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16/06/2020 | FRANCE | N°18NT03482

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 juin 2020, 18NT03482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1601318 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 septembre 2018 et le 8 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la co

ur :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juillet 2018 ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1601318 du 5 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 septembre 2018 et le 8 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 juillet 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel la garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé un blâme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration en ce qu'il n'indique ni les nom et prénom ni la qualité du signataire et ne permet pas d'identifier l'auteur de la décision ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière :

* le conseil de discipline n'a pas été valablement saisi dans la mesure où le rapport de saisine de cette instance ne mentionne pas la date à laquelle il a été établi ;

* le conseil de discipline ne s'est pas prononcé dans le délai d'un mois à compter de sa saisine, en méconnaissance de l'article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- les faits reprochés ne sont pas établis et ne sont, en toute hypothèse, pas fautifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., avocate de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., chef de service éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) affecté à l'unité éducative de milieu ouvert de Saint-Brieuc, relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé un blâme.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne notamment qu'il est reproché à M. C... des manquements importants au devoir de réserve et un comportement nuisant à l'image de l'institution. La décision précise que plusieurs courriers reçus émanant du corps judiciaire ont alerté la hiérarchie de l'agent sur le comportement inadapté et les propos déplacés tenus par l'intéressé en audience publique du tribunal pour enfants, en présence des magistrats et des mineurs. Enfin, la décision en cause pointe également des manquements professionnels importants dans la prise en charge d'un mineur. L'arrêté en cause vise la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984. Dans ces conditions, l'arrêté contesté comporte les éléments de droit et les considérations circonstanciées de fait sur lesquels il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) "

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, notifié à l'intéressé le 2 octobre 2015, comporte la mention lisible des nom, prénom et qualité de son auteur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

5. En troisième lieu, le moyen selon lequel la sanction litigieuse aurait été prononcée à l'issue d'une procédure irrégulière est rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : (...) / - le blâme. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. D'une part, il est reproché par le ministre à M. C... des manquements importants au devoir de réserve et un comportement nuisant à l'image de l'institution. Plusieurs courriers émanant du corps judiciaire auraient alerté la hiérarchie de l'agent sur le comportement inadapté et les propos déplacés tenus par ce dernier en audience publique du tribunal pour enfants en présence des magistrats et des mineurs. M. C... adopterait un comportement irrespectueux de l'autorité hiérarchique, pouvant se montrer agressif et provoquant. Il est enfin reproché à l'intéressé des manquements professionnels importants dans la prise en charge d'un mineur, de s'être abstenu de transmettre en temps utile des informations essentielles sur la situation dudit mineur qui auraient permis d'éviter une incarcération de ce dernier. D'autre part, M. C... ne discute pas la proportionnalité de la sanction prononcée mais soutient que le blâme qui lui est infligé n'est pas justifié dans la mesure où il repose sur des faits qui, soit ne sont pas établis, soit ne sont, en toute hypothèse, pas fautifs.

En ce qui concerne les manquements au devoir de réserve :

8. Il ressort des pièces du dossier que, par deux lettres des 25 février et 25 juin 2014 adressées à la hiérarchie du requérant, des magistrats judiciaires du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ont dénoncé des remarques inappropriées faites par l'intéressé dans la salle d'audience du tribunal pour enfants les 5 février et 4 juin 2014 à la suite de décisions rendues par cette juridiction à l'issue de son délibéré. D'une part, selon ces courriers, M. C..., qui représentait le service de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre de l'audience du 5 février 2014 du tribunal pour enfants venant de condamner un mineur à une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, s'est adressé aux personnes encore présentes dans la salle d'audience (mineur, mère, beau-père, victimes, avocats, éducateurs...) en ces termes : " l'Etat [n'a] plus les moyens de s'occuper de ses enfants (...) " et que " (...) ce [serait] de plus en plus le cas (...) ". D'autre part, le 4 juin 2014, après que le tribunal pour enfants a prononcé une peine de 40 heures de travail d'intérêt général, M. C... s'est adressé aux membres de cette juridiction en leur indiquant que la durée hebdomadaire de travail était de 35 et non de 40 heures, en présence du mineur condamné. En se bornant à soutenir qu'il ne s'est pas adressé le 5 février 2014 à l'ensemble des personnes encore présentes dans la salle d'audience, les audiences étant tenues par le tribunal pour enfants à huis clos, que ces propos auraient été tenus en aparté, sur un ton bas, au moment ou la salle se vidait, alors même que ces propos ont été tenus sur un ton suffisamment élevé pour que les magistrats dénonçant ces propos aient pu les relever, le requérant ne conteste par sérieusement la réalité des faits reprochés. La circonstance que ces propos auraient été une réponse au comportement provocateur de l'un des assesseurs, sans être désobligeants ou outranciers, est sans incidence sur la matérialité des faits dont il s'agit. Il n'est en outre pas contesté que le requérant a, le 4 juin 2014, fait observer à une magistrate au sujet des travaux d'intérêt généraux prononcés à l'encontre d'un mineur que " les travaux d'intérêt généraux par multiple de 35 heures sont plus faciles à mettre en place ", sans y avoir été invité, sans prendre en compte la nécessaire réserve que requiert la participation à l'audience eu égard notamment aux fonctions de l'intéressé, M. C... peut être regardé comme ayant remis en cause les peines prononcées. Par suite, la réalité des manquements reprochés au requérant est établie.

