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11/07/2024 | FRANCE | N°23NC02229

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23NC02229


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2022 par lequel le préfet des Ardennes lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.



Par un jugement n° 2202699 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 10 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2022 par lequel le préfet des Ardennes lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire national dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2202699 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Segaud-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il a justifié de son état civil et le préfet n'a pas renversé la présomption d'authenticité de l'article 47 du code civil et alors que sa date de naissance et son identité n'ont jamais été remises en cause par aucune autorité ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il remplit toutes les conditions.

Par ordonnance du 25 juillet 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 30 août 2023 à 12 heures.

M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien qui serait né le 7 novembre 2003, déclare être entré irrégulièrement en France au cours du mois de décembre 2019. L'intéressé a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 1er mars suivant. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile, il a sollicité du préfet des Ardennes la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 28 octobre 2022, cette autorité a refusé d'y faire droit, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné en cas d'exécution contrainte. M. B... relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. L'arrêté du 28 octobre 2022 comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des éléments de droit et de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. B... les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet./ Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

4. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. En outre, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

5. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit un acte de naissance portant le n° 135 du 27 novembre 2020 délivré par les services compétents de la commune de Guegneka-Fana. Pour remettre en cause la présomption de validité de cet acte, le préfet s'est notamment fondé sur un rapport d'expertise du 4 avril 2021 réalisé par les services spécialisés de la police aux frontières, pour conclure que ce document était frauduleux. Contrairement à ce que soutient M. B..., ce document a été produit devant les premiers juges qui l'ont soumis au contradictoire. Il ressort des pièces du dossier et de ce rapport d'analyse documentaire que cet acte de naissance n'a matériellement pas pu être établi par un deuxième adjoint de la commune dès lors que le centre principal de Fana ne comporte pas cette fonction. Il ressort du document présenté qu'une coquille affecte le terme " officier " et qu'il se trouve dépourvu du numéro national d'identification. De telles anomalies sont connues pour se rapporter à des stocks d'imprimés vierges ayant été volés. Enfin, si l'acte produit semble faire référence à un jugement supplétif, cet acte n'est pas identifié de manière complète et n'a d'ailleurs jamais été produit par l'intéressé. Ces éléments sont de nature à renverser la présomption d'authenticité s'attachant aux actes d'état civil des autorités étrangères. Si M. B... soutient que sa minorité a toujours été reconnue par toutes les autorités, y compris judiciaires, ayant eu à connaître de son dossier, il ressort de l'ordonnance du juge des tutelles du 12 août 2020 que ce dernier n'a pas eu à apprécier sa minorité, laquelle n'était contestée par personne à l'époque, tandis que le rapport d'évaluation de minorité du département de la Meuse ne se fonde sur aucun document d'identité, l'intéressé en étant dépourvu à l'époque et ne se prononce qu'au vu de son apparence physique, au demeurant estimée correspondre à un âge plus avancé que celui allégué, et sur ses déclarations. Dès lors, le préfet a pu légalement et sans commettre d'erreur de fait, rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B... pour ce motif.

6. M. B... ayant saisi l'administration d'une demande sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-22 du même code est inopérant.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

8. M. B... réside en France depuis un peu moins de trois années à la date de l'arrêté contesté et il est célibataire et sans enfant. En outre, il a vécu la majorité de sa vie au Mali. Dès lors, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en violation des normes ci-dessus reproduites et qu'il reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Segaud-Martin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02229

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02229
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SEGAUD JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;23nc02229 ?
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