige est entachée d'erreur d'appréciation ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir ;
- il s'agit d'une sanction déguisée ;
Sur la légalité de la décision de révocation :
- elle est entachée d'un vice de procédure, la composition de la CAP siégeant en formation disciplinaire étant irrégulière ;
- la décision en litige méconnaît la règle non bis in idem ;
- les griefs ne sont pas fondés ;
- la décision en litige est disproportionnée ;
- la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir au regard de l'article L. 133-3 du code général de la fonction publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2024, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Saône, représenté par Me Suissa, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2012-521 du 20 avril 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme B...,
- les observations de Me Mazza, avocate de M. C...,
- les observations de Me Bouchoudjian, avocat du SDIS de la Haute-Saône.
Une note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2024, a été présentée pour le SDIS de la Haute-Saône.
Une note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2024, a été présentée pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Sapeur-pompier professionnel depuis le 1er septembre 2005, M. C... a été initialement affecté au CIP de Gray avant d'obtenir sa mutation pour le SDIS de la Côte d'Or le 1er septembre 2008. Il a obtenu son placement en disponibilité le 1er janvier 2018 et a réintégré le SDIS de la Côte d'Or le 1er septembre 2018 avant d'obtenir sa mutation vers le SDIS de la Haute-Saône le 1er décembre 2018. Inscrit sur la liste d'aptitude pour accéder au grade de sergent du corps d'emplois des sous-officiers de sapeurs-pompiers professionnels, il a été nommé sergent stagiaire à compter du 1er mai 2019. Par un arrêté du 14 avril 2020, le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône a refusé de le titulariser et l'a réintégré dans le grade de caporal-chef à compter du 1er mai 2020. M. C... a obtenu l'annulation de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 novembre 2021. Après avoir repris la procédure, le président du conseil d'administration du SDIS a, par un nouvel arrêté du 29 avril 2022, mis fin au stage de M. C... et à son détachement en qualité de sergent de sapeurs-pompiers professionnels et l'a réintégré dans son cadre d'emplois d'origine au grade de caporal-chef. Le recours gracieux, introduit par l'intéressé, a été rejeté par une décision du 4 août 2022. Par ailleurs, une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre le 13 mai 2022. Alors que le conseil de discipline a émis, le 29 juin 2022, un avis favorable à une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, M. C... a fait l'objet, par un arrêté du 2 août 2022, de la sanction disciplinaire de révocation. Le sapeur-pompier relève appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 portant refus de titularisation et de l'arrêté du 2 août2022 portant révocation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en estimant que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté de refus de titularisation était inopérant, d'une erreur d'appréciation en retenant que la décision était suffisamment motivée, d'erreur d'appréciation quant à la réponse apportée au moyen tiré de ce qu'il n'avait pas pu suivre sa formation d'adaptation au grade de sergent, d'erreur d'appréciation quant aux motifs justifiant le refus de le titulariser dans le grade de sergent et au détournement de pouvoir commis par le président du conseil d'administration du SDIS ainsi également que d'erreurs d'appréciation quant à la légalité de la décision prononçant sa révocation à titre disciplinaire. Toutefois, de tels moyens, qui se rapportent au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité et seront examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 avril 2022 :
3. Aux termes de l'article 7 du décret du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des sous-officiers de sapeurs-pompiers professionnels : " Les candidats inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 3 et recrutés sur un emploi d'un service d'incendie et de secours sont nommés sergents stagiaires, pour une durée d'un an, par arrêté de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret : " A l'issue du stage et si celui-ci a été jugé satisfaisant, les stagiaires sont titularisés par arrêté de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination, sous réserve qu'ils aient validé la formation d'intégration de leur grade. (...) / Cette même autorité peut décider que la période de stage est prolongée d'une durée maximale d'un an. / Lorsque la titularisation n'est pas prononcée, le stagiaire, qui avait auparavant la qualité de fonctionnaire, est réintégré dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine ".
4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.
5. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.
6. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
En ce qui concerne la légalité externe :
S'agissant de la motivation :
7. Si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. Ainsi, la décision refusant de le titulariser à l'issue du stage n'a pour effet, ni de refuser à l'intéressé un avantage qui constituerait pour lui un droit ni, dès lors que le stage a été accompli dans la totalité de la durée prévue par la décision de nomination comme stagiaire, de retirer ou d'abroger une décision créatrice de droits. Une telle décision n'est, dès lors, pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
8. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. C... ne saurait utilement soutenir que la décision du 29 avril 2022 serait entachée d'insuffisance de motivation en fait. En tout état de cause, il ressort de cette décision qu'elle vise le courrier adressé le 23 mars 2022 à l'intéressé l'informant des motifs de la saisine de la commission administrative paritaire de catégorie C, mentionne les observations écrites qu'il a adressées au président du SDIS de la Haute-Saône le 24 avril 2022 et indique la liste des faits qui lui sont reprochés et dont il est considéré qu'ils caractérisent son insuffisance professionnelle et mettent en cause sa manière de servir. D'autre part, M. C... ne saurait pas plus utilement soutenir que l'absence de prolongation de son stage aurait dû être motivée. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
S'agissant de la procédure devant la commission administrative paritaire :
9. En premier lieu, il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire qui s'est tenue le 26 avril 2022 que la présidente de celle-ci avait sollicité la présence, à titre d'experts, conformément à l'article 29 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales, du directeur départemental du SDIS, du chef du groupement des ressources humaines et territoriales et de la cheffe du service de gestion des ressources humaines. Il ne ressort pas de ce procès-verbal que les deux dernières personnes auraient pris la parole. Quant aux explications données par le directeur départemental du SDIS, lesquelles ne sont pas en tant que telles erronées contrairement à ce que M. C... soutient, il n'en ressort pas d'animosité personnelle ni de partialité à l'encontre de l'agent de nature à vicier la procédure, alors au surplus que le directeur départemental n'est arrivé au SDIS de la Haute-Saône qu'en 2021. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la présence de ces trois personnes à titre d'experts méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 121-1 du code général de la fonction publique, relatives à l'obligation d'impartialité faite aux agents, et celles de l'article L. 122-1 du même code relatives à la prévention des situations de conflit d'intérêts.
10. En deuxième lieu, il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire que les débats ont notamment porté sur un message posté par M. C... le 31 décembre 2021 sur sa page Facebook. Ce fait, qui est postérieur à la première décision de refus de titularisation annulée par le tribunal administratif de Besançon, a été expressément mentionné dans le rapport établi par l'autorité de nomination de l'agent en vue de la saisine de la commission administrative paritaire. Il en va de même des " condamnations pénales " qui figurent parmi les motifs de la décision en litige, et dont le rapport fait également état. M. C... ne conteste pas avoir été informé des motifs de la saisine de la commission administrative paritaire tels qu'exposés dans ce rapport et qu'il a été invité à présenter des observations, conformément à ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, les faits lui étant reprochés étant susceptibles de constituer des fautes disciplinaires. Il est d'ailleurs constant qu'il a présenté des observations en réponse à ce rapport, deux jours avant la tenue de la CAP du 26 avril 2022, et que ses observations ont été lues en séance. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que des faits " nouveaux " ont été évoqués au cours de la séance sans avoir été soumis au contradictoire. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir, pour contester la décision de refus de titularisation, de la méconnaissance des garanties offertes dans le cadre des procédures disciplinaires.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de l'autorité de chose jugée du jugement du 30 novembre 2021 :
11. L'autorité de chose jugée d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative s'attache au dispositif de ce jugement, devenu définitif, ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire.
12. Il n'est pas contesté que, par le jugement du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a prononcé l'annulation de l'arrêté du 14 avril 2020 mettant fin au stage et au détachement de M. C... en qualité de sergent de sapeur-pompier professionnelle pour un vice de procédure tenant à l'absence de respect du principe du contradictoire alors que les faits retenus contre lui pour caractériser une insuffisance professionnelle étaient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires. L'autorité de chose jugée de ce jugement ne s'opposait pas, compte tenu des motifs qui en sont le support nécessaire, à ce que le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône prenne, à l'issue d'une procédure régulière, une nouvelle décision comportant le même objet et motivée par les mêmes faits. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige porterait atteinte à l'autorité de chose jugée.
