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17/05/2016 | FRANCE | N°14NT00557

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 mai 2016, 14NT00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cité Marine et la société Oseo ont demandé, dans le dernier état de leurs écritures, au tribunal administratif de Rennes :

1° à titre principal, de condamner la commune de Kervignac à verser à la société Cité Marine ou à défaut à la société Oseo la somme de 137 849,55 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices consécutifs aux désordres affectant la lagune artificielle du carrefour industriel du Porzo ;

2° à titre subsidiaire, de co

ndamner le cabinet Gaudriot et Me Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cité Marine et la société Oseo ont demandé, dans le dernier état de leurs écritures, au tribunal administratif de Rennes :

1° à titre principal, de condamner la commune de Kervignac à verser à la société Cité Marine ou à défaut à la société Oseo la somme de 137 849,55 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices consécutifs aux désordres affectant la lagune artificielle du carrefour industriel du Porzo ;

2° à titre subsidiaire, de condamner le cabinet Gaudriot et Me Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot à verser la même somme à la société Cité Marine ou à défaut à la société Oseo.

Par un jugement n° 0900145 du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société Cité Marine et de la société Oséo.

Procédure devant la cour :

Par une requête, une pièce complémentaire et un mémoire, enregistrés le 28 février 2014, le 1er juillet 2014 et le 25 mars 2016, la société Cité Marine et la société Bpifrance Financement, représentées par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 31 décembre 2013 ;

2°) de condamner la commune de Kervignac, le cabinet Gaudriot et maître Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot, à verser la somme de 137 849,55 euros, assortie des intérêts au taux légal, à titre principal à la société Cité Marine et à titre subsidiaire à la société Bpifrance Financement ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Kervignac, du cabinet Gaudriot, de maître Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot, et de la compagnie Aviva Assurances la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner la commune de Kervignac, le cabinet Gaudriot, maître Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot, et la compagnie Aviva Assurances aux dépens ;

5°) de dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la compagnie Aviva Assurances ;

6°) de donner acte à la société Bpifrance Financement de son engagement à rétrocéder l'indemnisation de la société Cité Marine.

Elles soutiennent que :

- la société Cité Marine est fondée à agir en qualité de crédit-preneuse de la lagune et de future propriétaire ; elle va lever l'option d'achat à l'expiration du crédit bail fixée au 30 avril 2014 ;

- les clauses du contrat de crédit-bail lui transfèrent le droit d'agir sur le fondement de la garantie décennale ;

- la commune de Kervignac, en qualité de vendeur, peut voir sa responsabilité décennale engagée ; la clause de l'acte de vente qui exclut la garantie pour les vices de construction ne vise pas la garantie décennale et si tel était le cas, elle devait, en vertu de la jurisprudence, être réputée non écrite ; subsidiairement, en cas de faute lourde, les clauses de limitation de responsabilité sont écartés ;

- l'expert a estimé que le désordre qui consiste en un affaissement du talus du bassin entraînant des déchirures de la membrane étanche était de nature décennale et qu'il était du à une négligence avérée du maître de l'ouvrage, constitutive d'une faute lourde ; le maître de l'ouvrage, alerté de la présence de la nappe phréatique et conseillée sur les mesures préconisées n'a rien fait ;

- le cabinet Gaudriot, qui a conçu la lagune artificielle sans diligenter aucune étude géotechnique préalable relative à la nature et à la cohésion des sols, a commis des fautes de conception, de surveillance de l'exécution des travaux et de conseil au maître d'ouvrage, de sorte que sa responsabilité au titre de la garantie décennale est engagée ;

- l'action de la société Bpifrance Financement est recevable et fondée, dés lors que cette société s'engage à reverser l'indemnisation à la société Cité Marine qui a supporté le coût de la remise en état ;

- elle a fait réaliser les travaux de reprise pour un coût de 117 849,55 euros, auquel s'ajoute les dépenses qu'elle a supportées en raison du fonctionnement défectueux du bassin estimées à 20 000 euros ;

