Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a décidé sa remise aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Loir-et-Cher pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1800299 du 29 janvier 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er mars 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du 29 janvier 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés précités du 19 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du point 4 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le nom de la personne qui a mené l'entretien prévu au point 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas mentionné de sorte qu'il est impossible de vérifier le respect de ces dispositions ;
- la décision de remise aux autorités bulgares est contraire aux dispositions de l'article du point 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'illégalité de l'arrêté portant transfert vers la Bulgarie a privé de base légale celui portant assignation à résidence.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Loir-et-Cher, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Les parties ont été informées le 11 janvier 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que ce délai aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article, ni que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 29 janvier 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a décidé sa remise aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département du Loir-et-Cher pour une durée de quarante-cinq jours.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué en ce qui concerne cette décision :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. Il ressort des dispositions précitées que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours suspensif, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle statuant sur ce recours.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Loir-et-Cher pour procéder à l'exécution du transfert de M. C...vers la Bulgarie a été interrompu par la saisine de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans. Ce délai a recommencé à courir à compter du jugement du 29 janvier 2018 rendu par cette dernière et n'a fait l'objet d'aucune prolongation. Par suite, la décision de transfert est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation du jugement du 29 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 19 janvier 2018 portant transfert vers la Bulgarie.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :
5. En soutenant que l'illégalité de l'arrêté portant transfert vers la Bulgarie a privé de base légale celui portant assignation à résidence, M. C...entend exciper de l'illégalité de cette décision.
6. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
7. L'entretien individuel de M.C..., prévu à l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, s'est déroulé le 11 octobre 2017 à la préfecture de Seine-et-Marne. Il ressort des pièces du dossier que lors de cet entretien, le requérant a bénéficié des services d'un interprète en langue pachtou, qu'il a déclaré parler et comprendre. L'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. C...de la garantie tenant au bénéfice de celui-ci et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
8. En second et dernier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
9. Le requérant n'établit pas, par les documents mentionnés dans ses écritures et notamment le rapport d'Amnesty international relatif à la Bulgarie pour l'année 2017/2018 produit en appel, qu'au jour de la décision contestée, soit le 19 janvier 2018, les autorités bulgares n'auraient pu traiter sa demande d'asile, consécutivement à la procédure de transfert depuis la France dont il est l'objet, dans le respect du droit d'asile, en raison de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs et qu'il aurait été, en conséquence, exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées du point 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 19 janvier 2018 prononçant son transfert vers la Bulgarie à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence. Par suite, c'est à juste titre que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le surplus des conclusions :
11. Eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C...ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert du 19 janvier 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT00941