Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1300324 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 juin 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la période du 1er au 30 janvier 2009 a été contrôlée cumulativement dans le cadre de la vérification de comptabilité de son activité exercée à titre indépendant et dans le cadre de celle portant sur l'activité de la société alors qu'elle ne pouvait, en application du principe d'indépendance des exercices, n'être contrôlée que dans le cadre de la vérification de comptabilité portant sur son activité personnelle au titre d'un exercice intermédiaire allant du 1er au 30 janvier 2009 ; en conséquence, les avis de vérification sont entachés de nullité et les vérifications de comptabilité sont irrégulières, le vérificateur ayant imputé de manière artificielle les opérations réalisées au cours de cette période soit à son activité exercée à titre indépendant soit à l'activité de la société ;
- la direction régionale de Paris Ile-de-France n'était pas territorialement compétente pour procéder au contrôle sur pièces de son dossier ;
- le contrôle sur pièces dont il a fait l'objet est, en ce qui concerne le chef de redressement relatif à la plus-value professionnelle, entaché d'irrégularité au regard du 1° de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales qui interdit à l'administration de procéder à deux vérifications ou contrôles portant sur la même année et le même impôt ;
- le contrôle sur pièces a été effectué au vu de pièces et de documents obtenus au cours d'une vérification de comptabilité irrégulière ;
- c'est à tort que l'administration a imposé la plus-value alors que cette dernière ne constitue pas un gain imposable, faute de s'être traduite par un accroissement patrimonial ; pour la compréhension de cette notion de gain au sens du droit fiscal, le réalisme économique doit primer sur la qualification juridique d'une opération ;
- la majoration de 40 % qui assortit la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 est contraire à l'équité et au principe de nécessité et de proportionnalité ; il est fondé en conséquence à en demander la décharge ou, pour le moins, la réduction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., qui exerce la profession d'avocat, relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 en raison de la plus-value qu'il a réalisée lors de la cession de sa clientèle en janvier 2009 ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, que par un acte de cession de clientèle établi le 3 janvier 2009, M.C..., qui a exercé jusqu'au 31 décembre 2008 à titre individuel, l'activité d'avocat, a cédé sa clientèle à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Fontbressin Avocat alors en cours de formation, dont il est le gérant et l'unique associé ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont son activité individuelle a fait l'objet, le vérificateur a rehaussé ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu relatives aux années 2008 à 2010 et y a notamment réintégré la plus-value d'un montant de 240 000 euros que le requérant a réalisée en 2009 en cédant sa clientèle ; que la SELARL Fontbressin Avocat a parallèlement fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle des redressements lui ont été notifiés en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la plus-value qu'il a réalisée en janvier 2009, qui est imposable à l'impôt sur le revenu dû au titre de cette année civile, n'est pas rattachable à un exercice correspondant au mois de janvier 2009 dont il invoque l'existence ; qu'il suit de là qu'en contrôlant simultanément la comptabilité que le requérant a tenue dans le cadre de l'exercice de son activité individuelle au titre d'une période incluant le mois de janvier 2009 et la comptabilité de la SELARL Fontbressin Avocat à compter du 1er janvier 2009, l'administration n'a pas entaché la procédure d'irrégularité ; qu'en tout état de cause, le principe d'indépendance des exercices sur lequel M. C...fonde ce moyen n'est pas utilement invoqué pour contester la régularité de la procédure d'imposition ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C...a été informé de l'engagement de la vérification de la comptabilité de son activité d'avocat exercée à titre individuel par un avis de vérification du 6 juillet 2011 indiquant que le contrôle porterait sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 ainsi que sur " toutes les opérations postérieures au 31 décembre 2008 et consécutives à la cessation d'activité en date du 31 décembre 2008 " ; que, alors même que l'avis n'a pas expressément désigné l'année 2009, ces mentions permettaient au requérant de connaître la période soumise à vérification ; qu'il suit de là que l'administration a pu, sans entacher la procédure d'irrégularité, faire porter son contrôle sur la cession de clientèle réalisée en janvier 2009 ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. " ; qu'ainsi qu'il est dit au point 2 du présent arrêt, les deux vérifications de comptabilité dont l'activité individuelle du requérant et la SELARL Fontbressin Avocat ont respectivement fait l'objet ont porté l'une, sur l'impôt sur le revenu de M. C...et l'autre, sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée dus par la société ; qu'en outre, l'administration n'a pas, postérieurement à la vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 25 juillet au 24 octobre 2011, procédé à une nouvelle vérification de comptabilité de l'activité professionnelle, exercée à titre individuel, de M.C... ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales : " 1. Les agents de l'administration des impôts peuvent assurer le contrôle et l'assiette de l'ensemble des impôts ou taxes dus par le contribuable qu'ils vérifient. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " I. (...) Les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) / II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques (...) qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré (...) dans lequel ils sont affectés une déclaration (...) /. III. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique ou morale ou d'un groupement peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances. / (...) / V. Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. / (...) " ;
7. Considérant que l'inspectrice des finances publiques rattachée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, qui a procédé à la vérification de comptabilité de l'activité professionnelle de M. C... exercée à titre individuel à Paris, a pu compétemment, en application des dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, procéder au contrôle sur pièces du dossier du foyer fiscal du requérant et lui notifier des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ; que les irrégularités qui entacheraient, selon le requérant, les vérifications de comptabilité de son activité professionnelle et de l'activité de la société dont il est le gérant et l'unique associé sont sans incidence sur la compétence territoriale du service ayant procédé à ce contrôle sur pièces ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'acte de cession de clientèle et du contrat de cautionnement qu'il a signés, que le prix de cession de la clientèle a été versé à M. C... par la banque ayant financé l'emprunt que la SELARL Fontbressin Avocat a souscrit pour acquérir cette clientèle ; que la circonstance que le requérant s'est porté caution solidaire pour le remboursement de cet emprunt ne permet pas de le regarder comme n'ayant pas disposé de la somme de 240 000 euros qui lui a été versée au titre du prix de vente, alors même que les conditions auxquelles il a souscrit cet engagement de caution l'apparenterait à une garantie à première demande ; que le moyen tiré de l'absence d'accroissement de son patrimoine doit, dès lors, être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui est dit au point 8 du présent arrêt que la plus-value de cession était imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 ; qu'il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a rattaché l'opération de cession à l'exercice de son activité individuelle ;
En ce qui concerne l'application de la majoration pour manquement délibéré :
10. Considérant, en premier lieu, que pour appliquer la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, le vérificateur s'est notamment fondé sur la circonstance que M. C... n'a porté la plus-value réalisée lors de la cession de sa clientèle ni sur sa déclaration de résultats professionnels ni sur la déclaration de l'ensemble de ses revenus, sur l'importance de l'impôt que cette absence de déclaration a permis d'éluder ainsi que sur la circonstance que, eu égard à la profession exercée par le requérant, celui-ci ne pouvait ignorer ne pas avoir droit à l'exonération de la plus-value ; que la double qualité de vendeur de la clientèle cédée et de caution solidaire de la société qui l'a acquise invoquée par le requérant n'est pas de nature à remettre en cause les éléments de preuve apportés par l'administration ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit qu'elle a appliqué la majoration pour manquement délibéré ;
11. Considérant, en second lieu, que le juge ne disposant d'aucun pouvoir de modulation du taux de la majoration prévue par le I de l'article 1729 du code général des impôts, M. C...n'est pas fondé à demander, à titre subsidiaire, la réduction de la majoration pour manquement délibéré appliquée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
K. Bougrine Le président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02467