Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Me C... A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Zulfukar a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2006 au 31 août 2009 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1204527 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a, par son article 1er, prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les société due au titre de l'exercice clos en 2007 et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et, par son article 2, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2015, Me C...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Zulfukar, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2006 au 31 août 2009 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement qui retient que la comptabilité est entachée d'erreurs graves et répétées ainsi que de lacunes importantes doit être réformé ; l'enregistrement quotidien et régulier des recettes n'est pas contesté ; les quelques anomalies relevées sur les tickets Z sont insuffisantes pour écarter la comptabilité validée par un expert-comptable ; la reconstitution d'une comptabilité matière concernant les boissons fraîches opérée par l'administration afin d'apprécier la régularité de l'enregistrement des recettes qui fait état d'omission d'enregistrements comptables ne tient pas compte des boissons vendues dans le cadre de menus ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est viciée ; les sondages effectués à partir des tickets Z sont insuffisants ;
- la méthode de répartition des recettes pour la ventilation des taux de taxe sur la valeur ajoutée ne reflète pas les conditions d'exploitation de l'établissement ; la fixation d'un taux unique de répartition pour les ventes en fonction de leur nature n'est pas pertinente ;
- la méthode de reconstitution n'a qu'insuffisamment tenu compte des pertes, des offerts et des autoconsommations dont les montants ont été notablement sous-évalués ;
- les pénalités pour manquement délibéré restant en litige ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Me A...n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Zulfukar, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 14 septembre 2011, exploitait un restaurant de spécialités turques sous l'enseigne " Zallal " à Rennes ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur l'ensemble de ses déclarations fiscales relatives à la période du 1er septembre 2006 au 31 août 2009 ; qu'après avoir écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante, le service vérificateur a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires ; que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en litige, d'un montant total de 86 161 euros, et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de cette société au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, d'un montant total de 65 121 euros, ont été assortis de la majoration de 40% pour manquement délibéré ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires d'Ille-et-Vilaine a confirmé lors de sa séance du 11 février 2011 le rejet de la comptabilité et a validé la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires proposée par l'administration ; que, par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a, par son article 1er, prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos en 2007 et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période allant du 1er septembre 2006 au 31 août 2007 et, par son article 2, rejeté le surplus de sa demande ; que Me C...A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Zulfukar, relève appel de l'article 2 de ce jugement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) "
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que lors de la vérification de comptabilité de la SARL Zulfukar, l'administration a constaté que les inventaires des stocks établis à la clôture de chaque exercice, en l'absence de mention de la contenance des bouteilles, n'étaient pas exhaustifs de sorte qu'il était impossible de faire le lien entre les factures d'achats et le stock ; qu'un contrôle des fiches de caisse et, par sondage, des tickets Z, suffisamment représentatif de la réalité des ventes de la société sur l'ensemble de la période vérifiée, parfois raturés, surchargés et modifiés manuellement à la hausse ou à la baisse, a mis en évidence que toutes les consommations n'étaient pas enregistrées en caisse ; que le même sondage a permis de détecter l'absence de tickets Z à certaines dates sur la période vérifiée ; que s'agissant plus particulièrement de l'exercice clos en 2009, les fiches de caisse présentées faisaient apparaître un solde de caisse créditeur alors que le compte caisse était débiteur ; que l'administration, effectuant un rapprochement entre la comptabilité matière des boissons fraîches et les ventes de cette catégorie de produits sur la base de 191, 108 et 87 tickets Z respectivement prélevés sur les exercices 2007, 2008 et 2009, a démontré une absence de comptabilisation journalière de 42, 52 et 58 boissons sur les exercices 2007 et 2008 et 2009 ; que si la société fait valoir que la méthode mise en oeuvre par le vérificateur ne prend pas en compte les boissons vendues au sein des menus, il est constant que les tickets Z présentés qui ventilent les recettes par catégorie ne comportaient aucune rubrique " menu " ; que, dans ces conditions, la comptabilité présentée par la SARL Zulfukar, en l'absence de caractère probant des tickets Z, des fiches de caisse et du compte caisse et compte tenu des lacunes et inexactitudes entachant l'inventaire des stocks, comportait de graves irrégularités au titre de la période allant du 1er septembre 2006 au 31 août 2009 et a été à bon droit écartée comme dépourvue de valeur probante par l'administration laquelle était en droit de procéder à la reconstitution des recettes et par suite du bénéfice ;
