Vu I, sous le numéro 06NT00477, la requête, enregistrée le 22 février 2006, présentée pour la SA FLEURY MICHON, qui a son siège à Pouzauges (85700), par Me Garlatti, avocat au barreau de Paris ; la SA FLEURY MICHON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1946 en date du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée au titre de l'année 1997 à concurrence de 478 402 F et au titre de l'année 1998 à concurrence de 791 821 F ;
2°) de lui accorder la restitution demandée ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu, II, sous le numéro 06NT00837, le recours, enregistré le 26 avril 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 01-1629 en date du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de la SA Fleury Michon tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 à raison de la remise en cause de son droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais engagés à l'occasion de la cession des titres des sociétés Fleury Michon Développement et Calixte Producteur ;
2°) de remettre à la charge de la SA Fleury Michon les impositions susmentionnées ;
……………………………………………………………………………………………………...
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2007 :
- le rapport de M. Martin, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête et le recours susvisés concernent le même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;
Sur la requête de la SA FLEURY MICHON :
Considérant que l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales dispose que : “Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (…)”;
Considérant que la SA FLEURY MICHON a saisi le Tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à obtenir la restitution des sommes de 478 402 F et de 791 821 F qu'elle avait acquittées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes correspondant respectivement à l'année 1997 et à l'année 1998 ; que le tribunal a rejeté cette demande comme irrecevable au motif que la SA FLEURY MICHON avait présenté tardivement à l'administration ses réclamations relatives à ces impositions ; que, pour contester cette tardiveté, la société requérante fait valoir que lesdites réclamations, datées des 26 et 27 décembre 2001, étaient motivées par le fait que, dans son arrêt “Cibo Participations SA” du 27 septembre 2001, la Cour de justice des communautés européennes a reconnu aux holdings le droit d'imputer sur la taxe sur la valeur ajoutée dont elles sont redevables la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses exposées pour les services acquis dans le cadre d'une prise de participation, droit qui lui était jusqu'alors refusé par l'administration ; qu'elle soutient que cet arrêt, dont l'administration a tiré les conséquences dans une instruction du 15 octobre 2001, a constitué un événement, au sens des dispositions du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, qui lui a ouvert un nouveau délai de réclamation contre les impositions contestées ; que, toutefois, par cet arrêt concernant un autre contribuable, la Cour de justice des communautés européennes, statuant sur une question en interprétation, ne s'est prononcée, pour le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, que sur l'existence d'un lien direct et immédiat, ouvrant droit à déduction, entre les services acquis par un holding dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale et l'ensemble de l'activité économique du holding mais n'a ni annulé, ni déclaré invalide ou non conforme à une règle de droit supérieure une disposition fiscale ayant servi de fondement à la taxe litigieuse dont la SA FLEURY MICHON demande la restitution ; que, par suite, ni l'arrêt en cause, ni l'instruction administrative du 15 octobre 2001 qui le commente n'ont constitué un événement de nature à faire courir un nouveau délai de réclamation dont la société requérante serait fondée à se prévaloir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA FLEURY MICHON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 02-1946, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur le recours du ministre :
Considérant que la SA Fleury Michon, holding mixte exerçant une activité financière et commerciale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 ; qu'à l'issue de ce contrôle, elle a été assujettie à un rappel de taxe à raison de la remise en cause de son droit à déduire la taxe afférente à diverses prestations de services qui lui avaient été rendues par des sociétés tierces préalablement à la cession des titres qu'elle détenait dans deux filiales, les sociétés Fleury Michon Développement et Calixte Producteur ; que le ministre forme un recours contre le jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes a déchargé la SA Fleury Michon de ce rappel ;
Considérant que l'instruction administrative du 15 octobre 2001, publiée au bulletin officiel des impôts 3 D-4-01, relative à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses exposées par les entreprises, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre d'opérations se rapportant à leur capital social et à leur participation dans le capital d'autres entreprises, est postérieure à l'expiration de la période au titre de laquelle les droits contestés ont été acquittés ; qu'au surplus, en ce qu'elle précise qu'elle revêt un caractère interprétatif, elle se borne à définir sa propre applicabilité dans le temps et ne peut être regardée sur ce point comme interprétant le texte fiscal qui constitue le fondement légal de l'imposition contestée ; qu'ainsi, la SA FLEURY MICHON n'était, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de cette instruction sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour contester le rappel de taxe mis à sa charge ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a déchargé la SA FLEURY MICHON du rappel de taxe litigieux au motif que l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration dans son instruction du 15 octobre 2001 autorisait ladite société à déduire la taxe afférente aux frais acquittés à l'occasion de l'opération de cession des titres de ses filiales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : “I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…)” ; qu'il résulte de ces dispositions que les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée sont autorisés à déduire de la taxe qu'ils doivent verser à l'administration fiscale celle qu'ils ont acquittée en amont à leurs fournisseurs de biens ou prestataires de services et qui a grevé les éléments du prix d'une opération taxée ;
Considérant, en premier lieu, que la vente d'actions réalisée par la SA FLEURY MICHON, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle s'inscrivait dans le cadre d'une activité commerciale de transaction de titres, ne constituait pas en elle-même une activité économique taxable et ne relevait donc pas du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, dès lors que les dépenses exposées par la société pour les différents services acquis à l'occasion de cette vente entretenaient un lien direct et immédiat avec l'opération de vente elle-même, la taxe ayant grevé lesdits services ne pouvait être admise en déduction ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la SA FLEURY MICHON soutient que les dépenses qu'elle a exposées pour les différents services qu'elle a acquis faisaient partie de ses frais généraux et entretenaient un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique, de nature à permettre la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses, elle n'apporte aucune précision sur l'objectif qu'elle a poursuivi en procédant à cette cession de titres ; que, notamment, il n'est pas soutenu que le produit de cette cession aurait été nécessaire au maintien de son activité ; qu'ainsi, l'existence d'un lien direct et immédiat entre l'opération de cession en cause et l'ensemble de l'activité économique taxable de la société intimée n'est pas établie ; qu'il s'ensuit que la taxe afférente aux honoraires versés par la SA FLEURY MICHON dans le cadre de la cession des titres des sociétés Fleury Michon Développement et Calixte Producteur ne présentait pas un caractère déductible en application des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à obtenir, outre l'annulation du jugement attaqué, la remise à la charge de la SA FLEURY MICHON des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période susvisée, à hauteur de la somme dont elle a été déchargée par les premiers juges ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA FLEURY MICHON est rejetée.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes n° 01-1629 en date du 30 décembre 2005 est annulé.
Article 3 : Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes auxquels la SA FLEURY MICHON a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1995 à raison de la remise en cause de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais engagés à l'occasion de la cession des titres des sociétés Fleury Michon Développement et Calixte Producteur et qui ont été déchargés par le tribunal sont remis à sa charge.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA FLEURY MICHON et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE.
N°s 06NT00477,06NT00837
2
1