Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2006, 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1200526 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2015, M.A..., représenté par Mes Helouet et Chipot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification du 9 septembre 2009 adressée à la société à responsabilité limitée (SARL) Le A...est insuffisamment motivée ce qui n'a pas permis à celle-ci de présenter utilement des observations ;
- il n'a pas bénéficié de distributions de revenus de la part de la société ;
- la comptabilité de la SARL Le A...a été rejetée à tort comme étant irrégulière et dépourvue de valeur probante au regard des conditions précisées par la documentation de base 4-G-3341 du 25 juin 1998 ; la société a produit les bandes de caisse de l'exercice clos en 2006 lors de la séance de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires le 17 septembre 2010 ; le vérificateur n'a pas compris le mode de fonctionnement de sa caisse enregistreuse qui, après enregistrement d'une opération, ne peut corriger à la baisse le montant des recettes enregistrées ; le ticket Z, qui n'a le même objet que la bande de contrôle, n'a pas à comporter des précisions sur les opérations annulées ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société fondée sur les opérations retracées par les tickets Z est radicalement viciée dans son principe et est dépourvue de cohérence et de fondement ; une annulation de type " retour " ne peut matériellement se retrouver sur la bande de contrôle ;
- la méthode des vins revêt un caractère trop approximatif et ne permet pas d'appréhender les conditions de fonctionnement de l'établissement ;
- la réintégration au résultat imposable de la société d'une charge de 4 388 euros prétendument non justifiée n'est pas fondée, la somme ayant été indiquée par erreur comme correspondant à une rémunération de l'exploitant ;
- les rectifications notifiées au titre des sommes comptabilisées au compte 46700 de la société payées au moyen du chéquier de celle-ci ne sont pas fondées dès lors qu'il n'en a pas été le bénéficiaire à titre personnel ;
- les impositions supplémentaires n'étant pas fondées, les intérêts de retard ne sont pas dus ;
- la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée ; il n'a pas délibérément manqué à son obligation de déclaration ; il se prévaut de la définition de la notion de manquement délibéré par la documentation administrative 13 N-1-07 du 19 février 2007.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré d'une éventuelle irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité d'une société de capitaux est sans incidence sur la régularité de la procédure menée à l'encontre d'un associé ;
- les autres moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) LeA..., qui exploitait depuis le 2 mai 2005 un établissement de restauration sous l'enseigne " La Cale " à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité ayant porté sur la période allant du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2008 ; que M. A...a été désigné par la société, dont il est le principal associé et le gérant, comme étant le bénéficiaire des revenus distribués identifiés par l'administration ; qu'en conséquence, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2006, 2007 et 2008, assorties de l'intérêt de retard et à de la majoration pour manquement délibéré ; qu'après le rejet de ses réclamations par l'administration, M. A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition ; qu'il relève appel du jugement du 17 décembre 2014 rejetant sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'en vertu du principe de l'indépendance des procédures concernant une société de capitaux et ses associés, l'insuffisance de motivation qui entacherait, selon M. A..., la proposition de rectification du 9 septembre 2009 adressée à la SARL Le A...est sans influence sur les conséquences tirées par l'administration du contrôle de la société sur les sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au nom de M.A... ;
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevés sur les bénéfices. / (...) " ;
4. Considérant que le vérificateur a réintégré dans les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M.A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, le montant des recettes non déclarées par la société ainsi que celui des paiements qu'elle a effectués par chèque et pour lesquels elle n'a justifié d'aucune contrepartie ; que le résultat de l'exercice clos en 2006 étant bénéficiaire, les recettes distribuées au cours de cet exercice ont été imposées sur le fondement du 1° de l'article 109 du code général des impôts ; que les résultats des exercices clos en 2007 et en 2008 présentant des déficits s'élevant respectivement à 5 623 euros et 33 633 euros, les recettes distribuées au cours de ces deux exercices ont été imposées sur le fondement du 2° du même article à concurrence du montant des déficits constatés et sur le fondement du 1° de cet article pour le surplus ;