- ni l'installation d'un troisième aérateur ni l'absence de mesures prises pour lutter contre les rongeurs ne sont à l'origine des désordres.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 27 mai 2014 et le 8 septembre 2014, la commune de Kervignac conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire au rejet des conclusions présentées à son encontre, et à titre infiniment subsidiaire, elle demande la condamnation du cabinet Gaudriot et de Me Lombard, es qualité, à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; enfin, elle demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des sociétés Cité Marine et Bpifrance Financement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de mandat express dans le contrat de crédit-bail, le crédit-preneur ne peut pas rechercher sa responsabilité décennale ; la qualité de futur acquéreur ne donne pas qualité pour agir sur le fondement de la responsabilité décennale et la société Cité Marine n'est pas devenue propriétaire dans le délai de dix ans qui a suivi la réception des travaux, prononcée le 27 mars 1998 ;

- les articles 5 et 11 du contrat de crédit bail ne peuvent être analysés comme donnant mandat à la société Cité Marine d'engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

- la société Bpifrance Financement n'a pas subi de préjudices et la société Cité Marine ne peut pas lui demander de l'indemniser du sien ;

- l'acte passé entre la commune et les sociétés Auxicomi et Batiroc prévoit expressément une clause d'exclusion de la garantie pour les vices de construction ; cette clause s'oppose à ce que sa responsabilité décennale soit engagée ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ; si l'expertise comporte des contradictions, elle ne retient aucune responsabilité du maître d'ouvrage ;

- les désordres résultent uniquement de la faute du maître d'oeuvre ;

- l'expert retient également une part de responsabilité de l'exploitant ;

- les surcoûts de 20 000 euros demandés ne sont pas justifiés ; le bassin, construit en 1998, avait été largement amortit et sa rénovation n'aurait coûté que 25 822,65 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2014, la société Aviva Assurances conclut au rejet de la requête et demande que soit constatée l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions présentées à son encontre ; elle demande également que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des sociétés Cité Marine et Oseo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- ses obligations résultent d'un contrat d'assurance souscrit par le cabinet Gaudriot, c'est-à-dire d'un contrat de droit privé, que la juridiction administrative n'est pas compétente pour examiner ;

- la requête de la société Cité Marine est irrecevable car au moment de sa demande devant le tribunal, sa qualité d'éventuel futur acquéreur ne lui donnait pas qualité pour agir sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ;

- la demande de la société Bpifrance Financement ne peut qu'être rejetée puisqu'elle n'a pas subi de préjudice.

Une mise en demeure a été adressée le 11 décembre 2014 à Me Lombard, commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rimeu, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Julou, avocat des sociétés Cité Marine et Bpifrance Financement, celles de Me Baugeard, avocat de la société Aviva Assurances et celles de MeC..., pour la commune de Kervignac.

1. Considérant qu'en 1997 la commune de Kervignac a fait construire, sur la zone artisanale du carrefour du Porzo, une lagune artificielle de pré-épuration des eaux usées urbaines et industrielles, composée d'un bassin-tampon et d'un bassin de pré-traitement ; que la maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à la société André Guitton, devenue société Gaudriot et le lot terrassement a été confié à la société Marc ; que les travaux ont été réceptionnés le 15 mai 1998, avec effet au 27 mars 1998 ; que, par un contrat du 3 décembre 1998, la commune de Kervignac a vendu cet ouvrage aux sociétés Auxicomi et Batiroc, aux droits desquelles vient aujourd'hui la société Bpifrance Financement, crédit bailleurs, qui l'ont confié pour exploitation à la société Cité Marine, intervenante au contrat du 3 décembre 1998 et crédit preneur en vertu du contrat de crédit-bail conclu le 27 juin 1995 avec les sociétés susmentionnées ; qu'en 2004 des déchirures sont apparues sur la membrane étanche de la couverture des talus du bassin de la lagune artificielle ; qu'à la demande de la société Cité Marine, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 4 juillet 2005, ordonné une expertise, dont le rapport a été déposé le 6 novembre 2006 ; que le 12 janvier 2009, les sociétés Cité Marine, Oséo Financement et Oséo Bretagne, ces deux dernières venant aux droit des sociétés Auxicomi et Batiroc, crédits bailleurs, ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant, dans le dernier état de leurs écritures, à la condamnation de la commune de Kervignac, ou subsidiairement de la société Gaudriot et de Me Lombard, commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot, à verser à la société Cité marine ou à défaut à la société Oséo la somme de 137 849, 55 euros en réparation des préjudices résultant des désordres affectant la lagune artificielle ; que par un jugement du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des sociétés Cité Marine et Oséo aux motifs que la première, qui n'était pas propriétaire de l'ouvrage, n'était pas recevable à rechercher la responsabilité décennale de la commune et de la société Gaudriot et que la seconde n'avait pas subi de préjudice ; que la société Cité Marine et la société Bpifrance Financement relèvent appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant que les désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination survenus dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ; qu'en vertu de l'article 1792-1 du code civil toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputée constructeur de l'ouvrage ; qu'il résulte également des dispositions de cet article 1792-1 que les acquéreurs successifs d'un ouvrage sont fondés à rechercher la responsabilité du vendeur de cet ouvrage au titre de la garantie décennale ;

