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21/02/2014 | FRANCE | N°12NT01410

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 février 2014, 12NT01410


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour la commune de Luisant, représentée par son maire en exercice, par Me E... ; la commune de Luisant demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001121 du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser la somme de 11 470,40 euros à Mme D... en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité du calcul de sa rémunération depuis le 1er octobre 2001 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans et, à défaut, d

e limiter l'indemnisation de celle-ci à la somme de 3 000 euros ;

elle soutient que...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2012, présentée pour la commune de Luisant, représentée par son maire en exercice, par Me E... ; la commune de Luisant demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001121 du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser la somme de 11 470,40 euros à Mme D... en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité du calcul de sa rémunération depuis le 1er octobre 2001 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans et, à défaut, de limiter l'indemnisation de celle-ci à la somme de 3 000 euros ;

elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la prescription quadriennale n'avait pas été régulièrement opposée à Mme D... dès lors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que cette prescription soit directement opposée par l'administration au lieu de son conseil ;

- le juge judiciaire admet que la prescription quadriennale puisse être soulevée directement par l'avocat représentant une commune en justice sans qu'une décision expresse et spéciale du maire soit nécessaire ;

- en tout état de cause un avocat bénéficie d'un mandat express pour représenter la commune et le maire a donné son accord sur l'argumentaire du mémoire en défense du 15 septembre 2010 ;

- les premiers juges ont méconnu l'article R. 612-1 du code de justice administrative en ne l'invitant pas à régulariser sa requête avant d'écarter l'exception de prescription quadriennale ;

- Mme D... ne pouvait, en tout état de cause, effectuer une activité hors période scolaire au regard de son statut ;

- Mme D... a effectué son service de 6 heures hebdomadaires comme le prévoyait son arrêté de nomination uniquement pendant la période scolaire et sa rémunération a été annualisée sur la base de 4,85 heures hebdomadaires, dès lors la règle du service fait s'oppose à ce qu'elle perçoive un traitement pour des heures de service qui n'ont pas été effectuées ;

- l'intéressée n'effectue que 6 heures hebdomadaires à sa demande et elle n'est donc pas fondée à demander aujourd'hui la réparation d'un préjudice alors qu'elle s'est accommodée de cette situation pendant plus de huit ans ;

- le préjudice dont elle se prévaut ne peut être supérieur à la somme de 3 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2012, présenté pour Mme D..., qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune de Luisant au versement d'une somme de 13 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et à ce que soit mise à la charge de cette collectivité une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle fait valoir que :

- les premiers juges n'étaient pas tenus d'inviter la commune à régulariser sa requête et en constatant que les conditions d'application de la loi du 31 décembre 1968 n'étaient pas remplies, ils ont répondu à l'argumentation dont ils étaient saisis sans fonder leur décision sur un moyen relevé d'office ;

- la jurisprudence administrative considère que seul le maire a qualité pour opposer au nom de la commune la prescription quadriennale, par conséquent la prescription quadriennale dans un mémoire qui ne porte que la signature de son avocat ne lui a pas été régulièrement opposée ;

- elle a été nommée sur un poste d'assistant territorial d'enseignement artistique, chargée de l'enseignement du violoncelle, à compter du 1er octobre 2001 comportant un temps de travail de 6 heures hebdomadaires et il n'est pas contesté qu'elle a effectué l'ensemble de ses heures de service alors que l'annualisation du temps de travail n'est pas possible pour les emplois de l'enseignement artistique ;

- la circonstance que la commune de Luisant lui ait accordé des congés annuels d'une durée supérieure à la durée minimale correspondant aux vacances scolaires est sans incidence sur son droit à rémunération ;

- elle est fondée à obtenir la réparation de son préjudice à raison de 1,15 heures non payées par semaine depuis le 1er octobre 2001 soit un montant total de 11 470,40 euros ;

- la commune de Luisant doit être condamnée à lui verser la somme de 13 000 euros en

réparation des troubles dans ses conditions d'existence ;

Vu l'ordonnance en date du 10 décembre 2013 fixant la clôture d'instruction au 6 janvier 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique (musique, danse, art dramatique, arts plastiques) ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour la commune de Luisant ;

