Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint-Calais a demandé au juge des référés de prescrire une expertise en vue de constater les désordres affectant la piscine municipale située boulevard du docteur Gigon.
Par une ordonnance n° 1408877 du 16 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande et a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la SARL société nouvelle Sartor tendant au versement d'une provision par la commune de Saint-Calais.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2015, la SARL société nouvelle Sartor, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 16 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande d'expertise formée par la commune de Saint-Calais ;
3°) de faire droit à sa demande reconventionnelle tendant, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à la condamnation de la commune de Saint-Calais à lui verser la somme de 90 231,01 euros correspondant au règlement des certificats de paiement n°10 à 14 émis entre les 14 et 24 mars 2014 et validés par le maître d'oeuvre, et des intérêts moratoires dus sur cette somme, d'un montant de 3 200 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Calais une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande d'expertise est irrecevable dès lors que la prise de possession de l'ouvrage en juin 2014 vaut réception tacite et sans réserves ;
- les malfaçons reprochées à la société nouvelle Sartor ont toutes été reprises avant la prise de possession de l'ouvrage et la commune de Saint-Calais n'établit pas l'existence de nouveaux désordres qui seraient survenus depuis ;
- elle a présenté un " décompte général définitif " le 5 février 2014 pour un montant de 822 708,44 euros TTC, qui a été validé par le maître d'oeuvre à hauteur de 809 112,55 euros TTC le 16 avril 2014 ; le défaut de paiement des certificats de paiement 10 à 14 émis entre les 14 et 24 mars 2014 et validés par le maître d'oeuvre, constitue un manquement aux obligations contractuelles du maître d'ouvrage et notamment des règles du CCAP, et donne lieu au paiement des intérêts moratoires prévus par le dossier de consultation des entreprises ;
- sa demande procède du marché de travaux passé avec la ville de Saint-Calais, c'est dès lors à tort que le président du tribunal administratif de Nantes a estimé qu'il s'agissait d'un litige distinct de la demande d'expertise relative à ce même marché de travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2015, la commune de Saint-Calais, représentée par la société Coudray, avocat, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SARL société nouvelle Sartor une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Saint-Calais.
1. Considérant que la commune de Saint-Calais a décidé en 2011 de procéder à des travaux de rénovation de la piscine municipale ; que, par acte d'engagement du 1er septembre 2010, elle a confié la maîtrise d'oeuvre de cette opération à la société Architecture et Patrimoine ; que, par marché du 16 décembre 2010, le contrôle technique de l'opération a été attribué à la société Dekra inspection ; que les travaux ont été réalisés, en vertu de différents marchés conclus par actes d'engagement du 7 janvier 2012, par la SARL société nouvelle Sartor en ce qui concerne le lot n°1 " VRD - gros oeuvre - engazonnement - espace vert ", la société Soprema pour le lot n°3 relatif à l'étanchéité - toiture végétale, la société Fourmy Ravalement en ce qui concerne le lot n°4 relatif au ravalement, la société Aquatech pour le lot n°13 relatif au traitement de l'eau et la société Bonvallet s'agissant du lot n°11 " CVC - Plomberie " ; que de nombreux désordres ont été constatés sur l'ouvrage, notamment le défaut de planéité du bassin, des contrepentes à proximité immédiate des vidanges du bassin, un défaut d'étanchéité du bassin aux eaux de ruissellement et souterraines, des microfissures réparties sur l'ensemble du bassin, des fissurations importantes sous bassin et l'absence de finition sous bassin ; qu'ont en outre été constatés une insuffisance des évacuations d'eaux pluviales, à l'origine des stagnations des eaux de pluies sur les dalles des plages, un défaut d'alignement des parois externes de l'hydrosplash, l'absence de fondations sous les dalles des plages en rive de pelouse côté nord du terrain sur les rives des plages, l'absence totale de réseaux d'évacuation des eaux pluviales au niveau des plages de la piscine et l'absence de raccordement du système de collecte des eaux pluviales aux réseaux collectifs ; qu'en raison de la fissuration du béton posé par la société nouvelle Sartor, la société Aquatech a refusé de poser la résine sur le support réalisé par celle-ci ; que la société Aquatech s'est également révélée défaillante dans la réalisation de la prestation de traitement de l'eau ; que par la présente requête la SARL société nouvelle Sartor relève appel de l'ordonnance du 16 décembre 2014 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes, statuant en référé, a, d'une part, fait droit à la demande de la commune de Saint-Calais tendant à ce que soit ordonnée une expertise aux fins de déterminer l'origine et l'ensemble des désordres de la piscine municipale, d'évaluer leur ampleur, ainsi que les préjudices qui en résultent, et d'autre part, a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la commune de Saint-Calais à lui verser une provision de 93 431,01 euros ;
Sur la demande d'expertise :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) " ;
