Vu, enregistrée au greffe de la cour le 6 juin 2011, la décision du 30 mai 2011 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 07NT02864 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de la SCI Tuilargences tendant à l'annulation du jugement n° 05-2548 du 12 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 315 208,09 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés en exécution de l'arrêté illégal du 23 juillet 2004 du préfet du Calvados la mettant en demeure d'enlever des déchets d'hydrocarbures présents sur le site de l'ensemble immobilier lui appartenant sis au lieudit " Le Fresne d'Argent " à Argences ;
Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2007, présentée pour la SCI Tuilargences, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est 6, boulevard Suchet à Paris (75016), par Me de Mezerac, avocat au barreau de Caen ; la SCI Tuilargences demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-2548 du 12 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 315 208,09 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés en exécution de l'arrêté illégal du 23 juillet 2004 du préfet du Calvados la mettant en demeure d'enlever des déchets d'hydrocarbures présents sur le site de l'ensemble immobilier lui appartenant sis au lieudit " Le Fresne d'Argent " à Argences ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 315 208,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2005, date de sa réclamation préalable ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2013 :
- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;
1. Considérant que la SCI Tuilargences a, le 29 juillet 1996, acquis de la société Rénovation, Aménagement, Immobilier Foncier, un ensemble immobilier situé au lieudit " Le Fresne " à Argences et comportant plusieurs bâtiments, antérieurement utilisés par la société Les Tuileries de Beauvais pour l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement ; que la SCI Tuilargences a donné en location cet ensemble immobilier à la société Archiveco qui envisageait de l'utiliser comme entrepôt pour la conservation d'archives ; que, par un arrêté du 23 juillet 2004, le préfet du Calvados a, sur le fondement des dispositions des articles L. 541-2 et suivants du code de l'environnement, mis en demeure la SCI Tuilargences d'évacuer les déchets d'hydrocarbures abandonnés sur le site de son établissement ; que cette société, qui a fait procéder aux travaux d'évacuation de ces déchets pour un montant de 315 208,09 euros, a obtenu par un jugement du 29 septembre 2005 du tribunal administratif de Caen devenu définitif, l'annulation dudit arrêté du 23 juillet 2004, au motif qu'en application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement le maire d'Argences était seul compétent pour mettre en oeuvre les mesures de police nécessaires à l'élimination des déchets en cause ; que la SCI Tuilargences interjette appel du jugement du 12 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 315 208,09 euros en remboursement des frais qu'elle a exposés en exécution de l'arrêté illégal du 23 juillet 2004 du préfet du Calvados la mettant en demeure d'enlever des déchets d'hydrocarbures présents sur le site de son bien immobilier sis au lieudit " Le Fresne " à Argences ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-1 du code de l'environnement : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'Etat bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ; 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; 3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-4 dudit code : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions spéciales concernant, notamment, les installations classées pour la protection de l'environnement (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que la SCI Tuilargences qui, ainsi qu'il a été dit, avait acquis, le 29 juillet 1996, de la société Rénovation, Aménagement, Immobilier Foncier, l'ensemble immobilier en cause constitué par le site d'une ancienne tuilerie où demeuraient des déchets d'hydrocarbures, soit entreposés dans cinq cuves de stockage, soit sous forme de traces de pollution en surface, avait à la date où elle a été l'objet de la mise en demeure annulée du 23 juillet 2004, la qualité de propriétaire de cet ensemble bâti et non bâti en l'état où elle l'avait acquis, comportant la présence des déchets litigieux dont elle était ainsi la détentrice et dont il lui appartenait d'assurer l'élimination en application des dispositions précitées ; que si la SCI Tuilargences fait valoir qu'elle a donné en location ce même ensemble immobilier à la société Archiveco, qui avait, d'ailleurs, pour dirigeant la même personne que celle assurant cette fonction au sein de la société propriétaire du bien loué, pour y exercer une activité de stockage d'archives, une telle convention dont, au demeurant, aucune stipulation ne mentionne le transfert au locataire de l'obligation d'élimination des déchets litigieux incombant à la société propriétaire, ne saurait être valablement opposée à l'administration ; que ce contrat de location ne peut donc exonérer la SCI Tuilargences de ses obligations légales relatives à