5. Considérant que M.A..., dont les observations n'ont porté que sur la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL LeA..., conteste, d'une part, l'existence et le montant des recettes reconstituées par le vérificateur et d'une charge dont la déduction a été refusée et, d'autre part, l'appréhension du montant des chèques émis sans contrepartie par la société ;
En ce qui concerne les recettes réalisées par la SARL LeA... :
Quant au rejet de la comptabilité de la société :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour écarter la comptabilité de la SARL Le A...comme irrégulière et non probante, le vérificateur s'est fondé sur l'absence de production des bandes de contrôle de la caisse enregistreuse de l'exercice clos en 2006 et du mois de septembre 2008, sur l'absence d'inventaires à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 2006 et sur le recoupement des tickets Z avec les bandes de contrôle de la caisse enregistreuse ou, pour l'exercice 2006, avec les rapports de caisse mensuels joints aux brouillards de caisse, lequel a fait apparaître d'importantes discordances pour les recettes ;
7. Considérant d'une part, que M. A...soutient que les discordances constatées au titre des exercices clos en 2007 et 2008 correspondent à des commandes passées par erreur, et dont l'annulation, par le biais de la touche " retour " de sa caisse enregistreuse, est retracée sur les tickets Z, mais ne figure pas, faute de facturation et d'encaissement, sur les bandes de contrôle de cette caisse dont l'objet est différent de ces derniers ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du récapitulatif des discordances annexé à la proposition de rectification, qu'une partie des annulations de commandes par la touche " retour " figure sur les bandes de contrôle et se trouve, d'ailleurs, de ce fait justifiée ; que, ainsi que le fait valoir le ministre, en l'absence de précisions sur les tickets Z ou sur les bandes de contrôle relatives aux caractéristiques des opérations annulées et de production de tout autre élément tel que les factures erronées dont l'édition était techniquement possible, les annulations faites par le biais de cette touche constituent la quasi-totalité des recettes annulées alors que la caisse enregistreuse permettait de mettre en oeuvre plusieurs autres modes de correction ; qu'en outre, ces annulations présentent un caractère répété et massif, correspondant à des montants représentant respectivement près de 37 % et plus de 28 % des ventes déclarées des exercices clos en 2007 et 2008 ;
8. Considérant, d'autre part, que, s'agissant de l'exercice clos en 2006, M.A... soutient que le service n'a pas recouru à l'examen des bandes de contrôle qui n'ont été produites par la société qu'à l'occasion de la réunion de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires d'Ille-et-Vilaine du 17 septembre 2010 ; que, toutefois, et ainsi qu'il est dit au point 6, ces bandes ne constituent pas une preuve suffisante de l'absence de recettes non déclarées ; qu'il suit de là que l'absence de leur prise en compte par le service est sans incidence sur l'appréciation du caractère régulier et probant de la comptabilité de la société ; qu'enfin, et contrairement à ce que soutient M.A..., l'absence d'inventaires à l'ouverture et à la clôture de l'exercice 2006 ne constituait pas une irrégularité purement formelle, ces documents étant nécessaires au contrôle du montant des ventes ;
9. Considérant que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 9 à 11 de la documentation de base 4-G-3341 du 25 juin 1998 définissant la notion de comptabilité régulière, qui ne donnent pas de la loi une interprétation différente de celle dont il vient d'être fait application ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le vérificateur a écarté la comptabilité de la SARL Le A...en raison des graves irrégularités dont elle était entachée ;
Quant à la reconstitution du chiffre d'affaires :
11. Considérant, d'une part, que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL LeA..., le vérificateur a réintégré aux recettes déclarées et tirées des ventes des exercices clos en 2007 et 2008, les recettes dont l'annulation, à l'issue des constatations faites, n'était pas justifiée ; qu'en ce qui concerne l'exercice clos en 2006, pour lequel, à la date de la proposition de rectification, les bandes de contrôle n'avaient pas été produites, le vérificateur a appliqué aux recettes annulées sans justification ressortant de l'examen des rapports de caisse mensuels disponibles, le taux de justification qui était le plus favorable à la société, issu du recoupement des tickets Z et des bandes de contrôle de l'exercice clos en 2008 ; que si, pour contester cette méthode, le requérant soutient qu'elle se fonde sur une compréhension erronée du fonctionnement de la caisse enregistreuse utilisée au cours de la période vérifiée et que les taux de recettes dont l'annulation a été regardée comme établie ne sont pas justifiés, ces simples allégations ne permettent pas de remettre en cause la méthode appliquée par le service ; qu'en outre, cette méthode se fonde sur les données économiques propres à son entreprise ; qu'enfin, et contrairement à ce que soutient la requérante, le chiffre d'affaires reconstitué de la société est en rapport avec l'affluence que connaît la ville de Saint-Malo tout au long de l'année ;
