Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 10 octobre 2017 par lesquels la préfète de la Loire-Atlantique a décidé d'une part son transfert en Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile et d'autre part son assignation à résidence.
Par un jugement n° 1709053 du 13 octobre 2017 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2018, M. A...D...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique l'a assigné à résidence dans ce département pendant une durée de quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de prendre en charge sa demande d'asile, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai d'une semaine à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C...de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que les informations prévues par ces dispositions ne lui ont pas été communiquées dans une langue qu'il comprend ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 5 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen des risques qu'il encourt en cas de retour en Italie au regard des stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 33 de la convention de Genève ;
- il méconnaît les dispositions des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;
en ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
- l'illégalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes entraîne l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence.
Par un courrier, enregistré le 24 mai 2018, la préfète de la Loire-Atlantique a informé la cour que M. D...B...est considéré comme en fuite et que l'échéance du délai d'exécution de la décision de transfert se trouve ainsi reportée jusqu'au 2 avril 2019.
M. D...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B..., ressortissant soudanais né le 1er janvier 1993, a déposé une demande d'asile en France le 28 juillet 2017 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que celui-ci avait franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 24 mars 2017. La demande de prise en charge de M. D...B...formée par la préfète de la Loire-Atlantique auprès des autorités italiennes le 31 juillet 2017 a été implicitement acceptée le 2 octobre 2017. Le 10 octobre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a décidé d'une part de remettre l'intéressé aux autorités italiennes et d'autre part de l'assigner à résidence. M. D...B...relève appel du jugement du 13 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...)".
3. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. D...B...s'est vu remettre, le 28 juillet 2017, le " guide du demandeur d'asile en France " et les brochures " j'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne- quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A) et " Je suis sous procédure Dublin- qu'est ce que cela signifie ' " (brochure B) en langue arabe. Il ressort du compte rendu de l'entretien que celui-ci a été réalisé, en lien téléphonique avec un interprète en arabe qui a traduit au requérant, qui n'a alors pas signalé de difficultés de compréhension, les informations contenues dans le guide et les brochures A et B. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". Selon l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'entretien réalisé le 28 juillet 2017 a été assuré par un agent habilité de la préfecture qui doit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, être regardé comme qualifié pour le mener, les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'exigeant pas que le compte rendu de l'entretien précise le grade, la fonction ou autres qualités de l'agent de la préfecture qui le mène. Il ressort également des pièces du dossier que lors de cet entretien le requérant a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue arabe, appartenant à la société ISM interprétariat, qui est agréée par le ministère de l'intérieur et présente donc toutes les garanties de sérieux et de qualité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, selon l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Par ailleurs, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. D...B...et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris sans examen personnalisé et violerait les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
8. D'autre part, si le requérant fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, il n'est toutefois pas établi que cette seule circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si le requérant fait valoir que son état de santé s'oppose à un transfert en Italie sans plus de précision, cette circonstance ne suffit pas à démontrer qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un état membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la commission de l'Union européenne n'a aucunement suspendu les transferts vers l'Italie des demandeurs d'une protection internationale dans le cadre du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
9. Il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. D...B...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
La rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterLe président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00829
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