S'agissant de l'insuffisance professionnelle :
13. La décision portant refus de titularisation est motivée par les propos sexistes mensongers et orduriers proférés à l'encontre d'une collègue, l'absence de respect envers la hiérarchie et l'institution, l'atteinte à la dignité du corps des sapeurs-pompiers, la méconnaissance du devoir de réserve, la propension à la désobéissance, l'atteinte au devoir de probité et l'existence de condamnations pénales.
14. En premier lieu, il ressort du courrier rédigé le 11 décembre 2019 par une caporale du centre d'intervention de Gray et visant à dénoncer les propos mensongers portant atteinte à sa dignité, d'une part, qu'elle y relate un échange avec le sergent C... le 15 novembre 2019 au cours duquel il lui a indiqué qu'elle lui devait le respect " parce que j'ai 43 ans et que ce n'est pas du haut de tes trois centimètres que tu me fais peur " et, d'autre part, qu'elle y mentionne des rumeurs circulant sur son compte, lesquelles mettent en cause la manière dont elle a obtenu son examen de sergent et lui attribuent certaines pratiques sexuelles dans une précédente affectation. Si l'intéressée a précisé qu'il lui avait été rapporté que ces dires émanaient de M. C..., le requérant nie en être à l'origine. Les documents produits par le SDIS de la Haute-Saône pour établir la matérialité des éléments colportés se bornent toutefois, pour une part, à reprendre les mêmes déclarations que celles déjà faites par la caporale, tandis que l'attestation de l'adjudant-chef qui confirme l'existence des rumeurs ne désigne personne nommément et que celle établie par un autre adjudant-chef et intitulée " compte-rendu du comportement de certains agents " reproche des manquements de manière générale à quatre sapeurs-pompiers, sans qu'il soit possible d'en tirer la conclusion que M. C... serait à l'origine des rumeurs concernant la caporale. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'à l'exception du commentaire dénigrant la caporale concernée à raison de sa taille, les propos sexistes, mensongers et orduriers qui lui sont reprochés d'avoir tenus à l'encontre de sa collègue ne sont pas établis.
15. En deuxième lieu, d'une part, le SDIS de la Haute-Saône ne produit aucune pièce permettant d'établir que M. C... aurait refusé de saluer son chef de centre ou de lui serrer la main. Ainsi, et alors que le requérant conteste la matérialité d'un tel comportement, ce grief ne peut pas être retenu contre lui. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que M. C... a publié, le 31 décembre 2021, sur sa page Facebook un message injurieux et irrespectueux prenant à parti plusieurs cadres du SDIS de la Haute-Saône, dont le président du conseil d'administration, le directeur départemental, le chef du groupement ressources humaines et son chef de centre. Les surnoms donnés à ces personnes permettaient leur identification par les pompiers du département. Toutefois, ce fait étant intervenu en dehors de la période du 1er mai 2019 au 30 avril 2020 au cours de laquelle M. C... était sergent-stagiaire, il ne peut pas être utilement retenu contre lui pour fonder le refus de titularisation en litige.
16. En troisième lieu, la décision en litige fait grief à M. C..., au titre de la méconnaissance du devoir de réserve, de s'être répandu dans la presse sur l'organisation et le fonctionnement du service. Il ressort d'une part de la manchette du 24 septembre 2019 publiée dans l'Est républicain que le journaliste se borne à interroger le maire de Gray à l'issue du conseil municipal de la veille, au cours duquel celui-ci avait indiqué avoir été interpelé par des pompiers au sujet de la situation de la caserne et évoquait la plainte déposée. Il est établi que, début septembre, le syndicat autonome SPP-PATS de Haute-Saône avait d'une part saisi le procureur de la République, d'autre part le défenseur des droits au sujet du respect des obligations relatives au temps de travail. Quant à l'article publié le 8 février 2020 dans le même journal, celui-ci évoque le climat de défiance entre le syndicat autonome et la direction, à l'occasion d'une visite d'une délégation de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels au CIP de Gray, relate l'échange entre le syndicat et la direction du centre d'intervention de Gray au sujet du temps de travail et fait également état de l'existence de procédures disciplinaires contre certains agents et de procédures judiciaires. Il ressort de ces deux articles incriminés par le SDIS de la Haute-Saône que le nom de M. C... apparaît en lien avec l'action syndicale portée par le SPP-PATS tandis que la seule mention de ce qu'il a déposé plainte contre son chef de centre ne peut être regardée comme la preuve de ce qu'il se répandrait, à titre personnel, dans la presse sur les dysfonctionnements du centre de Gray. Dans ces conditions, le refus de titularisation ne pouvait pas être fondé sur un manquement de M. C... à son devoir de réserve.
