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29/12/2011 | FRANCE | N°10NT00776

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 décembre 2011, 10NT00776


Vu, enregistré le 21 avril 2010, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701768 en date du 17 novembre 2009 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a fait droit à la demande de la société Bayi Finances tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels celle-ci a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

2°) de

remettre à la charge de la société Bayi Finances la totalité de la somme décharg...

Vu, enregistré le 21 avril 2010, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701768 en date du 17 novembre 2009 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a fait droit à la demande de la société Bayi Finances tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquels celle-ci a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

2°) de remettre à la charge de la société Bayi Finances la totalité de la somme déchargée ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant que la SAS Bayi finances est la société mère d'un groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts, dont sont membres les sociétés Garage du Perche et Alençon Poids Lourds Socal ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de cette dernière portant notamment sur l'exercice clos en 2003, l'administration fiscale, ayant estimé que la société Bayi Finances avait cédé à la société Alençon Poids Lourds Socal les 836 parts qu'elle détenait dans le capital de la société Garage du Perche à un prix inférieur à leur valeur réelle, a, d'une part, réintégré aux résultats de la société cédante, la différence entre la valeur vénale réelle et le prix de cession desdits titres (88 673 euros) et, d'autre part, réintégré aux résultats de la société cessionnaire des revenus distribués à due concurrence ; qu'elle a toutefois réduit du profit constaté par la société Socal le résultat d'ensemble du groupe afin d'éviter une double imposition de la somme de 88 673 euros ; que, par un jugement du 17 décembre 2009, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés, en conséquence, en sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré au titre de l'exercice clos en 2003 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Bayi Finances tendant à la décharge de l'amende de 5 % prévue à l'article 1734 bis du code général des impôts pour non respect de l'obligation de produire l'état des subventions directes ou indirectes et des abandons de créances consentis ou reçus par chacune des sociétés membres d'un groupe fiscalement intégré prévue à l'article 46 quater O Z de l'annexe III au code général des impôts ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT interjette appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la société Bayi Finances ; que, par la voie de l'appel incident, celle-ci demande à la cour de prononcer l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur les conclusions d'appel principal :

Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. Dans ce cas, elle est également redevable du précompte et de l'imposition forfaitaire annuelle dus par les sociétés du groupe. (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 223 B du même code : Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis ; que le sixième alinéa de ce même article prévoit, dans sa rédaction applicable à l'année 2003 : L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créances ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces obligations déclaratives (...) ;

Considérant que l'option pour le régime dit de l'intégration fiscale ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscalement intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts précité, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception ; qu'aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer, selon des règles différentes des règles de droit commun, un abandon de créance ou une subvention qu'elle a consenti ou dont elle a bénéficié ; que la neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention consentis entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe ;

Considérant que la cession d'éléments d'actif entre sociétés membres d'un groupe fiscal intégré à un prix minoré, sans que la société cédante n'invoque aucune contrepartie, ni aucun intérêt pour justifier cette opération, constitue, à hauteur de l'écart entre la valeur vénale réelle des titres cédés et leur prix de cession, un avantage consenti par la société cédante à la société cessionnaire ; que l'administration fiscale était, par suite, fondée, en application des règles de droit commun, à rapporter le montant de cet avantage constitutif d'un acte anormal de gestion dans les résultats individuels de la société Bayi Finances ; que, s'il y a lieu, pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe intégré, d'exclure, en application des dispositions précitées du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, le montant de l'avantage dont la société a bénéficié, qui constituait pour elle un revenu distribué, il n'y a pas lieu, en revanche, d'effectuer d'autres retraitements au niveau du résultat d'ensemble du groupe et notamment d'exclure le montant de la subvention accordée par la société Bayi Finances à la société Alençon Poids Lourds Socal ; qu'il suit de là que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Bayi Finances a été assujettie au titre de l'exercice 2003 au motif que le montant de la subvention accordée par la société Bayi Finances à la société Alençon Poids Lourds Socal ne devait pas être intégré dans le résultat d'ensemble du groupe ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant le tribunal administratif de Caen par la société Bayi Finances que devant elle ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats, et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de redressement, dans les conditions prévues aux articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; que les rehaussements ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom à la suite des rehaussements de ce résultat d'ensemble ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. Pour une société membre d'un groupe mentionné à l'article 223 A du code général des impôts, l'information prévue au premier alinéa porte, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, l'imposition forfaitaire annuelle, le précompte et les pénalités correspondantes, sur les montants dont elle serait redevable en l'absence d'appartenance à un groupe ;

Considérant qu'il est constant que la proposition de rectification en date du 24 octobre 2005 notifiée à la société Alençon Poids Lourds Socal à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ne mentionnait pas le montant des impôts dont elle aurait été redevable en l'absence d'appartenance au groupe dont la société Bayi Finances est la société mère ; que cette méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales a entaché d'irrégularité non seulement la procédure de contrôle menée à l'encontre de la société Socal mais également la procédure d'imposition de la société Bayi Finances dès lors que ces deux procédures constituent les éléments d'une procédure unique ayant pour objet la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom à raison des rehaussements de ce résultat d'ensemble ; que l'administration fiscale ne peut utilement se prévaloir ni de ce que la société Bayi Finances a été informée, le 14 octobre 2005, de la rectification de son propre résultat taxable et des conséquences financières en résultant pour le résultat d'ensemble du groupe ni de ce que, après avoir prononcé, le 21 juin 2007, le dégrèvement de la somme de 19 684 euros correspondant aux impositions réclamées du fait des rectifications mentionnées dans la proposition de rectification adressée à la société Alençon Poids Lourds Socal, elle a adressé, le 7 septembre 2007, soit après la mise en recouvrement des impositions et amende en litige intervenue le 8 février 2007, une nouvelle proposition de rectification régulière à la société Alençon Poids Lourds Socal ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la société Bayi Finances a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ;

Sur les conclusions d'appel incident :

Considérant qu'aux termes de l'article 1734 bis du code général des impôts : Les contribuables qui n'ont pas produit à l'appui de leur déclaration de résultats de l'exercice le tableau des provisions prévu en application des dispositions de l'article 53 A ou le relevé détaillé de certaines catégories de dépenses prévu à l'article 54 quater ou l'état des abandons de créances et subventions prévu au sixième alinéa de l'article 223 B ou qui fournissent des renseignements incomplets sont punis d'une amende égale à 5 % des sommes ne figurant pas sur le tableau, le relevé ou l'état du seul exercice au titre duquel l'infraction est mise en évidence. Ce taux est ramené à 1 % lorsque les sommes correspondantes sont réellement déductibles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'infliction de l'amende de 5 % prévue à l'article 1734 bis du code général des impôts à la société Bayi Finances est la conséquence directe du redressement fondé sur le caractère minoré de la cession de titres réalisée le 21 novembre 2003, minoration constitutive d'une subvention indirecte non déclarée par la société Bayi Finances ; que, par suite, l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la société Bayi Finances entraine la décharge non seulement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mais aussi de l'amende litigieuse qui en constitue l'accessoire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bayi Finances est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Bayi Finances et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : La société Bayi Finances est déchargée de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1734 bis du code général des impôts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 17 novembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Bayi Finances une somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Bayi Finances.

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N° 10NT00776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00776
Date de la décision : 29/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-01-03-02-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Redressement. Notification de redressement.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : HERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-29;10nt00776 ?
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