Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 1802432 du 9 juillet 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 9 juillet 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 3 juillet 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté portant transfert vers l'Italie est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 dans la mesure où il doit poursuivre son traitement médical en France ;
- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article 10 du même règlement dès lors que l'administration n'a pas obtenu d'accord express de l'Italie pour sa reprise en charge ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant transfert.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet de Loir-et-Cher, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Les parties ont été informées le 24 janvier 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que ce délai aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article, ni que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 9 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2018 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. Il ressort des dispositions précitées que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours suspensif, il recommence à courir à compter de la notification de la décision juridictionnelle statuant sur ce recours.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Loir-et-Cher pour procéder à l'exécution du transfert de M. A...vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif d'Orléans. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification au préfet du jugement du 9 juillet 2018 rendu par le magistrat désigné de ce tribunal et n'a fait l'objet d'aucune prolongation. Par suite, la décision de transfert est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation du jugement du 9 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 juillet 2018 portant transfert vers l'Italie.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :
5. M. A...soutient que l'arrêté portant assignation à résidence est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté portant transfert vers l'Italie.
6. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.". (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, selon l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Enfin, la mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ainsi qu'à la lumière des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni a des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces textes que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe, dans le 1° de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, laquelle procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, notamment lorsqu'il estime que les conditions prévues par le 2° de l'article 3 du règlement sont remplies.
8. M. A...se prévaut de deux certificats médicaux établis par le même médecin généraliste, le premier, le 4 juillet 2018, indiquant que " le patient souffre d'altérations digestives et de problèmes musculaires dans son bras droit ", et le second, dont la date est illisible, précisant que " le patient souffre d'incapacité pour maladie qui l'empêche de retourner (...) pays et il doit continuer ses soins et traitements en France ". Une ordonnance prescrivant des médicaments anti-inflammatoires, antalgiques, antispasmodiques ou contre les rhinites et la toux est jointe au premier certificat. Toutefois, ces documents, dont le caractère falsifié peut être suspecté pour le second, ne suffisent à établir que la demande d'asile de l'intéressé serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage du dossier que l'intéressé serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence serait dépourvu de base légale à raison de l'illégalité de l'arrêté portant transfert qui aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, aux termes de l'article 10 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si le demandeur a, dans un Etat membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet Etat membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". M. A...ne fait pas état de la présence en France d'un membre de sa famille qui y aurait présenté une demande de protection internationale. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté de transfert vers l'Italie à raison de la méconnaissance de ces dispositions.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert contestée, la France est l'Etat membre responsable de la demande d'asile présentée par M.A..., le présent arrêt, qui prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert présentées par ce dernier, n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...dirigées contre l'arrêté du 3 juillet 2018 portant transfert vers l'Italie.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 juin 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02867