Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté non daté, notifié le 14 septembre 2023, par lequel le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302368 du 24 novembre 2023, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, renvoyé à une formation collégiale les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour et les conclusions adjacentes et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B....
Par un jugement n° 2302368 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de la demande qui avaient été renvoyées devant la formation collégiale.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Merger, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté non daté, notifié le 14 septembre 2023, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement ne comporte aucune réponse au moyen tiré de la nécessité de soutenir et d'accompagner sa fille A... au quotidien ;
S'agissant de la légalité du refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 23 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2024.
Un mémoire en défense, présenté par le préfet de la Haute-Marne, a été enregistré le 19 mai 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante tunisienne née en 1960, est entrée régulièrement sur le territoire français le 13 juillet 2016, muni de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 7 novembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté non daté, notifié le 14 septembre 2023, dont elle a demandé l'annulation au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le préfet de la Haute-Marne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un premier jugement du 24 novembre 2023, le président du tribunal a, d'une part, renvoyé à une formation collégiale les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour et les conclusions afférentes et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme B.... Mme B... relève appel du second jugement, intervenu le 25 janvier 2024, par lequel la formation collégiale du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour notifiée le 14 septembre 2023.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaissait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont, en réponse à l'argument par lequel Mme B... déclarait s'occuper de sa fille atteinte d'un handicap, retenu que celle-ci ne produisait aucune pièce médicale ou tout autre élément de nature à établir la nécessité de sa présence aux côtés de sa fille tandis que cette dernière était sous curatelle renforcée et bénéficiait de l'assistance continue de sa sœur. Les premiers juges ont, ce faisant, suffisamment motivé leur réponse aux moyens soulevés. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il ressort de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de fait, relatives à la situation personnelle et familiale de Mme B... que le préfet de la Haute-Marne a retenues pour en constituer le fondement. L'autorité administrative a notamment tenu compte de la présence en France de ses deux filles majeures ainsi que de ce qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. La circonstance que le refus de titre de séjour ne mentionne pas la situation particulière de sa fille A..., qui fait l'objet d'une protection au profit de sa sœur aînée, ne suffit pas à entacher la décision d'insuffisance de motivation, alors au demeurant que la requérante, qui ne produit pas sa demande de titre de séjour, n'établit pas les éléments dont elle s'est prévalue au soutien de sa demande. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du refus de séjour et du défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle doivent être écartés.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme B... résidait sur le territoire français depuis sept ans à la date de la décision en litige. Elle y est entrée à l'âge de 56 ans pour rejoindre sa fille aînée, qui réside en France depuis 2010, et est de nationalité française, ainsi que sa fille benjamine née en 2004 et souffrant d'un handicap, qui est prise en charge depuis 2015 par la première, qui a d'ailleurs été désignée comme sa curatrice par un jugement du tribunal de proximité de Saint-Dizier du 22 décembre 2022. Il ressort des pièces du dossier que la jeune femme, âgée de dix-neuf ans à la date de la décision en litige, s'est vu reconnaître un taux d'incapacité entre 50 et 80 %, a été orientée vers un service d'éducation spéciale et de soins à domicile à compter de septembre 2021 et a entrepris, depuis mai 2023, de s'insérer professionnellement. Si la présence affective de sa mère à ses côtés est assurément bénéfique pour elle, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que, et alors que le choix avait été fait de la confier aux soins de sa sœur aînée en 2015, la présence de Mme B... serait nécessaire pour l'accompagner au quotidien. Par ailleurs, si la requérante a noué des relations amicales, de voisinage ou au centre socio-culturel de Saint-Dizier, elle ne peut être regardée comme justifiant d'une insertion sociale particulière en France. Enfin, Mme B... n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où résident encore deux de ses fils. Si ceux-ci ont attesté ne pas pouvoir la prendre en charge financièrement, alors que sa fille aînée, qui l'héberge en France, atteste pouvoir assurer cette prise en charge, ces éléments ne suffisent toutefois pas à justifier que Mme B... aurait désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. Dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour opposé à l'intéressée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ces circonstances ne caractérisent pas non plus un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour non datée, notifiée le 14 septembre 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Merger et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 24NC00813