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10/01/2014 | FRANCE | N°12NT00480

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 janvier 2014, 12NT00480


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Kaya avocat au barreau d'Alençon ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101287 du 23 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le recteur de l'académie de Caen a prononcé sa suspension pour une durée de quatre mois, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;



2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2011 ;

3°) de condamner l'Etat au verse...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me Kaya avocat au barreau d'Alençon ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101287 du 23 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le recteur de l'académie de Caen a prononcé sa suspension pour une durée de quatre mois, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2011 ;

3°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement attaqué ne retient pas que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut de motivation ; la suspension n'est pas une mesure conservatoire mais une sanction disciplinaire soumise à l'obligation de motivation prévue par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- en tant que sanction disciplinaire, la décision du recteur aurait dû être soumise aux règles relatives à la procédure disciplinaire, à la communication de son dossier, et au respect du

contradictoire et des droits de la défense ;

- l'arrêté du 23 mai 2011 est privé de base légale dès lors qu'elle a été sanctionnée sans motif dans un contexte confus et en l'absence de texte réglementaire ou légal ;

- le recteur n'établit pas l'existence d'une faute grave, dont il n'est même pas fait mention dans l'arrêté contesté, et méconnaît la présomption d'innocence garantie par des textes fondamentaux ; il a manqué au principe d'impartialité ;

- l'arrêté prononçant sa suspension est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des éléments de fait dès lors qu'il n'a été précédé d'aucune enquête contradictoire et qu'il lui fait grief d'un comportement qui n'est pas établi ;

- elle a subi un préjudice moral évident du fait de son éviction particulièrement vexatoire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 2 avril 2012 au ministre de l'éducation nationale, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2012, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il résulte des dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires que la mesure de suspension est une mesure conservatoire ne présentant pas par elle-même un caractère disciplinaire ; la décision ne devait dès lors pas être motivée et n'avait pas à respecter les garanties de la procédure disciplinaire ;

- l'arrêté rectoral n'est pas privé de base légale dès lors qu'il se fonde sur les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée ;

- à la date de la suspension, les faits relevés à la charge de la requérante, en l'espèce une gifle donnée à un élève et la tenue de propos humiliants, présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour la justifier ; la mesure de suspension a, ainsi, été prise dans un but de protection de la requérante et de ses élèves ;

- la suspension à titre conservatoire ne constitue pas une sanction disciplinaire, écartant de fait l'invocation d'une méconnaissance du principe de la présomption d'innocence ;

Vu le courrier en date du 1er octobre 2013 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 7 novembre 2013 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B... intejette appel du jugement du 23 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le recteur de l'académie de Caen a prononcé sa suspension pour une durée de quatre mois, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que si Mme B... soutient que l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le recteur de l'académie de Caen a prononcé la suspension de ses fonctions de professeur certifié d'anglais pour une durée de quatre mois serait une sanction déguisée, ainsi qu'une mesure prise en considération de la personne, il ressort des pièces du dossier que la mesure de suspension a été prise dans un but d'apaisement, après que l'intéressée a giflé un élève et tenu des propos humiliants à l'égard de sa classe, et ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une mesure prise dans le seul intérêt du bon fonctionnement du service public ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'était pas soumis à l'obligation de motivation prévue par les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et n'avait pas à être précédé de la procédure disciplinaire, ni de la communication de son dossier à Mme B..., laquelle n'avait pas à être préalablement entendue, ni informée de son droit à se faire assister d'un avocat ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, n'obligeait l'administration à procéder à une enquête avant de

suspendre Mme B... ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard au caractère conservatoire de la mesure de suspension, il ne peut être soutenu que l'arrêté attaqué porterait atteinte au principe de présomption d'innocence protégé par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, par l'article 9-1 du code civil et par l'article préliminaire du code de procédure pénale ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté du 23 mai 2011 a été pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut dès lors qu'être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages produits par l'administration, dont le juge administratif peut tenir compte même s'ils ne répondent pas aux conditions formelles prévues par le code de procédure civile et qu'ils émanent de personnes mineures, et du rapport établi par le proviseur du lycée au sein duquel elle exerçait, qui n'est pas contrairement à ce que soutient la requérante empreint de partialité, qu'à la date de la suspension les faits relevés à la charge de la requérante, en l'espèce une gifle donnée à un élève et la tenue de propos humiliants à l'égard des élèves de la classe, présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier la décision de suspension ; que cette décision avait pour objet de restaurer et de préserver, dans l'intérêt de l'ensemble des élèves et de l'enseignante, la sérénité nécessaire au bon déroulement des cours et à la sécurité des personnes et des biens ; qu'ainsi Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la mesure de suspension dont elle a fait l'objet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, nonobstant la circonstance qu'aucune procédure disciplinaire n'a été engagée, ultérieurement, à son encontre ;

8. Considérant ainsi que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2011 par lequel le recteur de l'académie de Caen a prononcé sa suspension pour une durée de quatre mois ;

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le recteur de l'académie de Caen n'a pas, en suspendant Mme B... de ses fonctions, par l'arrêté litigieux du 23 mai 2011, commis d'illégalité fautive susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que

Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 janvier 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINELe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre l'éducation nationale ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00480
Date de la décision : 10/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : KAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-10;12nt00480 ?
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