Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Napoli Pizza a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1502308 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a prononcé la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts (article premier) et a rejeté le surplus de la demande (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2017 et 14 décembre 2017, l'EURL Napoli Pizza, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause le caractère probant et régulier de sa comptabilité dès lors qu'elle a, conformément aux exigences requises par la jurisprudence et aux obligations mentionnées dans le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 et la réponse ministérielle Francou du 19 janvier 1982, mis à la disposition du vérificateur le livre de caisse, les feuilles d'agenda, les tickets Z, les remises en banque et ses relevés permettant le recoupement entre les recettes encaissées et celles déclarées ;
- la note du 21 octobre 1954 n°113 admet que, pour le commerce de détail, l'enregistrement global des recettes en fin de journée ne suffit pas à lui seul à faire écarter la comptabilité présentée ;
- la reconstitution de recettes ne prend pas en compte les conditions d'exploitation de l'activité de pizzeria dès lors que, compte tenu du caractère saisonnier de cette activité, son activité ne saurait excéder une moyenne de 103 couverts par jour ; l'administration fiscale n'a pas tenu compte, pour la détermination du prix de revient des plats, du coût de certains ingrédients ; les quantités retenues ne sont pas en adéquation avec les quantités réellement utilisées dans l'élaboration des plats ; il n'a pas été tenu compte de la salade niçoise, de la salade de gésiers, de la salade trois fromages, de la pizza taormina, de la pizza parma, des lasagnes ainsi que des bouteilles de San Pellegrino alors que ces produits figurent parmi les plus vendus ; le prix de revient moyen par catégorie a été déterminé sans prorata en fonction du pourcentage de ventes du produit de la catégorie ; le taux de 10% pour pertes, casse et offerts est insuffisant ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires des ventes à emporter est fondée sur un taux de perte insuffisant ;
- le vérificateur n'a pas, en méconnaissance du point 4 de l'instruction 4 G-3343 du 15 mai 1993, pris en compte la totalité des renseignements qu'elle a fournis ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées en l'absence d'omission ou d'insuffisance de déclaration.
Par deux mémoires, enregistrés les 13 septembre 2017 et 21 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'EURL Napoli Pizza.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Napoli Pizza, qui exerce une activité de restauration, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, par proposition de rectification du 29 juin 2010, l'administration fiscale a reconstitué son chiffre d'affaires et en a tiré les conséquences en lui notifiant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Ces rectifications ont également été assorties de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts et la majoration de 100 % prévue par l'article 1759 du même code. Après procédure contradictoire et saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui a examiné le désaccord en sa séance du 22 septembre 2011, les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 8 novembre 2011. Après le rejet, par décision du 12 octobre 2015, de sa réclamation préalable, l'entreprise a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen la décharge de ces impositions et pénalités. Elle relève appel du jugement du 2 mars 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande.
Sur le rejet de la comptabilité :
2. L'article 54 du code général des impôts dispose que : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". Le paragraphe I de l'article 286 du même code dispose que : " Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat (...) Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois (...) ".
3. Le vérificateur a considéré la comptabilité comme dépourvue de valeur probante en l'absence, pour les deux établissements gérés par l'Eurl Napoli Pizza, de pièces justificatives de recettes, les tickets Z présentés ne comportant que le total du chiffre d'affaires du jour, le total du chiffre d'affaires au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, le total du chiffre d'affaires au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée et le nombre de clients dès lors que leur partie basse contenant le détail des opérations de la journée n'était pas conservée. Si l'entreprise se prévaut du fait qu'elle a mis à disposition du vérificateur divers éléments permettant le recoupement entre les recettes encaissées et les recettes déclarées, elle ne conteste pas que sa comptabilité ne présentait et ne justifiait d'aucun détail des recettes journalières. Les pièces qu'elle dit avoir mises à la disposition du vérificateur, consistant en livre de caisse, feuilles d'agenda reconstituées au moyen des tickets Z, remises en banque et relevés, ne sauraient pallier cette carence. La circonstance que le plan comptable général autoriserait une pièce justificative unique pour des opérations de même nature ou la récapitulation mensuelle des totaux des opérations réalisées est sans incidence sur l'obligation pour la société requérante d'apporter par tout moyen la preuve du détail et de la consistance des recettes portées globalement en comptabilité. En l'absence de tout justificatif de recette, l'administration fiscale a pu, à bon droit et pour ce seul motif, qualifier la comptabilité de non probante.
