Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Centre Capital Développement (CCD) a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 5 juin 2012 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a refusé de lui accorder l'agrément en vue du transfert des déficits de la société Création et Croissance Centre en vertu du II de l'article 209 du code général des impôts.
Par un jugement no 1202682 du 31 décembre 2014, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 10 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de la SA CCD.
Il soutient que :
- la décision du 19 septembre 2014 du Conseil d'Etat dont le tribunal administratif a repris le raisonnement ne juge pas que la société holding absorbée exerçait une activité en tant que telle ;
- elle n'est pas transposable dès lors qu'elle se rapporte à des sociétés de personnes ;
- les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts ne sont pas applicables dans le cas où les déficits dont le transfert est demandé par la société absorbante résultent de la seule activité de détention de titres de la société absorbée comme en l'espèce, et non d'activités opérationnelles, caractérisées par des éléments tangibles et matériels ;
- cela correspond à l'objectif poursuivi par le dispositif d'agrément, conformément à l'intention du législateur, qui est de faciliter les restructurations des groupes en vue de la poursuite des activités et le maintien de l'emploi ;
- la suppression de la référence au plafonnement des déficits transférables par l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 2004 trouve son origine non pas dans la volonté d'autoriser le transfert sans limite de tous les déficits et notamment de ceux des holdings mais dans l'instauration de nouvelles normes comptables ainsi d'ailleurs que le rappelle l'instruction 4 I-1-05 du 30 décembre 2005 ;
- la réponse ministérielle de Richemont (JO Sénat 30 mars 2006, n° 17081) s'inscrit dans ces évolutions en réaffirmant que le nouveau dispositif n'emporte aucune modification de la position de l'administration à l'égard des déficits résultant de la gestion de participations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2015, la SA CCD, représentée par MeA..., conclut :
1°) à titre principal, au rejet du recours et à ce qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret de réexaminer sa demande d'agrément dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision du 5 juin 2012 pour erreur d'appréciation ou, à défaut, pour erreur de droit et à ce qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret de réexaminer sa demande d'agrément dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
3°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;
- outre l'erreur de droit retenue par le tribunal, la décision de refus d'agrément est entachée d'une erreur d'appréciation sur la nature de son activité, qui n'est pas celle d'une holding pure, et d'une seconde erreur de droit résultant de l'application anticipée de l'article 209 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-958 du 16 avril 2012.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, et notamment son article 15 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que la société anonyme (SA) Centre Capital Développement (CCD) a, suivant un traité de fusion-absorption du 17 novembre 2011, absorbé le 22 décembre 2011 la société par actions simplifiée (SAS) Création et Croissance Centre (3 C), qui avait pour objet la participation en fonds propres ou quasi fonds propres dans des petites et moyennes entreprises et industries en création et en premier développement dans la région Centre, en vue de la cession ultérieure de ces participations ; que la SA CCD a demandé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, la délivrance de l'agrément prévu au II de l'article 209 en vue du transfert des déficits de la SAS 3 C non encore déduits avant sa dissolution, afin de pouvoir les imputer sur ses propres bénéfices ; que, par une décision du 5 juin 2012, le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a rejeté sa demande ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 décembre 2014 annulant cette décision, à la demande de la SA CCD ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable avant la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée ou apporteuse sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues respectivement au troisième alinéa du I et au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212. / (...) L'agrément est délivré lorsque : / a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b. L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans " ;
3. Considérant que ces dispositions, qui peuvent être appliquées sans qu'il y ait lieu de recourir aux travaux préparatoires de la loi, ne font pas obstacle à ce que les déficits enregistrés, en l'absence d'intégration fiscale, par une société holding ou par une société détenant des titres de participation dans d'autres sociétés sans en assurer le contrôle ou la direction, absorbée à raison des déficits réalisés par des sociétés qu'elle détenait, soient transférés à la société absorbante, dès lors que celle-ci continue à détenir les titres de participation dans les sociétés dont l'activité est à l'origine des déficits, pendant un délai minimum de trois ans et que ces dernières poursuivent pendant ce même délai leurs activités ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, le bénéfice de l'agrément n'est pas subordonné à la qualité de sociétés de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts des sociétés dont les déficits sont pris en charge par la société qui le demande ; qu'en outre, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à se prévaloir du commentaire administratif figurant au paragraphe 48 du BOI 4-I-2-00 et de la réponse ministérielle faite à M. B..., sénateur, publiée au Journal Officiel du Sénat du 30 mars 2006 qui ajoutent aux conditions de l'agrément définies par le II de l'article 209 du code général des impôts une condition tenant à la nature de l'activité de la société absorbée que ce texte ne prévoit pas ; que, par suite, en refusant d'accorder l'agrément à la SA CCD au seul motif que la société absorbée était une société holding ne créant pas de chiffre d'affaires et n'employant pas de personnel de sorte que la société absorbante ne pouvait pas poursuivre l'activité de la société absorbée, le directeur régional des finances publiques du Centre et du département du Loiret a commis une erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 5 juin 2012 refusant à la SA CCD l'agrément en vue du transfert des déficits de la SAS 3 C à hauteur de 671 496 euros ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que la SA CCD demande à la cour d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande d'agrément ; qu'à la suite de l'annulation qu'ils ont prononcée, les premiers juges lui ont déjà adressé cette injonction en ce sens ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction de la société ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA CCD au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SA CCD au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA CCD est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Centre Capital Développement et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2016.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00909