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19/04/2018 | FRANCE | N°16NT03895

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 avril 2018, 16NT03895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest (ETPO) a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1406987 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2016 et 1er juin 2017, la

SA Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest, représentée par la Selarl Lexawik, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest (ETPO) a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1406987 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2016 et 1er juin 2017, la SA Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest, représentée par la Selarl Lexawik, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'en considérant que seuls deux établissements étaient situés dans la zone de recherche et développement EMC 2 concernée par la réclamation, le tribunal administratif s'est mépris sur l'éligibilité des établissements de la société à l'avantage fiscal de l'article 44 undecies du code général des impôts ;

- le jugement doit être annulé dès lors que le tribunal n'a pas épuisé son pouvoir juridictionnel en se contentant de rappeler que l'administration n'avait pas pu procéder aux vérifications nécessaires à la satisfaction de sa réclamation ;

- en s'abstenant de déterminer lui-même les éléments nécessaires à la quantification de la décharge qu'elle réclame, le tribunal a méconnu son office ;

- elle a fourni la totalité des informations nécessaires à l'instruction de sa réclamation ;

- elle remplit les deux critères auxquels le 1 du I de l'article 44 undecies du code général des impôts subordonne le bénéfice de l'exonération, à savoir mener un projet de recherche et de développement et la localisation dans une zone spécifique ;

- les appuis financiers publics dont elle a bénéficié, qui ont le caractère de remboursement de prix en vertu des instructions BOI 4 A-2-09 n°17 du 16 février 2009 et BOI BIC CHAMP 80-10-40-2013-02-05 et 4 A-9-04, ne doivent pas être retranchées de l'assiette de calcul de l'exonération sollicitée ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen relatif aux produits susceptibles de rétrécir l'assiette de l'avantage fiscal ;

- les subventions sont exclues du calcul des aides de minimis en conformité avec l'article 2 du règlement CE n°1998/2006 du 15 décembre 2006 ;

- les aides qu'elle a perçues n'excèdent pas les plafonds communautaires de 500 000 euros en 2010 et 200 000 euros en 2011 et 2012.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 avril 2017 et 22 novembre 2017, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société peut bénéficier d'un montant maximum d'aides de minimis de 461 279 euros au titre de la période en litige ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SA Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest (ETPO), qui a pour activité la construction d'ouvrages d'art, a sollicité, par courrier du 20 décembre 2013, le bénéfice du régime d'exonération d'impôt sur les sociétés prévu par l'article 44 undecies du code général des impôts au titre des bénéfices réalisés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Après le rejet, par décision du 24 juin 2014, de sa réclamation, elle a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Elle relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le fait, pour le juge de première instance, d'écarter à tort un moyen comme non fondé ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi d'un moyen en ce sens. Il appartient seulement à ce dernier, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel qui est résulté de l'introduction de la requête, en répondant à l'argumentation dont il est saisi, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen écarté, puis, le cas échéant, sur les autres moyens invoqués en appel. Par suite, si la SA ETPO fait valoir que les premiers juges se sont mépris sur l'éligibilité de ses établissements au dispositif de l'article 44 undecies du code général des impôts, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle, n'affecte pas sa régularité.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'exclusion, pour le calcul du montant de l'exonération d'impôt sur les sociétés, des subventions publiques perçues au motif qu'elles ont le caractère de remboursement de prix n'a pas été invoqué devant les premiers juges. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre d'une omission à statuer ou d'une insuffisance de motivation s'agissant de ce moyen.