1. Considérant que la commune de Luisant relève appel du jugement du 27 mars 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à Mme D..., assistante territoriale d'enseignement artistique à temps non complet, la somme de 11 470,40 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive commise par cette collectivité en réduisant la quotité de rémunération de l'intéressée à proportion des semaines de fermeture de l'école de musique municipale ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter l'exception de prescription quadriennale invoquée par la commune de Luisant, le tribunal administratif d'Orléans a relevé que seul le maire avait qualité pour opposer celle-ci et qu'elle n'avait pas été régulièrement opposée par un mémoire signé du seul avocat de la commune ; qu'en constatant que les conditions d'application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics n'étaient pas remplies, les premiers juges ont répondu à l'argumentation dont ils étaient saisis et n'ont pas fondé leur décision sur un moyen relevé d'office ; que, dès lors, ils n'étaient pas tenus d'inviter la commune de Luisant, en application de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, à régulariser ses conclusions ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée à la demande de Mme D... :

3. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le maire, ou l'adjoint qu'il délègue à cet effet, a seul qualité en tant qu'ordonnateur pour opposer la prescription quadriennale prévue par la loi précitée du 31 décembre 1968 ; que le courrier du 15 septembre 2010 par lequel le maire se borne à confirmer son accord sur le mémoire en défense transmis par son avocat ne saurait être regardé comme constituant une décision en ce sens ; que, dans ces conditions, la prescription invoquée par la commune de Luisant sous la seule signature de son conseil n'a pas été régulièrement opposée ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 11 du décret du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : "La durée hebdomadaire de service des agents territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet est fixée par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement sur la base de la durée afférente à un emploi à temps complet résultant des dispositions de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé. (...)" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 : " La durée du travail effectif est fixé à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du décret du 12 juillet 2001 : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emploi " ; que le décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emploi des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique place ces personnels sous un régime d'obligations de service et fixe, en son article 2, à vingt heures par semaine leur durée de travail lorsqu'ils sont employés à temps plein ;

5. Considérant que les dispositions du décret du 2 septembre 1991, qui prévoient que les assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique sont soumis à un régime d'obligations de service, font obstacle à ce que la collectivité territoriale qui les emploie leur applique les textes pris pour la mise en oeuvre, dans la fonction publique territoriale, de la réduction de la durée du travail et de l'annualisation du temps de travail ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D... a été nommée par arrêté du maire de Luisant du 9 octobre 2001 dans un emploi relevant du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique, pour un temps non complet de six heures hebdomadaires, en vue de l'enseignement du violoncelle ; qu'il est constant qu'elle a été rémunérée sur la base d'une obligation fictive de 4,85 heures hebdomadaires correspondant à un temps de service hebdomadaire moyen reconstitué sur l'ensemble de l'année compte tenu d'une absence de service effectif durant les périodes de congés scolaires ; qu'en procédant ainsi à l'annualisation du temps de travail de l'intéressée pour tenir compte des périodes de fermeture de l'école de musique au vu du calendrier scolaire, le maire a commis une erreur de droit ; que la réduction de la base de la rémunération de Mme D... à 4,85 heures hebdomadaires est ainsi fondée sur une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune ; que la commune de Luisant, qui était en droit d'affecter l'intéressée à toute autre tâche correspondant à son statut pour la même durée hebdomadaire, n'établit ni même n'allègue que celle-ci aurait refusé d'exercer une autre activité compatible avec les règles régissant son emploi lors des congés scolaires ; qu'enfin, la circonstance que c'est sur sa demande que Mme D... n'effectue que six heures hebdomadaires de service et qu'elle s'est accommodée de cette situation pendant plus de huit ans, est sans incidence sur l'illégalité fautive sus-relevée et sur la responsabilité en résultant ;

Sur le préjudice :

7. Considérant que Mme D..., qui a assuré un service à temps non complet de six heures hebdomadaires entre le 1er octobre 2001 et le 1er novembre 2010, a droit à la différence entre sa rémunération légale de 6/20èmes et la rémunération effectivement perçue de 4,85/20èmes ; qu'ainsi, son préjudice s'établit au montant non sérieusement contesté de 11 470,40 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Luisant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à Mme D... la somme de 11 470,40 euros ;

Sur les conclusions incidentes de Mme D... :

9. Considérant que, par la voie de l'appel incident, Mme D... demande à la cour de condamner la commune de Luisant à lui verser également la somme de 13 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence subis du fait de l'illégalité susrappellée ; que si ces conclusions se rattachent aux conséquences dommageables de l'illégalité fautive, elles excèdent le montant de l'indemnité demandée, à titre principal, devant les premiers juges alors qu'au surplus l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à permettre à la cour d'apprécier la réalité des préjudices invoqués ; qu'ainsi les conclusions concernant ce chef de préjudice ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Luisant le versement à Mme D... d'une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Luisant est rejetée.

Article 2 : La commune de Luisant versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de Mme D... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Luisant et à Mme C...D....

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La république mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01410
Date de la décision : 21/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BLANCHETIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-21;12nt01410 ?
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