Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2305456 du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'autre part, a annulé l'arrêté du 6 décembre 2022 en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixait le pays de destination, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge le versement à son conseil d'une somme de 800 euros hors taxes, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, le tout dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La préfète du Bas-Rhin, à qui la requête a été communiquée, a produit des pièces enregistrées le 22 août 2024, communiquées, et une autre enregistrée le 21 mai 2025 et non communiquée.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante kosovare née en 1984, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 2 novembre 2016, selon ses déclarations, en compagnie de son époux. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 juin 2018. Elle a alors sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 novembre 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un courrier du 25 février 2021, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 6 décembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit aux conclusions d'annulation de cet arrêté présentées par Mme B..., à l'exception de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme B... résidait sur le territoire français depuis six ans à la date de la décision en litige. Si elle soutient avoir appris la langue française, elle ne produit aucune pièce permettant de justifier de son insertion dans la société française. La circonstance que son mari a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour du 25 janvier au 21 juillet 2021 puis, à nouveau, du 4 mai au 22 décembre 2023, soit au demeurant postérieurement à la décision en litige, ne permet pas d'établir que celui-ci aurait vocation à demeurer définitivement sur le territoire français dans le cadre des soins nécessités par son état de santé. La présence de Mme B... à ses côtés ne nécessite pas, en tant que telle, la délivrance d'un titre de séjour. Quant à la naissance de leur enfant en avril 2019 et à sa scolarisation, en petite section de maternelle au titre de l'année 2022/2023, elle n'est pas non plus de nature à établir que la famille aurait désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. Dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour opposé à l'intéressée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation au regard des dispositions et stipulations précitées.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. La décision de refus de titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de son fils. La circonstance que l'enfant a débuté sa scolarité en France en septembre 2022 ne permet pas d'établir, alors qu'il n'est pas allégué qu'il ne pourrait pas poursuivre celle-ci dans le pays d'origine de ses parents, que la décision en litige du 6 décembre 2022 méconnaît son intérêt supérieur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 6 décembre 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse B..., à Me Chebbale et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
2
N° 24NC00781