3. Considérant, toutefois, que la société Cité Marine n'est devenue propriétaire de la lagune artificielle du lieu-dit " Le Porzo " que par la levée, le 30 avril 2014, de l'option prévue par le contrat de crédit bail conclu avec les sociétés Auxicomi et Batiroc, aux droits desquelles vient aujourd'hui la société Bpifrance Financement ; qu'elle n'avait dès lors pas qualité pour exercer l'action en garantie décennale, tant à l'encontre de la commune de Kervignac, vendeur de la lagune artificielle, qu'à l'encontre de la société Gaudriot, maître d'oeuvre de l'opération ; qu'aucune clause du contrat de crédit-bail du 27 juin 1995 ou du contrat de vente du 3 décembre 1998 ne prévoyait le transfert de l'action en garantie décennale au crédit-preneur ; que l'acquisition de la propriété de la lagune de pré-épuration, postérieurement au jugement attaqué et à l'introduction de sa requête d'appel, n'a pu régulariser le défaut de qualité à exercer l'action en responsabilité décennale dont était entachée sa demande devant les premiers juges ; qu'il suit de là que le tribunal administratif, par le jugement attaqué du 31 décembre 2013, a pu régulièrement opposer à la société Cité Marine qu'elle n'était pas recevable à rechercher la responsabilité décennale de la commune ou de la société Gaudriot et de son mandataire liquidateur ;

Sur les conclusions de la requête d'appel en tant qu'elles émanent de la société Bpifrance Financement :

4. Considérant que la société Oseo, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance Financement, était recevable à exercer l'action en garantie décennale dès lors qu'elle avait la qualité de propriétaire acquéreur de l'ouvrage en vertu du contrat de vente du 3 décembre 1998 ; que, toutefois, il est constant qu'elle n'a pas pris en charge le coût des travaux de réfection de la lagune ; que, nonobstant son engagement invoqué à reverser les indemnités sollicitées à la société Cité Marine, la société Bpifrance Financement n'a ainsi subi aucun préjudice né et actuel ; que ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Kervignac ou de la société Gaudriot et de Me Lombard, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de cette dernière, ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce que l'arrêt soit rendu opposable à la société Aviva Assurances :

5. Considérant que l'action directe exercée par la victime d'un dommage contre l'assureur du responsable relève de la compétence des tribunaux judiciaires dès lors qu'elle est fondée sur un contrat d'assurance de droit privé ; que la juridiction administrative ne peut déclarer son jugement commun à un tiers que si elle est compétente pour connaître du litige entre ce tiers et la partie qui le met en cause ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que la cour juge que son arrêt est opposable à la société Aviva Assurances, assureur de la société Gaudriot, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

6. Considérant qu'il y a lieu de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 16 102,35 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2006, à la charge de la société Cité Marine ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Kervignac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Cité Marine et la société Bpifrance Financement demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

8. Considérant d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Kervignac et par la société Aviva Assurances ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la société Cité Marine et de la société Bpifrance Financement est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Kervignac et de la société Aviva Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Kervignac, à la société Aviva Assurances, à la société Cité Marine, à la société Bpifrance Financement et à Me Lombard, commissaire à l'exécution du plan de cession totale de la société Gaudriot.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- Mme Rimeu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 mai 2016.

Le rapporteur,

S. RIMEULe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00557
Date de la décision : 17/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Sophie RIMEU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BAUGEARD

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-05-17;14nt00557 ?
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