Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu qui lui a été assignés au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 2100891 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, M. A..., représenté par Me Laurant et Me Lemarquis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas disposé d'une installation fixe d'affaires au sein de la clinique Priollet pour les besoins de son activité de médecin au sens de l'article 7 de la convention fiscale franco-belge en l'absence d'une clientèle propre, de matériel propre, d'autorité dans l'organisation du service et du caractère révocable à tout moment de son contrat avec la clinique ;
- en conséquence, étant résident belge, en l'absence d'installation fixe d'affaires en France, il ne peut y être imposé à l'impôt sur le revenu ;
- à titre subsidiaire, il y a lieu d'admettre en déduction les frais de déplacement qu'il a supportés pour se rendre de son domicile à ses lieux d'exercice de son activité pour un montant de 10 472 euros sur la seule base forfaitaire du barème kilométrique de l'administration ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré ;
- les intérêts de retard sont privés de base légale du fait du caractère mal-fondé de l'imposition.
Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer dans la mesure du dégrèvement prononcé le 8 février 2024 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention du 10 mars 1964 en matière d'impôt sur le revenu, conclue entre la France et la Belgique ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant belge, qui a la qualité de résident fiscal de Belgique, a exercé en France au cours de l'année 2014 une activité de médecin anesthésiste. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à une proposition de rectification du 21 juillet 2017, notifiée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Les rehaussements en matière de bénéfices non commerciaux ont été maintenus par le service par lettre du 18 septembre 2017 de réponse aux observations du contribuable. La commission des impôts directs a émis un avis favorable aux redressements le 20 juin 2019. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2019. La réclamation préalable de M. A... a été rejetée le 22 décembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 8 février 2024, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de la somme de 967 euros sur le montant des impositions et majorations litigieuses. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur les conclusions de la requête de M. A....
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère imposable en France de l'activité de M. A... :
3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention conclue le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.
4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " (...) [...les personnes...] dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de [...l'impôt sur le revenu...] en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : /(...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France ". Aux termes de l'article 1447 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée./ (...) III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts ". Aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-belge ci-dessus visée : " 1. Les revenus ou profits qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'autres activités personnelles et dont le régime n'est pas spécialement fixé par les dispositions de la présente convention ne sont imposables dans l'autre Etat contractant que si, pour l'exercice de son activité, ledit résident y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière. Dans cette éventualité, les revenus ou profits provenant de l'activité exercée dans ce dernier Etat ne sont imposables que dans cet Etat./ 2. Est notamment visée par le paragraphe 1 l'activité des médecins ". Il résulte de ces dispositions combinées que les profits provenant de l'exercice d'une profession libérale en France par une personne résidant en Belgique sont imposables en France lorsque l'intéressé y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière pour l'exercice de ses activités.
5. Il résulte de l'instruction que par une convention d'exercice professionnel du 1er avril 2012, la polyclinique des Hêtres, située au Cateau Cambrésis, a autorisé le docteur A... à exercer sa spécialité de médecin anesthésiste réanimateur au sein de son établissement. Le docteur A... a ainsi exercé dans cet établissement du 1er janvier au 31 octobre 2014. Il ressort de l'article 7 de cette convention que cette activité serait exercée de manière indépendante au profit des patients, ces derniers ayant le libre choix du praticien, les actes et consultations devant donner lieu à l'établissement de feuilles de soins et d'ordonnances à son en-tête, sa plaque professionnelle étant apposée dans le hall d'entrée de l'établissement. Pour les besoins de cette activité, la clinique Les Hêtres a mis à disposition de l'intéressé un cabinet de consultation, une installation de bloc opératoire dotée de son matériel et le personnel de l'établissement. La convention d'exercice libéral avec la clinique a été conclue pour une durée indéterminée, sa résiliation ne pouvant, à l'issue de la période probatoire, intervenir qu'à l'issue d'un préavis de trois mois selon l'ancienneté de l'exercice. Il résulte de ces éléments, en dépit de ce que l'intéressé devait respecter le planning établi en concertation avec les utilisateurs, contrainte inhérente à la spécialité d'anesthésiste de bloc, que M. A... a disposé pour l'exercice de son activité de médecin au sein de la clinique Les Hêtres, d'une installation fixe qu'il utilisait de façon régulière au sens des stipulations précitées de la convention fiscale du 10 mars 1964. Il s'ensuit que les bénéfices non commerciaux que M. A... a retiré de cette activité étaient imposables à l'impôt sur le revenu en France et il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort qu'il y a été imposé.
