Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...et Mme E...B...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 25 février 2015 et du 6 mai 2015 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine, d'une part, a refusé de les admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile, d'autre part, a prononcé leur réadmission en Espagne.
Par un jugement n° 1502130,1502131 du 13 mai 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes, agissant sur le fondement des dispositions de l'article L. 512-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a prononcé l'annulation des arrêtés du 6 mai 2015 portant réadmission en Espagne des intéressés.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juin 2015, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 mai 2015 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. D...A...et Mme E...B...devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 mai 2015 et à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors les requêtes ont été irrégulièrement audiencées au-delà du délai de 72 heures imparti ;
- le magistrat a dénaturé les faits de l'espèce et procédé à une lecture erronée de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- les informations portées à la connaissance des intéressés étaient suffisantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) du Conseil n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.
1. Considérant que M. D...A...et Mme E...B...épouseA..., de nationalité camerounaise, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français, respectivement le 25 juillet 2014 et le 6 juin 2014 ; que Mme B...était accompagnée d'une fille née de leur union et donnera naissance le 16 juin 2014 à un fils ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine a opposé le 30 septembre 2014 un refus à leur demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile, et décidé leur remise aux autorités espagnoles le 8 décembre 2014 ; que ce dernier arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif de Rennes, le préfet d'Ille-et-Vilaine a repris la procédure, a rejeté par des décisions du 25 février 2015 leur demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile et a prononcé leur remise aux autorités espagnoles le 6 mai 2015 ; que le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel des articles 2 et 3 du jugement du 13 mai 2015 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé les arrêtés du 6 mai 2015 portant remise des intéressés aux autorités espagnoles, en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, des décisions du 25 février 2015 refusant de les admettre provisoirement séjour, et condamné l'Etat à verser la somme de 2 000 euros à leur conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. /Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L. 180/37/3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
3. Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine fait valoir que M. A...et Mme B...ont, contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, reçu les informations prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'outre le guide du demandeur d'asile dans sa version 2013 leur ont été remises, en français langue qu'ils comprennent, les brochures qui figurent en annexe du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, entré en vigueur le 9 février 2014, modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, intitulées " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " (brochure A), et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " (brochure B), qui contiennent toutes les informations requises par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 et permettent aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application de ce règlement ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu ce moyen pour estimer que les décisions de refus d'admission au séjour étaient illégales, illégalité qui, par voie d'exception, entachait la légalité des arrêtés du 6 mai 2015 portant remise aux autorités espagnoles ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A...et Mme B...devant le tribunal administratif ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 susvisé : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'Etat membre d'origine : a) de l'identité du responsable du traitement et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle les données vont être traitées par Eurodac ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 [demandeurs d'asile] ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de l 'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données (...) " ;
6. Considérant que la partie A de la " brochure commune ", qui présente les règles d'enregistrement, de conservation et de transmission des données enregistrées dans le système Eurodac, précise en page 9 que le demandeur d'asile a le droit d'accéder aux données le concernant et de demander qu'elles soient corrigées en cas d'erreur, ou effacées si elles ne devaient pas être conservées ; qu'elle donne toutes les informations sur les autorités responsables de la gestion ou du contrôle de ces données en France et sur les autorités responsables du contrôle de la protection des données ; qu'elle indique le service responsable du traitement Eurodac, ses coordonnées précises et complètes, postales, téléphoniques et électroniques ; que ces informations répondent suffisamment tant aux exigences de l'article 18.1 précité, nonobstant le fait que n'y figure pas l'identité personnelle nominative du responsable du traitement, qu'à celles, inscrites au f/ du 1. de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 précité, prévoyant que le demandeur d'asile est informé des " procédures à suivre pour exercer " ses droits d'accès et de rectification des informations et données le concernant ; que le moyen tiré par M. A...et Mme B... de la violation de ces garanties et, par suite, par voie d'exception, de l'irrégularité affectant l'arrêté du 25 février 2015 refusant de les admettre au séjour doit être écarté ;
7. Considérant, en second lieu, que M. A...et Mme B...soutiennent que les décisions prononçant leur remise aux autorités espagnoles auraient été prises en méconnaissance des stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que le préfet n'aurait pas au préalable obtenu des autorités espagnoles de garanties concernant, d'une part, une prise en charge adaptée à l'âge des enfants, d'autre part, la préservation de l'unité familiale ; qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités espagnoles étaient averties que M. A...et Mme B...constituaient un couple et que la demande de réadmission concernait également leurs enfants mineurs nés en 2012 et 2014 ; que la demande de réadmission concernant M. A...faisait explicitement référence à l'article 11 du règlement communautaire du 26 juin 2013 relatif à la procédure familiale ; que les autorités espagnoles ainsi informées ont accepté de reprendre en charge les intéressés sans émettre de réserves ; que, dans ces conditions, le moyen susinvoqué doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses décisions du 6 mai 2015 portant remise aux autorités espagnoles de M. A... et de MmeB..., et a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à MeF..., leur conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1502130,1502131 du 13 mai 2015 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a respectivement annulé les décisions du préfet d'Ille-et-Vilaine du 6 mai 2015 portant remise aux autorités espagnoles de M. A...et de Mme B...épouse A...et mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur avocat, MeF..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A...et Mme B...épouse A...devant le tribunal administratif de Rennes et portant sur les points mentionnés à l'article 1er sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur ainsi qu'à M. D...A...et à Mme E...B...épouseA....
Une copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 22 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 janvier 2016.
Le rapporteur,
B. MADELAINE Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01791