17. En quatrième lieu, pour estimer que M. C... avait manqué au devoir de probité, le président du conseil d'administration du SDIS a retenu que celui-ci avait dissimulé une absence de permis valide puis avait conduit sans permis valide. Il n'est pas contesté que, alors que son précédent permis de conduire " poids lourds " avait expiré le 14 octobre 2018, M. C... n'a présenté son nouveau permis que le 10 janvier 2020.
18. D'une part, il est reproché à l'agent d'avoir obtenu ce nouveau permis sur la base d'un document attestant son aptitude médicale, dont la date du 11 février 2019 a été modifiée en 11 décembre 2019. Le SDIS de la Haute-Saône ne produit pas de document établissant que M. C... aurait falsifié ce document. Par ailleurs, la cour d'appel de Besançon a, par un arrêt du 8 juin 2023, annulé le jugement du tribunal judiciaire de Vesoul du 10 juin 2021 qui avait condamné M. C... à six mois d'emprisonnement avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle de pompier pour faux dans un document administratif par un chargé de mission de service public et usage de faux dans un document administratif. Il ressort de cet arrêt que, si les auteurs de la modification de la date demeurent inconnus, la rature portée sur le Cerfa ne présente " aucun intérêt " et ne porte en outre préjudice à personne, la cour observant que l'aptitude constatée sur ce document ne peut pas être remise en cause.
19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. C... a passé sa visite médicale d'aptitude à la conduite des véhicules du SDIS le 11 février 2019, à l'issue de laquelle le médecin sapeur-pompier du service de santé et de secours médical (SSSM) du SDIS lui a remis un certificat d'aptitude (Cerfa) pour la conduite des poids-lourds et des ambulances. Alors que la note d'information du 22 janvier 2016 relative aux consignes à respecter lors d'une demande de renouvellement de permis de catégories lourdes, dont le SDIS ne soutient pas qu'elle aurait été abrogée, indique que c'est le SSSM qui se charge de la transmission du dossier au service instructeur de la préfecture, le requérant justifie en tout état de cause avoir sollicité le renouvellement de son permis le 27 février 2019, ce dont il a été accusé réception. Dans ces conditions, et alors que les services du SDIS ne pouvaient ignorer que le permis de conduire " poids lourds " de M. C... n'était plus valable lorsqu'il a obtenu sa mutation au centre d'intervention de Gray le 1er décembre 2018, il ne saurait être reproché au sapeur-pompier d'avoir dissimulé cet état de fait ni d'avoir été mis en situation de conduire des véhicules du SDIS sans permis valide. Si M. C... a agi avec légèreté en ne s'assurant pas de l'avancement de l'instruction de sa demande auprès des services de la préfecture, le grief tiré du manquement au devoir de probité ne peut, en revanche, pas être retenu.
20. En cinquième lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 18, que le refus de titularisation ne pouvait pas retenir contre M. C... sa condamnation prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Vesoul le 10 juin 2021 pour faux et usage de faux, ce jugement ayant été annulé par l'arrêt de la cour d'appel de Besançon. En revanche, il est constant que M. C... a, en acceptant la composition pénale du 23 juillet 2020, reconnu avoir commis des faits d'appels téléphoniques malveillants à l'égard d'un chef de garde du centre d'intervention de Gray. Le requérant ne saurait ainsi soutenir qu'il s'est dénoncé par solidarité avec l'autre sapeur-pompier qui a également accepté une composition pénale.
