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28/01/2019 | FRANCE | N°18NT00689

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 janvier 2019, 18NT00689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé de sa remise aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 1703304 du 5 octobre 2017, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2018, MmeB..., représentée par Me D..., doit être regard

ée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du 5 octobre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé de sa remise aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 1703304 du 5 octobre 2017, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2018, MmeB..., représentée par Me D..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du 5 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a décidé de sa remise aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente de cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen selon lequel l'arrêté contesté méconnait l'article 11 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce que le plus grand nombre des membres de sa famille se trouvent en France ;

- en décidant de la remettre aux autorités polonaises alors que sa fille est réfugiée en France et qu'il n'a pas été encore statué sur la demande d'asile de son fils, le préfet d'Indre et Loire a porté une atteinte à son droit de mener une vie familiale normale et de bénéficier des garanties qui s'attachent au droit d'asile ;

- des raisons humanitaires conduisent à son maintien sur le territoire français en application des articles 15 et 16 du règlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, la préfète d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé et informe la cour de la prolongation des délais de transfert de l'intéressée à 18 mois pour cause de fuite.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante de nationalité russe, a déclaré être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 23 avril 2017. Elle a présenté le 16 mai 2017 une demande d'asile auprès du préfet du Loiret. A cette occasion, ses empreintes digitales ont été relevées et il est apparu qu'elles avaient été enregistrées en Pologne le 5 avril 2017. Une attestation de demande d'asile relevant de la " procédure Dublin" lui a alors été délivrée. L'autorité préfectorale a demandé, le 6 juin 2017 auprès des autorités polonaises, la prise en charge de l'intéressée sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé. A la suite de l'accord donné par ces autorités le 8 juin 2017, le préfet d'Indre-et-Loire a, par un arrêté du 5 septembre 2017, décidé la remise de Mme B...aux autorités polonaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisi par Mme B...d'une demande d'annulation de cet arrêté, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qui est allégué, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal s'est expressément prononcé sur le moyen soulevé en première instance tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait l'article 11 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, en relevant notamment qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la requérante remplissait les conditions des articles 8, 11 et 16 du règlement et que la fille de la requérante, réfugiée en France, ait exprimé le souhait par écrit de voir la demande d'asile de Mme B...examinée par la France. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit une procédure familiale : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou soeurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même Etat membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'Etat membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'Etat membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : / a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et soeurs mineurs non mariés, l'Etat membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; / b) à défaut, est responsable l'Etat membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux ". Le g) de l'article 2 dudit règlement indique que les " membres de la famille " au sens des dispositions précitées concernent le conjoint du demandeur ou ses enfants mineurs.

4. D'autre part, aux termes de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Personnes à charge - 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des Etats membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un Etat membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les Etats membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. 2. Lorsque l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère visé au paragraphe 1 réside légalement dans un Etat membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'Etat membre responsable est celui dans lequel l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère réside légalement, à moins que l'état de santé du demandeur ne l'empêche pendant un temps assez long de se rendre dans cet Etat membre. Dans un tel cas, l'Etat membre responsable est celui dans lequel le demandeur se trouve. Cet Etat membre n'est pas soumis à l'obligation de faire venir l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère sur son territoire. ".

5. En premier lieu, si la requérante se prévaut de la présence en France de sa fille, Mme E...B..., arrivée sur le territoire le 9 août 2012 et ayant obtenu le statut de réfugié le 7 janvier 2014 et de son fils, M.C..., ayant demandé l'asile le 7 septembre 2017 et dont la demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2018, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée au regard de l'application des dispositions de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 citées, dès lors qu'il est constant que Mme E... B...et M. C... étaient majeurs à la date de leur demande d'asile et que les intéressés n'ont pas déposé une demande d'asile simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées, pour que les procédures de détermination de l'Etat membre responsable puissent être conduites conjointement. Ensuite, si la requérante, âgée de 59 ans, fait également valoir qu'elle a besoin du soutien de ses enfants se trouvant déjà sur le territoire français, elle ne produit aucun élément attestant de sa dépendance vis-à-vis d'eux, alors qu'elle a vécu en Russie jusqu'en avril 2017 et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que MmeB..., mère de cinq enfants majeurs, dont seulement deux se trouvent en France, entretiendrait des liens familiaux étroits avec ses enfants présents sur le territoire. Enfin, il ne ressort pas de pièces du dossier que l'intéressée et sa fille aient exprimé le souhait par écrit de voir la demande d'asile de Mme B...examinée par la France, ainsi que l'impose les dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n°604/2013. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaitrait ces dernières dispositions.

6. En second lieu, si la requérante a entendu se prévaloir de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, elle ne fait valoir aucune circonstance humanitaire particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller.

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00689


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00689
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET ESNAULT-BENMOUSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-28;18nt00689 ?
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