6. Il résulte de l'instruction que par un contrat d'exercice libéral du 6 novembre 2014, la polyclinique Priollet de Châlons-en-Champagne a autorisé le docteur A... à exercer sa spécialité de médecin anesthésiste réanimateur au sein de son établissement. Il ressort de cette convention que cette activité serait exercée de manière indépendante au profit des patients, ces derniers ayant le libre choix du praticien, les actes et consultations devant donner lieu à l'établissement de feuilles de soins et d'ordonnances à son en-tête, sa plaque professionnelle étant apposée dans le hall d'entrée de l'établissement. Pour les besoins de cette activité, la clinique Priollet a mis à disposition de l'intéressé une installation de bloc opératoire dotée de son matériel, le personnel de l'établissement et sur demande de sa part, un cabinet de consultation. La convention d'exercice libéral avec la clinique a été conclue pour une durée indéterminée, sa résiliation ne pouvant, à l'issue de la période probatoire, intervenir qu'à l'issue d'un préavis de six à dix-huit mois selon l'ancienneté de l'exercice. Il résulte de ces éléments, en dépit de ce que l'intéressé devait respecter le planning établi en concertation avec les utilisateurs, contrainte inhérente à la spécialité d'anesthésiste de bloc, que M. A... a disposé pour l'exercice de son activité de médecin au sein de la clinique Priollet, d'une installation fixe qu'il utilisait de façon régulière au sens des stipulations précitées de la convention fiscale du 10 mars 1964. Il s'ensuit que les bénéfices non commerciaux que M. A... a retiré de cette activité étaient imposables à l'impôt sur le revenu et à la cotisation foncière des entreprises en France et il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort qu'il y a été imposé.
7. S'agissant des remplacements effectués par l'intéressé au sein de la polyclinique de la Baie et la polyclinique Jeanne d'Arc, en l'absence de tout élément contraire résultant de l'instruction, il y a lieu de considérer que M. A... a disposé des mêmes moyens que ceux mis à sa disposition dans les deux établissements ci-dessus analysés. Il en résulte que les bénéfices retirés de ces remplacements par M. A... étaient imposables à l'impôt sur le revenu en France et il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort qu'il y a été imposé.
En ce qui concerne la déduction de frais de déplacement :
8. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts applicable à la détermination des bénéfices non commerciaux : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ". Les frais de transport que les contribuables exposent pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir sont, en règle générale, nécessités par l'exercice de la profession et doivent donc, à ce titre, être admis en déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 93 du code général des impôts. Toutefois, il en va autrement lorsque, eu égard aux circonstances de l'espèce, l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail présente un caractère anormal.
9. Il résulte de l'instruction que M. A... avait déduit de son bénéfice non commercial une somme de 20 946 euros de frais de déplacement sans disposer d'aucune pièce afin d'en justifier. Alors que le service avait initialement réintégré la totalité de cette somme, l'administration a, dans le cadre de la présente instance, accepté de déduire les frais de déplacements kilométriques exposés par l'intéressé entre son domicile personnel et les lieux d'exercice de son activité pour lesquels il a pu présenter des justificatifs de ses présences. Cette décision est à l'origine du dégrèvement ci-dessus analysé. Le requérant ne présente à l'appui des autres frais dont il demande la déduction aucune pièce justifiant de ses jours de présence au sein des établissements dans lesquels il a exercé au cours de l'année litigieuse susceptible d'établir la réalité de ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail. Par suite, le surplus des conclusions de M. A... concernant ces frais de déplacements ne peut qu'être rejeté.
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code ". Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :/ a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que les majorations ayant assorti les impositions laissées à sa charge seraient dépourvues de base légale en raison du caractère mal-fondé de celles-ci.
12. Afin de justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux impositions découlant de la réintégration des frais de déplacements, l'administration s'est fondée sur la circonstance que des manquements identiques, ayant consisté à déduire d'importantes dépenses sans justification, avaient été relevés à l'occasion de deux précédentes procédures de contrôle. Si M. A... soutient que le redressement ne résulte que d'une absence de pièces justificatives, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'eu égard à l'importance des sommes déduites et aux précédentes rectifications dont il avait fait l'objet, M. A... ne pouvait ignorer qu'il ne remplissait pas les conditions de ces déductions. Par suite, l'administration rapporte la preuve que c'est sciemment dans le but de réduire son imposition que M. A... a déduit les sommes litigieuses.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. L'Etat n'étant pas la partie perdante à titre principal dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... présentées sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... dans la mesure du dégrèvement prononcé le 8 février 2024.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,
Signé : L. StengerLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC01834 2