Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2013, présentée par le préfet d'Eure-et-Loir, dont le siège est Place de la République à Chartres Cedex (28019) ;
le préfet d'Eure-et-Loir demande à la cour d'annuler le jugement nos 1300315-1300439 du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 par lequel il avait rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. D... B... et prononcé à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire, et lui a enjoint de lui restituer son passeport et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire à l'achèvement de sa formation professionnelle tendant à l'obtention d'un CAP ;
il soutient que :
- le motif d'annulation retenu est dépourvu de base légale ;
- s'agissant du refus de séjour : l'auteur de l'acte était compétent ; la décision était motivée ; elle n'a pas été prise en méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de celles de l'article L. 313-11 7° et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le requérant n'a pas établi encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire : le refus de séjour était légal ; elle ne porte pas atteinte à sa vie privée et familiale, et n'a pas de conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2013, présenté pour M. B...,
demeurant ...-Saint-Germain (28240), par Me Granjon, avocat au barreau de la Seine Saint-Denis ; M. B... demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du Préfet d'Eure-et-Loir ;
2°) de confirmer le jugement du 21 mai 2013 du tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le constat d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet est de nature à fonder la décision d'annulation prononcée ;
- s'agissant de l'arrêté du 14 janvier 2013 : la décision viole les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a pour objectif de permettre aux jeunes majeurs isolés la poursuite du travail socio-éducatif engagé avec les éducateurs ; le préfet a commis une erreur de droit sur la portée de sa compétence ; en tout état de cause, elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; la décision comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- s'agissant de la décision de rétention du passeport : elle est entachée d'un défaut de motivation ; il n'était pas en situation irrégulière ; elle porte une atteinte manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 25 octobre 2013, présenté par le préfet d'Eure-et-Loir, qui maintient ses conclusions et moyens ;
il soutient en outre que la décision de rétention du passeport est conforme à la réglementation applicable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :
- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,
- et les observations de MeC..., représentant M. B... ;
1. Considérant que le préfet d'Eure-et-Loir relève appel du jugement du 21 mai 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 14 janvier 2013 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. D... B...et prononcé à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire, et lui a enjoint de lui restituer son passeport et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire à l'achèvement de sa formation professionnelle tendant à l'obtention d'un CAP ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que si, après avoir dans les visas fait mention notamment du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges n'ont, dans les motifs de leur décision, cité aucune disposition législative ou réglementaire précise, il résulte de ces motifs qu'ils ont entendu faire application du principe selon lequel le préfet, saisi d'une demande de délivrance d'une autorisation de séjour, doit s'interroger sur les conséquences d'un éventuel refus sur la situation personnelle du demandeur ; qu'ils ont ce faisant donné un fondement juridique à leur décision ; que le préfet d'Eure-et-Loir n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute de " base légale " ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant que le préfet d'Eure-et-Loir fait valoir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté susmentionné du 14 janvier 2013 au motif que cette mesure serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant malien né le 20 décembre 1993, entré en France en janvier 2010, a bénéficié d'un contrat jeune majeur personnalisé conclu avec les services de l'aide sociale à l'enfance du département de Seine-Saint-Denis pour une année du 20 décembre 2011 au 20 décembre 2012, renouvelé jusqu'au 20 septembre 2013 ; qu'il a poursuivi sa scolarité au lycée professionnel Notre Dame du Château de Vaux depuis l'année scolaire 2010/2011 ; qu'il était inscrit pour l'année 2012/2013 en 2ème année de CAP bâtiment option peinture, dont les épreuves devaient se dérouler en mai/juin 2013 ; qu'il résulte de l'ensemble de ses bulletins scolaires trimestriels que M. B... est un élève assidu et sérieux ; que si ses résultats ont été très moyens la première année compte tenu de ses difficultés dans le domaine de l'expression écrite en français, il a amélioré ceux-ci en deuxième année et suit un cours de soutien en français chaque semaine pour combler ses lacunes ; qu'en revanche il présentait de très bons résultats dans les matières à caractère professionnel ; que les trois stages qu'il a effectués en milieu professionnel sont très favorables ; qu'en outre, il résulte des bilans éducatifs établis par la direction de l'établissement d'accueil de M. B..., les 1er décembre 2011 et 27 novembre 2012, qu'il fait preuve d'une grande motivation pour sa formation et qu'il présente de réelles aptitudes à l'exercice du métier de peintre en bâtiment ; que le professeur d'enseignement professionnel a attesté de ses chances d'obtenir son diplôme de CAP ; qu'ainsi, en prenant la décision contestée, le préfet d'Eure-et-Loir a privé M. B... d'une chance sérieuse d'acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ; qu'il suit de là que, dans ces circonstances particulières, et quand bien même l'intéressé ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, le refus de séjour qui lui a été opposé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet d'Eure-et-Loir n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 14 janvier 2013, et lui a enjoint, en conséquence de restituer son passeport à M. B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire à l'achèvement de sa formation professionnelle tendant à l'obtention d'un CAP ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet d'Eure-et-Loir est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B.... Une copie en sera transmise au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 février 2014.
Le rapporteur,
B. MADELAINE Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT019132
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