Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant, ..., par Me Esmel, avocat au barreau de Tours ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103362 du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 du préfet d'Indre et Loire portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant la Russie ou tout autre pays pour lequel il est légalement admissible comme pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre et Loire de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Esmel de la somme que ce dernier aurait réclamé si celui-ci n'avait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
il soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé au regard des exigences de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le préfet s'est cru, à tort, lié par la décision de l'Office français de protection des étrangers et apatrides et a méconnu l'étendue de sa propre compétence ;
- la décision contestée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts en France ;
- il ne peut retourner dans son pays d'origine où il a été victime de persécutions ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 août 2012, présenté par le préfet d'Indre et Loire qui conclut au rejet de la requête ;
il fait valoir que :
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- l'intéressé n'établit pas avoir ses attaches familiales en France ; il n'a pas obtenu le statut de réfugié et ne peut justifier encourir des risques en cas de retour en Russie ; il a, par ailleurs, séjourné en Géorgie, son pays de naissance, du 5 février au 5 mars 2010 ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la décision du 14 juin 2012 de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nantes rejetant pour caducité la demande d'aide juridictionnelle de M. B... ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2013 :
- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;
1. Considérant que M. B..., ressortissant russe, interjette appel du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 août 2011 du préfet d'Indre et Loire portant obligation de quitter le territoire français et fixant la Russie comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant que M. B... ne peut utilement invoquer l'insuffisante motivation du refus de séjour, ou que " le refus est entaché d'une erreur de droit ", dès lors que l'arrêté contesté du 22 août 2011 par lequel le préfet d'Indre et Loire a prononcé à son encontre l'obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ne comporte pas de décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
3. Considérant, à supposer que le requérant ait entendu invoquer l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement, que l'arrêté contesté vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 742-7 et L. 511-1 I et II, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et contient ainsi l'ensemble des considérations de droit qui fondent cette décision ; que l'arrêté mentionne par ailleurs que l'intéressé s'est vu refuser le bénéfice du statut de réfugié par une décision du 19 août 2004 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée le 23 janvier 2007 par la cour nationale du droit d'asile, qu'une nouvelle demande de réexamen instruite selon la procédure prioritaire a été également rejetée le 26 juillet 2011 par décision du directeur de l'OFPRA, qu'après étude de son dossier il n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne démontre pas être démuni d'attaches familiales en Russie ni n'établit être exposé à des peines ou traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que l'arrêté contesté expose ainsi également les considérations de fait qui le fondent ; qu'il est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que M. B... est célibataire et sans charges de famille ; que, s'il fait
valoir que le centre de ses intérêts est désormais fixé sur le territoire français, il ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité des liens sociaux dont il se prévaut ; qu'il n'établit pas être démuni d'attaches familiales en Russie où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans ; qu'il suit de là que l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le préfet d'Indre et Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle du requérant ;
6. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : "L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950." ;
7. Considérant que M. B... qui, ainsi qu'il a été dit, a été débouté de ses demandes d'asile n'établit pas, par ses seules allégations, la réalité de risques personnels graves auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le préfet d'Indre et Loire, qui a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par les décisions précitées de l'OFPRA et de la cour nationale du droit d'asile, n'a, en prenant la décision contestée, méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de ce dernier tendant à ce que la cour enjoigne, sous astreinte, au préfet d'Indre et Loire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. B... de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet d'Indre et Loire.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. C..., faisant fonction de premier conseiller,
- M. Auger, premier conseiller.
Lu en audience publique le 18 octobre 2013.
Le rapporteur,
P. AUGERLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
N. CORRAZE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT00612