En ce qui concerne la méthode de reconstitution :
4. Considérant que, les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et l'administration ayant apporté la preuve du caractère irrégulier de la comptabilité présentée, il appartient à Me A...de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par le service ou de soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration ;
5. Considérant que l'administration a reconstitué le montant des ventes au titre de la période du 1er septembre 2006 au 31 août 2009 en dépouillant un échantillon significatif de tickets Z et a réparti les produits vendus par la SARL Zulfukar en trois groupes correspondant aux boissons, aux kebabs et sandwichs accompagnés de frites, et enfin aux autres plats ; que le vérificateur a reconstitué les recettes correspondant aux deux premières familles de produits en valorisant les achats revendus et celles correspondant au troisième groupe en se fondant sur les recettes moyennes journalières établies à partir de l'échantillon de tickets Z puis extrapolées sur 360 jours, période d'ouverture de l'établissement ; que, pour tenir compte des pertes et offerts, le vérificateur a appliqué un abattement de 5% aux recettes globales, en complément de ceux déjà comptabilisés par la société ; que, dans la mesure où la ventilation entre les ventes à consommer sur place et les ventes à emporter n'avait pas été effectuée, le vérificateur, à partir d'un sondage effectué sur place sur quatre jours, a retenu que 70% des ventes concernaient la consommation sur place et 30% la vente à emporter ;
6. Considérant, en premier lieu, que Me A...fait valoir qu'à la différence de l'exercice 2007, le vérificateur n'a pas effectué un sondage suffisant des tickets Z au titre des exercices 2008 et 2009 de sorte que la méthode de reconstitution des recettes sur ces deux exercices n'est pas pertinente ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du tableau de dépouillement des 191, 108 et 87 tickets Z respectivement prélevés sur les exercices 2007, 2008 et 2009, et figurant en page 9 de la proposition de rectification du 23 juillet 2010, que la répartition des trois familles de produits a été stable ; que Me A...n'apporte aucun élément de nature à établir un changement significatif dans les conditions d'exploitation du restaurant entre l'exercice clos en 2007 et les deux exercices suivants ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que Me A... n'établit pas davantage que la répartition entre les ventes à emporter et les ventes à consommer sur place ne reflète pas les conditions d'exploitation de l'établissement, alors au demeurant que la ventilation retenue par le vérificateur correspond à celle pratiquée par la société elle-même lors des opérations de contrôle ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si la requérante critique le taux des pertes, offerts et des consommations du personnel dont les montants seraient notablement sous-évalués compte tenu des efforts commerciaux déployés pour se distinguer de la concurrence locale, elle ne produit aucun élément tangible tiré des conditions d'exploitation qui justifierait d'augmenter le taux d'abattement de 5% pratiqué sur le montant du chiffre d'affaires reconstitué ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que Me A...ne démontre pas en quoi l'achat d'un second congélateur et le changement de mode de gestion des stocks au sein de l'établissement en 2008 ont eu une incidence sur l'exploitation du restaurant que la méthode de reconstitution suivie par l'administration n'aurait pas prise en compte ;
Sur le bien-fondé des pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40% en cas de manquement délibéré (. . .) ";
11. Considérant que, pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période allant du 1er septembre 2007 au 31 août 2009 et aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009, l'administration soutient que l'importance de la minoration du chiffre d'affaires, son caractère systématique, l'absence de justificatifs permettant de distinguer les consommations prises sur place de celles emportées ainsi que les graves irrégularités comptables démontrent de la part de la société Zulfukar son intention d'éluder l'impôt ; que la requérante se borne à faire valoir que ces erreurs sont dues à l'inexpérience du personnel et que " les corrections opérées n'ont pas toutes été effectuées en vue de diminuer les recettes " ; que, dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que les omissions relevées à l'encontre de la société constituent un manquement délibéré au sens de l'article 1729 du code général des impôts ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MeA..., liquidateur de la SARL Zulfukar, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Me A...à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Me C...A..., liquidateur de la SARL Zulfukar, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me C...A...en sa qualité de liquidateur de la société Zulfukar et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mai 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-Rousseau Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00125