12. Considérant, d'autre part, que pour corroborer les résultats obtenus à partir de cette première méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, le vérificateur a appliqué la méthode des vins et déterminé le chiffre d'affaires total de la société en appliquant un coefficient multiplicateur au chiffre d'affaires reconstitué des ventes de vins au cours de l'exercice 2008, calculé par l'application aux achats revendus de vins d'un coefficient de bénéfice brut moyen réalisé sur les ventes ; que M. A...conteste le taux de réfaction de 15 % correspondant à la prise en compte des offerts, des pertes et de la consommation du personnel au motif qu'il serait sans rapport avec les conditions d'exploitation de son établissement ; qu'il soutient en outre que les échantillons de tickets Z et la prise en compte de douze références de vins proposés à la clientèle, après écrêtage des deux valeurs extrêmes, sont trop limités ; qu'il fait enfin valoir que l'extrapolation aux trois exercices vérifiés du chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de vins pendant soixante-et-onze jours au cours l'exercice 2008 ne tient pas compte de l'évolution de ses conditions d'exploitation ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir que les données ainsi prises en compte par le vérificateur ne correspondent pas aux conditions d'exploitation de son établissement et ne propose aucun élément d'appréciation ou mode de calcul susceptible d'être substitué à ceux mis en oeuvre ; qu'au surplus, le rehaussement des bases d'imposition a été calculé sur la seule base du chiffre d'affaires résultant de la méthode de reconstitution décrite au point 11 ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'expertise demandée, que l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence et du montant des recettes distribuées par la SARL LeA... ;
En ce qui concerne la déduction d'une charge de 4 288 euros :
14. Considérant que si M. A...soutient que la charge de 4 288 euros réintégrée par l'administration au résultat de l'exercice clos en 2007 constitue la rémunération servie à l'une de ses employés et a été inscrite par erreur sur le compte de rémunération le concernant, il ne produit toutefois aucun élément de nature à étayer ses allégations, qu'il s'agisse de la dette que la société aurait eue à l'égard de cette employée ou du versement effectif au bénéfice de celle-ci ; qu'il n'est dès lors pas fondé à contester la réintégration de la somme de 4 288 euros dans les recettes distribuées ;
En ce qui concerne les paiements effectués sans contrepartie :
15. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification du 11 décembre 2009 adressée à M. A...que la SARL Le A...a émis en 2007 et 2008 des chèques pour des sommes totales de 5 755 euros et 34 582 euros inscrites au compte " débiteur divers " 46700 dans la comptabilité de la société au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2008 sans toutefois qu'aucune charge ne soit comptabilisée ; qu'en se prévalant de la qualité d'associé majoritaire et de dirigeant de la société, le ministre apporte la preuve qui lui incombe de l'appréhension de ces sommes par le requérant en sa qualité de maître de l'affaire ;
Sur les pénalités :
16. Considérant que les conclusions à fin de décharge des intérêts de retard, à l'appui desquelles le requérant n'invoque aucun moyen spécifique, doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin de décharge des sommes dues au principal ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
18. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification, que pour établir le manquement délibéré de la part de M.A..., l'administration s'est fondée sur sa qualité de gérant et d'associé à 80 %, sur le fait que l'importance et la répétition des omissions de recettes n'ont pu lui échapper et sur la circonstance qu'il ne pouvait ignorer que ces omissions se traduisaient par une diminution des montants distribués à son bénéfice ; que si M. A...soutient qu'il était rarement présent lors des services et qu'il n'a pas utilisé la caisse enregistreuse, dont les dysfonctionnements allégués ne peuvent lui être imputés, et que, s'agissant des charges dont la déduction a été remise en cause, il a été victime des agissements de ses salariés, ces seules allégations ne sont pas de nature à remettre en cause l'existence du manquement délibéré dont l'administration doit être regardée comme apportant la preuve ; que, par suite, l'administration était fondée à appliquer à M. A...la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;
19. Considérant que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 13 N-1-07 du 19 février 2007 définissant la notion de manquement délibéré qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ;
20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00614