Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Jonathan Tahon a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la justice a refusé de réviser son arrêté de reclassement du 28 janvier 2020.
Par un jugement n° 2001691 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision implicite ainsi que celle rejetant son recours gracieux et a enjoint au garde des Sceaux, ministre de la justice, de procéder au reclassement de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés les 17 janvier et 23 février 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 novembre 2021.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que l'article premier du décret du 23 décembre 2006 n'était pas applicable au cas de M. A... ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que M. A... avait accompli l'ensemble de ses services dans un corps de catégorie B à la date de la décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, M. A..., représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ;
- le décret n° 2010-1640 du 23 décembre 2010 ;
- le décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barlerin,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lehmann pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son recrutement au choix, M. Jonathan Tahon, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de première classe, a été nommé et titularisé dans le corps des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation, au grade de directeur de classe normale par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 28 janvier 2020, avec effet au 13 janvier 2020. Par courrier du 30 janvier 2020, il a sollicité la modification de cet arrêté afin qu'il soit fait application des dispositions de l'article 5 du décret du 23 décembre 2006. Une décision implicite de rejet lui a été opposée. Le garde des Sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 28 janvier 2020 et sa décision implicite de rejet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux personnes nommées dans les corps de fonctionnaires de catégorie A de la fonction publique de l'Etat figurant en annexe, sans préjudice de l'application des dispositions plus favorables instituées par les statuts particuliers de ces corps ". Le corps des directeurs d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire figure sur cette annexe. Aux termes de l'article 2 du même décret : " I. - Les personnes nommées dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er qui justifient de services antérieurs sont classées à un échelon déterminé, sur la base des durées moyennes fixées par le statut particulier de ce corps pour chaque avancement d'échelon, en application des articles 3 à 10. Le classement est prononcé à la date de nomination dans le corps (...) II. - La situation et les périodes d'activité antérieures prises en compte pour le classement en application des articles 4 à 10 sont appréciées à la date à laquelle intervient le classement. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " I. - Une même personne ne peut bénéficier de l'application de plus d'une des dispositions des articles 4 à 10. Une même période ne peut être prise en compte qu'au titre d'un seul de ces articles. / Les personnes qui, compte tenu de leur parcours professionnel antérieur, relèvent des dispositions de plusieurs des articles mentionnés à l'alinéa précédent sont classées en application des dispositions de l'article correspondant à leur dernière situation. / Ces agents peuvent toutefois, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de la décision prononçant leur classement dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, demander que leur soient appliquées les dispositions d'un autre de ces articles qui leur sont plus favorables ". Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " Les fonctionnaires appartenant déjà, avant leur nomination, à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau sont classés dans leur nouveau corps à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans leurs corps et grade d'origine. / Dans la limite de l'ancienneté moyenne fixée par le statut particulier du corps dans lequel ils sont nommés pour une promotion à l'échelon supérieur, ils conservent l'ancienneté d'échelon acquise dans leur grade d'origine lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui aurait résulté d'un avancement d'échelon dans leur ancienne situation. / Les fonctionnaires nommés alors qu'ils ont atteint le dernier échelon de leur grade d'origine conservent leur ancienneté d'échelon dans les mêmes limites lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure à celle qui aurait résulté d'une promotion à ce dernier échelon. / Toutefois, les agents qui, avant leur nomination dans l'un des corps relevant du présent décret, appartenaient à un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie A ou de même niveau doté d'un indice brut terminal inférieur ou égal à 801 et qui, avant leur nomination dans ce corps ou cadre d'emplois, appartenaient à un corps ou cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau, doté d'un indice brut terminal au moins égal à 638, peuvent demander à être classés en application des dispositions de l'article 5 en tenant compte de la situation qui serait la leur s'ils n'avaient cessé d'appartenir à ce corps ou cadre d'emplois de catégorie B ". Et aux termes de l'article 5 de ce décret : " Les fonctionnaires appartenant avant leur accession à la catégorie A à un corps ou à un cadre d'emplois de catégorie B ou de même niveau sont classés à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'ils détenaient avant leur nomination augmenté de 60 points d'indice brut. Lorsque deux échelons successifs présentent un écart égal avec cet indice augmenté, le classement est prononcé dans celui qui comporte l'indice le moins élevé. / Dans la limite de l'ancienneté moyenne fixée par le statut particulier du corps dans lequel ils sont nommés pour une promotion à l'échelon supérieur, les bénéficiaires de cette disposition conservent l'ancienneté d'échelon acquise dans leur grade d'origine lorsque l'augmentation de traitement consécutive à leur nomination est inférieure ou égale à 60 points d'indice brut. Toutefois, lorsque le classement opéré en vertu de l'alinéa précédent conduit le fonctionnaire à bénéficier d'un échelon qu'aurait également atteint le titulaire d'un échelon supérieur de son grade d'origine, aucune ancienneté ne lui est conservée dans l'échelon du grade de catégorie A dans lequel il est classé ".