l'élimination desdits déchets ; qu'il suit de là que le moyen tiré, par la SCI Tuilargences, de ce que l'obligation d'enlever les déchets d'hydrocarbures présents sur le site de son ensemble immobilier ne peut, sur le fondement de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, lui être imposée en sa seule qualité de propriétaire, doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'activité de fabrique de tuiles qu'elle a exercée dans l'ensemble immobilier en cause, de 1971 à 1986, la société Les Tuileries de Beauvais n'a fait l'objet d'aucune plainte et aucun manquement à ses obligations n'a été relevé par le service des installations classées pour la protection de l'environnement ; que cette société s'étant abstenue de déclarer sa cessation d'activité au cours de l'année 1987, comme elle y était tenue par les dispositions de l'article 34 du décret du 21 septembre 1977 susvisé, le préfet du Calvados n'a pas été en mesure d'user des pouvoirs qu'il tenait de cet article pour lui faire assurer la remise en état du site ; que l'autorité préfectorale a eu connaissance, seulement le 16 avril 1994, par une plainte de l'association locale de lutte pour la défense de l'environnement du secteur d'Argences, de la présence de cuves de fioul dans l'une des annexes de l'ensemble immobilier en cause et de ce que ce fioul s'infiltrait dans le sol ; que le préfet, d'une part, en a informé aussitôt la société Rénovation, Aménagement, Immobilier Foncier, alors propriétaire des lieux, ainsi que, par lettre du 31 mai 1994, le maire d'Argences, d'autre part, a transmis cette plainte à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement ; que l'association sus-désignée ayant, en novembre 1996, à nouveau appelé l'attention de l'autorité préfectorale sur la pollution du sol dans les locaux de cette ancienne fabrique de tuiles, l'inspecteur des installations classés a effectué, le 11 février 1997, une visite des lieux à la suite de laquelle le préfet a mis, par un arrêté du 11 avril 1997, la société Archiveco en demeure de dépolluer le site ; que cet arrêté ayant été annulé par jugement du 10 mars 1998 du tribunal administratif de Caen, le préfet, par deux arrêtés des 1er et 7 mai 1999, a mis la société Les Tuileries de Beauvais en demeure, respectivement, de remettre le site en état et de consigner la somme de 1 200 000 F (182 938,82 euros) correspondant au montant des travaux de dépollution ; que ces mesures prises à l'encontre de l'ancien exploitant de l'installation classée n'ayant pu aboutir en raison de son insolvabilité, le préfet a mis en demeure, par arrêté du 31 décembre 2003, puis par l'arrêté annulé du 23 juillet 2004, la SCI Tuilargences d'enlever les déchets d'hydrocarbures existants sur le site de son ensemble immobilier ; que, dans ces conditions, la société requérante ne saurait se prévaloir, notamment au cours des années 1994 à 1997, d'une absence de diligences constituant une méconnaissance fautive par le préfet des obligations incombant à l'Etat dans le cadre de l'application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ; que les dispositions des articles L. 514-1 et L. 541-3 du code de l'environnement n'ont pas été méconnues ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l'élimination des déchets dont l'abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour l'environnement ; qu'en cas de carence de l'autorité municipale dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, le préfet doit prendre sur le fondement de ces dispositions, à l'égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures propres à prévenir toute atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement ; qu'il résulte de l'instruction que la SCI Tuilargences pouvait être regardée comme le détenteur des déchets en cause au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 541-2 du code de l'environnement ; que, par suite, le préfet aurait dû, sur le fondement des dispositions de l'article L. 541-3, en se substituant au maire défaillant, imposer à cette société l'élimination des déchets et la remise en état du site ; que cette circonstance est de nature à écarter l'engagement de la responsabilité de l'Etat dès lors que l'illégalité fautive de l'arrêté du 23 juillet 2004 ne peut être regardée comme étant à l'origine des préjudices invoqués par la SCI Tuilargences ;
6. Considérant, en dernier lieu, que la seule circonstance que le préfet du Calvados ait tenté, ainsi qu'il vient d'être dit, de faire retirer les déchets par les différents détenteurs des déchets qui se sont succédés sur le site, ne suffit pas à établir que l'arrêté annulé du 23 juillet 2004 aurait été entaché de détournement de procédure ou de pouvoir ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Tuilargences n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
8. Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SCI Tuilargences la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Tuilargences est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Tuilargences et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Une copie sera adressée au préfet du Calvados.
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N° 11NT01558