4. Si la requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle Francou, publiée au Journal officiel du Sénat du 19 janvier 1982, qui admet que les commerçants détaillants simplifient leurs écritures en enregistrant sur le livre de caisse les recettes en espèces et en chèques, cette réponse, qui précise par ailleurs qu'en cas de contrôle les contribuables doivent fournir tout justificatif de recettes ou de dépenses, ne contient pas d'interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application. Par ailleurs, si la note du 21 octobre 1954 (n° 113), dispense les contribuables d'enregistrer le détail de leurs recettes de faible montant, c'est à la condition qu'ils soient en mesure de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes globalisées portées en comptabilité.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires :
5. L'article L. 192 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) ".
6. La comptabilité de l'entreprise comportant de graves irrégularités et l'imposition ayant été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires du Calvados qui a examiné le litige en sa séance du 22 septembre 2011, la charge de la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires résultant de cette reconstitution incombe à la requérante, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales. Le contribuable, à qui incombe, comme en l'espèce, la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par le service, peut, lorsqu'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable et démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour certains montants, à une exagération des bases d'imposition, soit soumettre à l'appréciation du juge de l'impôt une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode utilisée par l'administration.
7. Il ressort de la proposition de rectification du 29 juin 2010 que, pour reconstituer les bases imposables de l'EURL Napoli Pizza, le vérificateur a, après avoir pesé les éléments permettant leur composition, reconstitué le coût de revient de trente-quatre plats vendus par l'entreprise puis, à partir de ces données, le chiffre d'affaires après application d'un taux de marge moyen et d'un taux de casse, perte et offerts.
8. En premier lieu, dès lors qu'aucun élément n'est produit au dossier pour justifier que la réalité de l'exploitation de la pizzeria est variable selon les saisons de sorte que le taux d'occupation moyen est de 103 couverts par jour, l'entreprise n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution des recettes serait viciée dans la mesure où elle ne tiendrait pas compte des conditions réelles d'exploitation tenant aux variations saisonnières d'activité.
9. En deuxième lieu, alors que les quantités d'ingrédients retenues pour le calcul du prix de revient des plats servis par l'EURL Napoli Pizza ont été débattues contradictoirement avec le gérant lors du contrôle et consignées de manière très précise dans l'attestation du 10 mars 2010, la requérante n'apporte aucun élément justifiant des quantités dont elle demande la prise en compte.
10. En troisième lieu, l'EURL Napoli Pizza n'est pas fondée à soutenir que la méthode de reconstitution est viciée en l'absence de pondération en fonction du nombre de produits vendus dès lors que, d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la comptabilité ne présentait aucun détail des ventes journalières et, d'autre part, aucun élément n'est produit à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il n'a pas été tenu compte des plats, pizzas, salades et boissons figurant parmi les plus vendus.
11. En quatrième lieu, si la requérante critique les taux d'offerts, pertes et casse retenus par l'administration fiscale, elle ne produit aucun élément justifiant de la valeur des taux dont elle demande l'application, alors, par ailleurs, que la consommation du personnel a été prise en compte à hauteur des données présentées par l'entreprise.
12. En cinquième lieu, si l'entreprise fait valoir à juste titre que le vérificateur n'a pas tenu compte d'éléments tels qu'épices, moutarde, oignons, vinaigre, huiles, huile de cuisson ou sauces, ces circonstances ne suffisent pas à établir le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de la méthode retenue qui tient compte des données propres à l'entreprise dans toute la mesure où elles ont pu être connues et reconstituées par l'administration.
13. Enfin, l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3342 n° 4, qui précise que les renseignements donnés par les contribuables doivent être retenus s'ils sont jugés acceptables, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
14. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (/) a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
15. L'administration établit l'intention délibérée d'éluder l'impôt en invoquant l'absence de justificatif des recettes sur l'ensemble de la période vérifiée, l'importance des minorations des recettes déclarées, qui représentent, respectivement, 40%, 71% et 55% des chiffres d'affaires déclarés en 2007, 2008 et 2009 ainsi que le caractère répété de ces manquements dont l'entreprise ne pouvait ignorer l'existence et l'ampleur. Elle était donc fondée à appliquer aux impositions établies à raison des minorations de recettes la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Napoli Pizza n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Napoli Pizza est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Napoli Pizza et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT01259
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