3. Il résulte des dispositions précitées que lorsque sa situation relève des articles 4 à 10 du décret du 23 décembre 2006, eu égard à son parcours professionnel antérieur à sa nomination dans le corps de catégorie A considéré, le fonctionnaire intéressé est classé dans ce corps conformément à l'article du décret qui correspond à sa dernière situation à la date à laquelle intervient ce classement. Toutefois, l'agent peut, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification de la décision prononçant son classement, demander à l'administration l'application de dispositions du décret du 23 décembre 2006 qui lui seraient plus favorables.
4. Par ailleurs, aux termes du décret du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, en vigueur jusqu'au 31 janvier 2019, le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation relevait de la catégorie B. Et, aux termes de l'article 1er du décret du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : " Le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation du ministère de la justice, régi par les dispositions du présent décret, est classé en catégorie A prévue à l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'avant sa nomination en qualité de directeur pénitentiaire d'insertion et de probation, par l'arrêté litigieux du 28 janvier 2020, prenant effet au 13 janvier 2020, M. A... était, depuis le 21 mars 2019, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de première classe, échelon 3. Il exerçait dès lors, depuis cette dernière date, des fonctions de catégorie A en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 30 janvier 2019 précité. L'indice brut terminal du 9ème échelon du grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe était alors inférieur à 801 points. L'intéressé remplissait donc la première condition prévue au dernier alinéa de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006.
6. D'autre part, avant l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2019, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation constituaient un corps de catégorie B de la fonction publique d'Etat. Ainsi, jusqu'à sa nomination en qualité de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de 1ère classe, M. A... était un agent de catégorie B. Or, si le II de l'article 24 de ce même décret dispose que " Les services accomplis dans les grades du corps régi par le décret du 23 décembre 2010 précité sont assimilés à des services accomplis dans le corps d'intégration ", ces dispositions transitoires relatives à la constitution du corps, n'avaient pour seul objet que de permettre aux agents concernés de conserver leur ancienneté en vue d'un avancement d'échelon ou de grade notamment, mais en aucun cas, de leur conférer la qualité d'agent de catégorie A depuis leur entrée dans le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. L'indice brut terminal du grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation hors classe, étant, à la date de sa nomination comme directeur pénitentiaire d'insertion et de probation, supérieur à 638 points, M. A... remplissait dès lors la seconde condition prévue à l'article 4 du décret précité.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... pouvait se prévaloir des dispositions du dernier alinéa de l'article 4 du décret du 23 décembre 2006 précité et, par voie de conséquence, en vertu de l'article 5 du même décret, être classé à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'il détenait avant sa nomination, augmenté de 60 points d'indice brut. Il s'ensuit que c'est à juste titre que le tribunal administratif, qui n'a pas, contrairement à ce que soutient le garde des Sceaux, écarté l'application de l'article premier du décret du 23 décembre 2006, a estimé que le ministre avait entaché ses décisions d'une erreur de droit en refusant de le reclasser à l'échelon comportant l'indice le plus proche de l'indice qu'il détenait avant sa nomination, augmenté de 60 points d'indice brut.
8. Il résulte de tout ce qui précède, que le garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé l'arrêté du 28 janvier 2020 et sa décision implicite refusant de modifier le reclassement de M. A..., et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un sens conforme aux dispositions précitées du décret du 23 décembre 2006.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. Jonathan Tahon d'une somme de 1 500 euros an application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du garde des Sceaux, ministre de la justice, est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jonathan Tahon et au garde des Sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Rousselle, présidente,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. BarlerinLa présidente,
Signé : P. Rousselle
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre de la justice, garde des Sceaux en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 22NC00111