En ce qui concerne les manquements professionnels dans la prise en charge d'un mineur :

9. Il ressort des pièces du dossier que le mineur concerné par le manquement reproché avait été confié au centre d'éducation renforcée de Porspoder (Finistère) par ordonnance du 1er septembre 2014 du juge des enfants et avait pour éducateur référent M. C.... A la suite d'une fugue de ce mineur, le juge des enfants a délivré un mandat d'arrêt à l'encontre de ce dernier, diffusé au fichier des personnes recherchées et au service de police de Saint-Brieuc. Le mineur a ensuite été interpellé en exécution du mandat d'arrêt le 7 octobre 2014 au matin. Selon un courrier adressé par la juge des enfants à la directrice du Service Territorial Educatif de Milieu Ouvert (STEMO) d'Armorique du 17 octobre 2014, cette dernière a été informée téléphoniquement de l'interpellation du mineur lorsqu'elle se trouvait dans les locaux de l'Unité Educative en Milieu Ouvert (UEMO) de Saint-Brieuc le 7 octobre 2014, en présence de l'équipe éducative, dont M. C..., pour une réunion. Alors que la présence des différentes parties à cette réunion n'est pas contestée, que M. C... était informé du mandat d'arrêt délivré à l'encontre du mineur en question, que ce dernier était en formation à l'Agence Nationale pour la Formation Professionnelle des adultes (AFPA) depuis le 1er octobre 2014 et qu'il avait contacté à deux reprises son éducateur référent, une première fois la semaine précédente, puis la veille, pour lui faire part de son entrée en formation et pour lui demander s'il était recherché, M. C... a délibérément omis d'informer la juge des enfants de ces éléments d'informations actualisés. Compte tenu de l'urgence tenant à la situation du mineur pénalement condamné pour fugue, il appartenait à M. C..., éducateur chargé suivi de la mise à l'épreuve de ce mineur, de donner sans délai, le cas échéant oralement, au juge des enfants qui avait délivré à son encontre un mandat d'arrêt, toutes les informations nouvelles en sa possession de nature à avoir une influence sur la décision de placement en détention prise ultérieurement. La circonstance que la réunion du 7 octobre 2014 n'ait pas eu pour objet la situation du jeune mineur est sans influence sur l'omission reprochée. De même, la circonstance que M. C... ait adressé la veille de la réunion, soit le 6 octobre 2014, à la juge des enfants un courrier par la voie hiérarchique pour l'informer des informations détenues, ne saurait justifier l'absence de transmission orale en temps réel des informations détenues à la juge des enfants, eu égard à l'urgence de la situation, alors même qu'aucun élément ne permettait au requérant de supposer que la juge concernée aurait déjà été informée. Dans ces conditions, le manquement de M. C... à ses obligations professionnelles à l'occasion de la prise en charge d'un mineur est également établi.

10. Les manquements relevés précédemment et retenus par la garde des sceaux, ministre de la justice, pour sanctionner M. C... sont matériellement établis et constituent, à eux-seuls, des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé un blâme

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. C... au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03482 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03482
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-16;18nt03482 ?
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