Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2208408 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, M. C..., représenté par Me Snoeckx, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;
2)° d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 € au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- son état de santé justifie la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de l'article L.425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale dès lors qu'elle est fondée sur le refus de titre de séjour qui est lui-même illégal ;
- son état de santé s'oppose à ce qu'il soit éloigné du territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire est contraire à son droit à la vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision l'obligeant à quitter le territoire, elle-même illégale.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 juillet 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 4 novembre 1990, a déclaré être entré en France le 18 juin 2020. En avril 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au motif de son état de santé. Une autorisation de séjour provisoire valable jusqu'au 21 décembre 2021 lui a été délivrée. A cette date, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 30 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande et assorti ce refus d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2023 ayant rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". Aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
5. M. C... souffre de schizophrénie et bénéficie d'un traitement combinant deux anti-psychotiques, le paliperidone et le zopiclone. Par un avis du 17 mars 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Maroc, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est suivi en psychiatrie à l'établissement public de santé Alsace Nord depuis novembre 2020 et qu'il bénéficie du traitement susmentionné. Il ressort par ailleurs de ses propres dires qu'avant son arrivée en France, il avait bénéficié de soins, notamment lors d'hospitalisations en service de psychiatrie. Les circonstances qu'il ait été hospitalisé d'office à plusieurs reprises en France où une partie de sa famille réside et participe à la continuité du lien thérapeutique ou qu'il a bénéficié antérieurement d'une autorisation provisoire de séjour compte tenu de son état de santé ne sont pas de nature à établir qu'il n'aurait pas accès, en cas de retour au Maroc, où il a conservé des attaches familiales, à une prise en charge appropriée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
7. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour pris à son encontre. Dès lors, il n'est pas davantage fondé à solliciter l'annulation, par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire français en litige.
8. D'autre part, eu égard à ce qui a été énoncé au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Il résulte des pièces du dossier que M. C... est entré en France, selon ses dires, en juin 2020 et qu'il bénéficie de la présence sur le territoire français de trois de ses frères, dont deux sont de nationalité française. Toutefois, il est célibataire, sans charge de famille et ne peut se prévaloir d'une durée de séjour significative sur le territoire français à la date de la décision attaquée. En outre, il a conservé des attaches familiales au Maroc où résident ses parents ainsi qu'une partie de sa famille. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision en litige a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. C....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Snoeckx.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. B...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 23NC02101 2