21. Il résulte de ce qui précède que, parmi les motifs ayant justifié le refus de titulariser M. C... au grade de sergent, l'autorité gestionnaire était seulement fondée à retenir, d'une part, le commentaire dénigrant une collègue à raison de sa taille et, d'autre part, les appels téléphoniques malveillants adressés à un adjudant-chef D.... Par ailleurs, si le requérant prétend ne pas savoir en quoi consistent les griefs tirés de l'atteinte à la dignité du corps des sapeurs-pompiers et de propension à la désobéissance, il ressort du rapport adressé à la commission administrative paritaire qu'il lui a été reproché une dégradation d'une pièce de son uniforme lors d'une fête organisée au SDIS le 7 décembre 2019 et d'avoir modifié un parcours de sport sans l'autorisation de son chef de centre le 6 janvier 2020, ce que le requérant ne conteste pas. Il ressort de ce qui précède que l'ensemble de ces faits révèle une manière de servir inadaptée pour un sapeur-pompier professionnel appelé à exercer des fonctions de sous-officier dans un milieu professionnel hiérarchisé. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de le titulariser au grade de sergent de sapeur-pompier professionnel, le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'absence de suivi de la formation d'adaptation :
22. Aux termes de l'article 7 du décret du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des sous-officiers de sapeurs-pompiers professionnels, dans sa version applicable au cours de la période de stage de M. C... : " Les candidats inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 3 et recrutés sur un emploi d'un service d'incendie et de secours sont nommés sergents stagiaires, pour une durée d'un an, par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination. / Dès leur recrutement, les sergents stagiaires reçoivent une formation d'adaptation à l'emploi de chef d'agrès d'un engin comportant une équipe dans une école départementale de sapeurs-pompiers. La durée, l'organisation et le contenu de cette formation sont définis par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la fonction publique. / Les sergents stagiaires ne peuvent se voir confier de missions à caractère opérationnel correspondant à l'emploi de chef d'agrès d'un engin comportant une équipe avant d'avoir suivi cette formation. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " Le stage d'une année prévu à l'article 7 est prolongé par décision de l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination lorsque l'école départementale de sapeurs-pompiers n'a pu, au cours de ladite année, dispenser à l'intéressé sa formation d'adaptation à l'emploi. / Cette prolongation ne peut dépasser un an. (...) ".
23. Les griefs retenus contre M. C... pour motiver la décision en litige sont relatifs non pas à ses compétences techniques et à son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il pouvait être appelé mais uniquement à sa manière de servir. Dans ces conditions, la circonstance qu'il n'a pas reçu la formation d'adaptation à l'emploi de chef d'agrès d'un engin comportant une équipe au cours de sa période de stage du 1er mai 2019 au 30 avril 2020 n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône a, sur avis de la commission administrative paritaire, refusé de titulariser le requérant au grade de sergent de sapeur-pompier professionnel.
S'agissant de l'allégation de sanction déguisée :
24. Il ressort de ce qui a été dit au point 21 ci-dessus que les faits matériellement établis reprochés à M. C... caractérisaient une insuffisance dans sa manière de servir justifiant le refus de titularisation qui lui a été opposé. La circonstance que ces mêmes faits étaient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires n'est, par suite, pas de nature à établir que la décision en litige serait constitutive d'une sanction déguisée.
S'agissant du détournement de pouvoir :
25. M. C... soutient avoir été victime, à partir de la création au 1er juillet 2019 de la branche locale du syndicat national autonome des sapeurs-pompiers professionnels, d'une entreprise de destruction de sa carrière de la part du chef du centre d'intervention de Gray et du directeur territorial du SDIS de la Haute-Saône, qui étaient alors en poste. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'historique des faits reprochés à ces personnes permettrait d'établir que le refus de titularisation est intervenu pour des raisons étrangères à l'intérêt du service ni que le président du conseil d'administration du SDIS aurait fait usage de son pouvoir dans un autre but que celui en vertu duquel il en dispose, et dont il a légalement fait usage ainsi qu'il a été dit au point 21 ci-dessus. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
26. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 portant refus de titularisation dans le grade de sergent de sapeurs-pompiers professionnels.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2022 :
27. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
28. Il ressort de la motivation de l'arrêté en litige par lequel le président du conseil d'administration du SDIS de la Haute-Saône a révoqué M. C... qu'elle reprend pour l'essentiel les mêmes griefs que ceux qui ont motivé l'arrêté du 29 avril 2022 portant refus de titularisation au grade de sergent.
