Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté non daté, référencé DCL/BMI/5203006208-359DU, notifié le 14 septembre 2023, par lequel la préfète de la Haute-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302368 du 24 novembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, renvoyé devant la formation collégiale du tribunal les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour et les conclusions aux fins d'injonction s'y rattachant, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Merger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 novembre 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté DCL/BMI/5203006208-359DU, notifié le 14 septembre 2023, portant obligation de quitter le territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision contrevient aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, la préfète de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens avancés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Barlerin a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante tunisienne née le 16 mai 1960, est entrée en France le 13 juillet 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 7 novembre 2022, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès des services de la préfecture de la Haute-Marne. Par un arrêté non daté, référencé DCL/BMI/5203006208-359DU, notifié à Mme B... le 14 septembre 2023, la préfète de la Haute-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée. Mme B... relève appel du jugement n° 2302368 du 24 novembre 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter ce territoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté DCL/BMI/5203006208-359DU, non daté, notifié le 14 septembre 2023, portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de cette décision, qui est dès lors régulièrement motivée.
3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1(...) ". Les stipulations et dispositions précitées ne garantissent pas à un ressortissant étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... B..., entrée en France en 2016, réside chez une de ses filles, Mme F... E..., et son gendre, ressortissants français, lesquels hébergent également une autre fille de Mme B..., Mme A... D..., ressortissante tunisienne née en 2004. Mme B... fait valoir qu'elle s'occupe de cette dernière fille, scolarisée au lycée et atteinte d'un handicap mental, avec un taux d'incapacité supérieur à 50 % et inférieur à 80 %, reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Cependant, Mme A... D... est placée sous la curatelle renforcée de sa sœur aînée, Mme F... E..., et bénéficie dès lors de son assistance. Mme B... fait valoir qu'elle est divorcée depuis le 3 octobre 2017, que ses parents sont décédés et que d'autres membres de sa famille, notamment des frères et ses autres enfants majeurs, résident dans d'autres Etats européens. Cependant, elle n'est pas isolée en Tunisie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 56 ans et où résident encore ses frères et deux de ses fils. Elle est entrée sur le territoire français munie d'un visa de court séjour, qu'elle a détourné à des fins migratoires. Si Mme B... se prévaut également d'une promesse d'embauche en qualité d'aide cuisine au sein d'un restaurant, cette circonstance, qui ne se rapporte pas à la vie privée et familiale, ne présente pas un caractère humanitaire et ne constitue pas un motif exceptionnel. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, à supposer même que ses autres enfants résidant hors de France ne seraient pas en mesure de l'héberger, Mme B... n'établit pas, dans ces conditions et compte tenu des conditions de son séjour en France, que la décision en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel elle a été prise.
5. Il résulte de ce qui précède que, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Merger, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. BarlerinLe président,
Signé A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC03756