4. En troisième lieu, le tribunal a rejeté la requête de la SA ETPO aux motifs, s'agissant du bien-fondé de l'imposition, que la société n'avait pas fourni les éléments permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable des activités relatives au projet DECID2 des établissements d'Orvault et de Nantes, en dépit du fait que la condition de participation effective au projet de recherche soit remplie. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne s'est donc pas déchargé, par le jugement attaqué, sur l'administration fiscale, du soin d'apprécier si la société pouvait bénéficier du régime d'exonération dont elle revendiquait le bénéfice. Par ailleurs, si les dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative permettent au rapporteur chargé de l'instruction d'une affaire de demander aux parties de produire toute pièce utile à la formation de jugement pour rendre sa décision, elles ne lui imposent pas pour autant d'inviter les parties à justifier du bien-fondé de leur argumentation. Le tribunal, qui a fondé sa décision sur les seules pièces versées au dossier par les parties, n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité en s'abstenant de demander la production des pièces dont il constatait la carence. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal n'a pas complètement rempli la mission juridictionnelle qui était la sienne.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il incombe au contribuable de démontrer le caractère exagéré d'une imposition établie d'après les bases indiquées dans sa déclaration. Les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ayant été établies d'après les bases portées dans ses déclarations, il incombe à la SA ETPO d'en établir le caractère exagéré.

6. L'article 44 undecies du code général des impôts alors en vigueur dispose que : " I.-1. Les entreprises qui participent, au 16 novembre 2009, à un projet de recherche et de développement et sont implantées dans une zone de recherche et de développement, tels que mentionnés au I de l'article 24 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004), sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices qu'elles y réalisent au titre des trois premiers exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires, cette période d'exonération totale des bénéfices réalisés ne pouvant excéder trente-six mois. / Les bénéfices réalisés au titre des deux exercices ou périodes d'imposition bénéficiaires suivant cette période d'exonération ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant. / 2. La période au cours de laquelle s'appliquent l'exonération totale puis les abattements mentionnés au 1 s'ouvre à compter du début du mois au cours duquel intervient le démarrage par cette entreprise des travaux de recherche dans le projet de recherche et prend fin au terme du cent dix-neuvième mois suivant cette date. Si l'entreprise prétendant au régime prévu par le présent article exerce simultanément une activité dans une ou plusieurs zones de recherche et de développement et une autre activité en dehors de ces zones, elle est tenue de déterminer le résultat exonéré en tenant une comptabilité séparée retraçant les opérations propres à l'activité éligible et en produisant pour celle-ci les documents prévus à l'article 53 A. (...) ".

7. Il est constant que la SA ETPO exerçait simultanément une activité en zone de recherche et développement et une autre activité en dehors de ces zones, notamment à Dol-de- Bretagne. Par conséquent, conformément aux dispositions du 2 du I de l'article 44 undecies du code général des impôts, elle était tenue de déterminer le résultat pour lequel elle sollicitait une exonération en tenant une comptabilité séparée retraçant les opérations propres à l'activité éligible et en produisant les documents prévus à l'article 53 A du code général des impôts. L'absence de comptabilité séparée et de production de ces déclarations fiscales distinctes constitue un motif de nature à justifier le rejet de la demande d'exonération.

8. La SA ETPO a sollicité le bénéfice du régime de l'article 44 undecies du code général des impôts compte tenu de sa participation au projet DECID 2 et de son implantation dans la zone de recherche et de développement du pôle de compétitivité EMC2. Cette demande impliquait qu'elle détermine le résultat exonéré en tenant une comptabilité séparée retraçant les opérations propres aux établissements de Nantes et d'Orvault et en produisant pour ceux-ci les documents prévus à l'article 53 A du code général des impôts. En se bornant à produire un tableau faisant état, pour chacun de ses établissements, du seul montant du bénéfice au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que deux tableaux mentionnant, sans distinction des opérations propres à l'activité éligible, des produits mentionnés au II de l'article 44 undecies et des aides publiques reçues, la SA ETPO n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle satisfait à l'ensemble des conditions prévues à cet article pour bénéficier du régime d'exonération et, par suite, du caractère exagéré des impositions mises à sa charge.

9. Il résulte de tout de qui précède que la SA ETPO n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA ETPO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Entreprise de Travaux Publics de l'Ouest et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 avril 2018.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16NT03895 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03895
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : LEXAVIK

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-19;16nt03895 ?
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