29. Or, il ressort de ce qui a été dit précédemment que certains griefs ne peuvent pas être retenus contre M. C..., qu'il s'agisse, d'une part, des propos injurieux, orduriers, sexistes et diffamants à l'encontre d'une collègue sapeur-pompier, dont il n'est pas établi qu'ils lui soient imputables, des faits de faux et usage de faux dans un document administratif par un chargé de mission de service public pour lesquels il a été relaxé, d'autre part, des faits de dissimulation de la perte de validité de son permis " poids lourds ", alors qu'il est établi qu'il avait sollicité son renouvellement à l'issue de sa visite médicale auprès du médecin du centre d'intervention de Gray et que les services concernés ne pouvaient ignorer l'état de ces démarches, ou encore des faits de conduite de véhicules à vingt-huit reprises sans permis valide. Par ailleurs, la seule attestation d'un adjudant-chef, rédigée le 19 décembre 2019 et incriminant le comportement général de quatre sapeurs-pompiers, sans les distinguer ni évoquer de faits datés, ne permet pas d'établir la matérialité du grief tiré des faits d'insubordination, de manque de respect et de considération pour son chef de garde ni d'absence de respect des ordres et des consignes. Il n'est pas non plus établi que M. C... se serait répandu dans la presse ni qu'il y aurait tenu des propos calomnieux contre son chef de centre. Quant à l'appel reçu par sa collègue par un journaliste, aussi désagréable soit-il, il ne saurait être imputé à M. C....
30. Sont en revanche établis, d'une part, le fait d'avoir proféré un commentaire désobligeant à une reprise à l'encontre d'une collègue, relativement à sa taille, sans que le SDIS de la Haute-Saône puisse sérieusement soutenir que l'arrêt de travail de celle-ci, qui ne fait pas immédiatement suite à cette remarque, serait imputable au comportement de M. C... à son encontre, d'autre part, l'existence d'appels téléphoniques malveillants passés à un supérieur du centre d'intervention en vue d'obtenir des informations, que l'intéressé a reconnus ainsi qu'il ressort de la composition pénale du 23 juillet 2020, enfin la publication sur sa page Facebook d'un " post " injurieux et irrespectueux à l'encontre de plusieurs cadres du SDIS, sans que la décision en litige précise toutefois dans quelle mesure ce fait commis dans la sphère privée aurait perturbé le bon fonctionnement du service ou jeté le discrédit sur l'administration. Si ces faits commis par M. C... révèlent des manquements à son devoir de dignité et de loyauté et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire, la sanction de révocation est, eu égard à la nature de ces faits et compte tenu par ailleurs de l'absence de tout antécédent disciplinaire reproché à l'agent, disproportionnée par rapport à leur gravité. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que la décision de révocation est entachée d'illégalité.
31. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2022.
Sur l'injonction :
32. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".
33. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que M. C... soit réintégré dans le corps d'emploi de caporal-chef de sapeur-pompier professionnel, à la date de sa révocation, et qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière. Il y a lieu d'enjoindre au SDIS de la Haute-Saône d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
34. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le SDIS de la Haute-Saône et non compris dans les dépens.
35. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS de la Haute-Saône la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 janvier 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2022.
Article 2 : L'arrêté du 2 août 2022 prononçant la révocation de M. C... est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au SDIS de la Haute-Saône de procéder à la réintégration de M. C... à la date de sa révocation et à la reconstitution de sa carrière, dans le délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt.
Article 4 : Le SDIS de la Haute-Saône versera la somme de 2 000 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Haute-Saône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC00957