Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...et Canan C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement n° 1403564 du 22 septembre 2015, le tribunal a prononcé la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 et 2011 et de contributions sociales au titre de l'année 2010 ainsi que la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire de contributions sociales au titre de l'année 2011 et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 novembre 2015 et le 25 janvier 2017, M. et MmeC..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les résultats de la société civile immobilière " Le Châtelet " sont passibles de l'impôt sur les sociétés en application du 2 de l'article 206 du code général des impôts et non de l'impôt sur le revenu, l'application du régime dérogatoire prévu à l'article 239 ter du même code, pour laquelle ils n'ont pas opté, étant subordonnée au respect de strictes conditions, tenant notamment à l'objet social, qui n'étaient pas remplies eu égard aux stipulations des statuts de la société dont la modification intervenue le 10 mai 2010 a été enregistrée au greffe du tribunal de commerce d'Orléans ; c'est d'ailleurs ce que prévoient les commentaires administratifs de ces dispositions figurant dans l'instruction du 12 décembre 1988 reprise à la documentation administrative de base 8 E-331 et au paragraphe 20 du BOI-BIC-CHAMP 70-20-100 ;
- s'agissant des revenus d'origine indéterminée demeurant.en litige, ils réitèrent les critiques formulées en première instance
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les résultats de la société civile immobilière " Le Châtelet " ont, à juste titre, été assujettis à l'impôt sur le revenu ;
- il entend se prévaloir de ses écritures de première instance en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue des vérifications de comptabilité de deux sociétés civiles immobilières (SCI) dont M. et Mme C...sont les associés et de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a, d'une part, suivant la procédure de rectification contradictoire, imposé, entre leurs mains, à l'impôt sur le revenu les résultats réalisés par l'une de ces sociétés en 2009, 2010 et 2011 et, d'autre part, taxé d'office, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2010 et 2011 ; qu'il en a résulté des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011 et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011 dont M. et Mme C...ont demandé la décharge devant le tribunal administratif d'Orléans ; que, par un jugement du 22 septembre 2015, le tribunal a seulement prononcé la réduction des bases d'imposition au titre des années 2010 et 2011 ; que M. et Mme C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur les conclusions aux fins de décharge :
En ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des résultats de la SCI " Le Châtelet " :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts, relatif au champ d'application de l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles [de l'impôt sur les sociétés] (...), si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 35 du même code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après ; / (...) 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) " ; que le I de l'article 239 ter du même code dispose enfin que : " I. Les dispositions du 2 de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles (...) qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. / Les sociétés civiles visées au premier alinéa sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations ; leurs associés sont imposés dans les mêmes conditions que les membres de ces dernières sociétés " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI " Le Châtelet " a acquis, le 18 novembre 2006, un ensemble immobilier situé à Chalette-sur-Loing et qu'après l'obtention d'un permis de démolir et d'un permis de construire, elle a édifié trois appartements qu'elle a vendus le 4 octobre 2010, le 6 novembre 2010 et le 25 janvier 2011 ; qu'il résulte des statuts, signés le 11 décembre 2000 lors de la constitution de la société, que celle-ci avait alors pour objet " - l'acquisition de deux terrains sis à Corquilleroy (...), / - la construction sur ces terrains d'immeubles à usage d'habitation et de garage, / - la vente, en totalité ou par fractions des immeubles construits avant ou après leur achèvement. / - Accessoirement, la location desdits immeubles, / - et généralement, toutes les opérations mobilières ou immobilières ou financières susceptibles de faciliter la réalisation des objets ci-dessus définis, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la Société. " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'activité poursuivie par la SCI au cours de l'année 2009 et en 2010 jusqu'à la modification de ses statuts ait concerné la construction puis la vente de logements bâtis sur les deux terrains situés à Corquilleroy, seuls mentionnés dans ses statuts comme constituant son objet social ; qu'en outre, à compter de la modification de ses statuts, enregistrée au greffe du tribunal de commerce d'Orléans le 2 novembre 2010, la SCI s'est donnée pour objet " l'acquisition, l'administration et la gestion par location de tous immeubles et biens immobiliers - toutes opérations financières, mobilières ou immobilières se rattachant (...) à cet objet " ; qu'ainsi, quelle qu'ait été l'activité effectivement exercée par la société, l'activité de construction d'immeubles en vue de la vente était étrangère à son objet social en 2009, 2010 et 2011 ; qu'au surplus, si les statuts, dans leur rédaction initiale, se réfèrent notamment aux articles du code civil et du code de la construction et de l'habitation en vertu desquels les associés d'une société civile de construction-vente sont tenus de manière indéfinie vis-à-vis des tiers aux dettes de la société, aucune stipulation des statuts, dans leur version issue de la modification intervenue le 2 novembre 2010, ne prévoit la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social ainsi que l'exige le I de l'article 239 ter du code général des impôts ; qu'il suit de là que M. et Mme C...sont fondés à soutenir que, les conditions d'application de cet article n'étant pas remplies, les résultats de la SCI " Le Châtelet " étaient passibles, en application du 2° de l'article 206 du code général des impôts, de l'impôt sur les sociétés et non, ainsi que l'a estimé à tort l'administration, de l'impôt sur le revenu ; que, dès lors, il y a lieu de réduire les bases d'imposition des requérants du montant des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI " Le Châtelet " qui se sont élevés, après application par le vérificateur du coefficient de majoration de 25 % prévu par le 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts à 233 148 euros en 2009, 197 274 euros en 2010 et 111 606 euros en 2011 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...sont fondés à demander la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 ;
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
5. Considérant qu'après avoir estimé que le recours à la demande d'éclaircissements ou de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales avait, s'agissant de l'année 2011, entaché la procédure d'imposition d'irrégularité, le tribunal a considéré que, s'agissant de l'année 2010, l'administration était fondée à adresser une telle demande aux requérants mais que les revenus taxés d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée devaient être diminués des sommes correspondant aux factures de la SCI " Le Château blanc " dont l'administration n'avait pas établi qu'elles avaient été acquittées au cours de l'année 2010 ; qu'il a prononcé en conséquence la décharge des suppléments d'imposition résultant de cette diminution des bases d'imposition ; que, pour demander la décharge des suppléments d'imposition restant en litige fondés sur ce chef de redressement, M. et Mme C... renvoient à leurs écritures de première instance sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau ; que, dès lors, ces moyens, tirés de ce que l'administration ne disposait pas d'éléments suffisants pour adresser aux contribuables une demande d'éclaircissements ou de justifications et que les sommes qu'elle a imposées ne correspondent pas à des revenus d'origine indéterminée, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 à raison de la réintégration dans leurs bases d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par la SCI " Le Châtelet " et majorés de 25 % ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et MmeC... et non compris dans le dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition de M. et Mme C...à l'impôt sur le revenu sont réduites de 233 148 euros en 2009, 197 274 euros en 2010 et 111 606 euros en 2011.
Article 2 : M. et Mme C...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011 résultant de la réduction des bases d'imposition mentionnées à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 septembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme C...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme A...et Canan C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- Mme Chollet, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
K. Bougrine Le président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT03540