3. Considérant que la SARL société nouvelle Sartor soutient que la demande d'expertise était irrecevable au motif que la commune de Saint Calais a pris possession de la piscine municipale en juin 2014 pour en reprendre l'exploitation et que, dans ces conditions, l'ouvrage est réputé avoir été réceptionné sans réserve ; que toutefois aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives particulières, applicable au marché en cause : " Par dérogation aux articles 41.1 à 41.3 du cahier des clauses administratives générales : / la réception a lieu à l'achèvement de l'ensemble des travaux (tous lots confondus) ; elle prend effet à la date de cet achèvement ; / le pouvoir adjudicateur et le maître d'oeuvre sont avisés par les titulaires de chacun des lots de la date à laquelle les travaux sont ou seront considérés comme achevés. Postérieurement à cette action la procédure de réception se déroule, simultanément pour tous les lots considérés, comme il est stipulé à l'article 41 du cahier des clauses administratives générales. " ; qu'il résulte de ces stipulations que le marché en cause n'est pas susceptible de faire l'objet de la réception tacite prévue par les dispositions de l'article 41-1-3 du CCAG, laquelle en tout état de cause ne s'opposerait pas nécessairement à ce que la demande d'expertise conserve un objet ;
4. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'en l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves ; qu'en ce qui concerne les ouvrages ou parties d'ouvrages ayant fait l'objet d'une réception sans réserve, des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ; qu'il en résulte que l'existence ou non d'une réception tacite est sans incidence sur l'utilité de la mesure d'expertise sollicitée, dès lors que le maître de l'ouvrage a indiqué que les désordres étaient susceptibles d'engager la responsabilité des constructeurs sans spécifier s'il s'agissait de leur responsabilité contractuelle ou décennale ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que de nombreux désordres sont apparus en cours d'exécution des travaux de rénovation de la piscine de Saint-Calais et qu'il a notamment été reproché à la société nouvelle Sartor une insuffisance des évacuations d'eau pluviales au niveau des plages de la piscine, un défaut d'alignement des parois externes de l'hydrosplash, l'absence de fondations sous les dalles de plage en rive de pelouse côté Nord, l'absence de raccordement du système de collecte des eaux pluviales aux réseaux collectifs ainsi que des fissurations du béton du hall d'entrée ; que si l'appelante se prévaut du procès-verbal de la réunion du 5 février 2014 qui mentionne que " toutes les malfaçons constatées cet été ont été corrigées. Plus de réserves du contrôleur technique concernant l'entreprise Sartor. Le DOE a reçu un avis favorable (...) ", la commune de Saint Calais produit un constat d'huissier dressé le 15 avril 2014 établissant la persistance de désordres affectant la piscine municipale et notamment la présence de plaques de résine posées sur la plage du bassin ou debout sur les bords intérieurs, des découpes de résine à cinq endroits dans le bassin, ainsi que l'effritement du ciment aux endroits des plaques décollées ; que, dans ces conditions, la mesure d'expertise demandée par la commune de Saint-Calais présente un caractère d'utilité et entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Nouvelle Sartor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a admis la recevabilité et fait droit à la demande d'expertise présentée par la commune de Saint Calais ;
Sur la demande reconventionnelle de la société nouvelle Sartor à fin de provision :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;
8. Considérant que la société nouvelle Sartor a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la commune de Saint Calais à lui verser, à titre de provision, la somme de 90 231,01 euros correspondant aux certificats de paiement n°10 à 14 qu'elle a émis entre les 14 et 24 mars 2014 et qui ont été validés par le maître d'oeuvre, ainsi que la somme de 3 200 euros correspondant aux intérêts moratoires qui lui seraient dus sur la somme susmentionnée en application des stipulations du marché ;
9. Considérant que le juge des référés du tribunal administratif a été saisi par la commune de Saint-Calais d'une demande d'expertise portant sur les désordres que présentait la piscine municipale ; que s'il pouvait être également saisi, dans la même instance, d'une demande de versement d'une provision, c'est à condition que celle-ci présente un lien suffisant avec la demande principale, compte tenu en particulier de l'office du juge des référés, et ne revête pas le caractère d'une prétention nouvelle ou d'un litige distinct ; qu'en l'espèce, la demande principale de la commune de Saint-Calais était circonscrite à une mesure d'expertise à l'effet de mettre éventuellement en oeuvre la responsabilité contractuelle ou décennale des constructeurs, et mettait en cause plusieurs intervenants, le maître d'oeuvre, le contrôleur technique et diverses entreprises attributaires de certains lots, avec chacun desquels elle a conclu un marché distinct ; que, dans ces conditions, les demandes de la société nouvelle Sartor tendant à l'application des stipulations contractuelles relatives au règlement financier du marché passé avec cette commune ne présentaient pas un lien suffisant avec la demande d'expertise sur les désordres affectant l'ouvrage objet du marché ; que c'est dès lors à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé que ces demandes reconventionnelles soulevaient un litige distinct et n'étaient par suite pas recevables ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL société nouvelle Sartor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande reconventionnelle ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Calais, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL société nouvelle Sartor demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL société nouvelle Sartor une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Calais et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL société nouvelle Sartor est rejetée.
Article 2 : La SARL société nouvelle Sartor versera à la commune de Saint-Calais une somme de 1 500 euros par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL société nouvelle Sartor et à la commune de Saint-Calais.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M.D..., faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2015.
Le rapporteur,
C. LOIRATLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Sarthe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.