Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société Orange et l'Etat à lui verser une indemnité totale de 420 000 euros en réparation des préjudices de carrière et moral qu'il a subis du fait de son absence de promotion, résultant des fautes commises par les sociétés France Télécom et Orange, et par l'Etat, et d'autre part, de mettre à la charge de la société Orange la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1605208 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Orange à verser à M. B... une somme de 5 000 euros, en réparation de ses différents préjudices, a mis à la charge de cette société la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 octobre 2018 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;
2°) de condamner la société Orange, conjointement et solidairement avec l'Etat, à lui verser les sommes de 15 000 euros, 12 000 euros et 5 000 euros en réparation de ses préjudices de carrière, de retraite et du préjudice moral subis du fait de la gestion fautive de sa carrière ;
3°) de dire que l'indemnité totale de 32 000 euros qui sera mise à la charge solidairement de la société Orange et de l'Etat portera intérêts à compter du 1er décembre 2016 ;
4°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de l'Etat et de la société Orange est engagée du fait de l'absence d'édiction de mesures permettant d'assurer l'avancement de grade des fonctionnaires " reclassés " ; cette responsabilité a été reconnue par le Conseil d'Etat et par plusieurs cours administratives d'appel et tribunaux administratifs ;
- il justifie d'excellentes évaluations et a obtenu une évaluation annuelle favorable à une progression sur des niveaux de fonction supérieure pendant toute la période 1983-2009 ; il a été rappelé à plusieurs reprises qu'il disposait d'un bon potentiel pour accéder au grade supérieur ; il est constant qu'il a été inscrit au tableau national de chef de district (CDIS) avec l'appréciation. " Excellente candidature " en 1990, 1991 et 1992. Il a été bloqué à l'indice terminal de son grade depuis 1999 ; en 1993, il occupait depuis sept ans un poste de chef de secteur et encadrait vingt-quatre agents dont trois avaient une position de maîtrise et deux autres de maîtrise expert ; alors que les premiers se sont vus proposer un niveau de reclassification de II-2 et les seconds de II-3, l'intéressé a eu une proposition de niveau II-3 alors qu'il estime qu'en tant que chef de secteur, il pouvait prétendre à un niveau II-2 ;
- sa carrière est bloquée depuis vingt-cinq ans ; il subit une perte de salaires et de primes qui peut être évaluée à 15 000 euros ; il subit également, de ce fait, une perte de droit à pension qui peut être évaluée à 12 000 euros au total ; il a par ailleurs subi, du fait de l'atteinte portée à ses droits statutaires, des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral pouvant être évalués à 5 000 euros ;
- l'exception de prescription opposée en défense doit être écartée, dans la mesure où il s'agit d'une demande indemnitaire portant sur l'allocation de dommages-intérêts pour perte de chance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2020, l'Etat, représenté par Me E... conclut, à titre principal, au rejet de la requête et subsidiairement à ce que les sommes demandées soient ramenées à plus juste mesure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, la société Orange représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 19 juin 2020, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Des mémoires, présentés pour la société Orange et M. B... ont respectivement été enregistrés les 19 juin et 13 juillet 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;
- le décret n° 54-865 du 2 septembre 1954 modifié ;
- le décret n°76-4 du 6 janvier 1976 ;
- le décret 85-1238 du 25 novembre 1985 ;
- le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., reçu au concours externe de conducteur de travaux des services des lignes en 1977 au sein de France Télécom devenue la société Orange, a été nommé à ce grade en mars 1979. Il a ensuite été reçu au concours de chef de secteur et nommé à ce grade le 15 janvier 1987. Dans le cadre de la réforme mise en place par la loi du 2 juillet 1990, il a opté en faveur de la conservation de son grade et est devenu un fonctionnaire " reclassé ". M. B... est demeuré chef de secteur jusqu'au mois de juin de l'année 2018 où il a été promu au grade de chef de district. Estimant avoir subi un préjudice à raison du blocage de sa carrière, il a, par une lettre du 8 août 2016, adressé une réclamation à la société Orange tendant à obtenir la réparation des préjudices subis du fait de la gestion défectueuse de sa carrière. L'absence de réponse à sa demande a fait naître à la date du 9 octobre 2016 une décision implicite de rejet de sa demande.
2. M. B... a, le 1er décembre 2016, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de la société Orange et de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 420 000 euros en réparation des préjudices de carrière et moral qu'il a subis du fait de son absence de promotion, résultant des fautes commises par les sociétés France Télécom et Orange, et par l'Etat. Il relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel cette juridiction a limité la condamnation de la seule société Orange à lui verser une somme de 5 000 euros tous préjudices confondus et a rejeté le surplus de ses demandes. M. B... qui sollicite la réformation de ce jugement demande désormais la condamnation de la société Orange, conjointement et solidairement avec l'Etat, à lui verser les sommes de 15 000 euros, 12 000 euros et 5 000 euros en réparation de ses préjudices de carrière, de retraite et du préjudice moral subi. La société Orange et l'Etat concluent au rejet de la requête.
Sur la responsabilité de l'Etat et de la société Orange au titre de l'absence de possibilité de promotion interne dans un corps de niveau supérieur :
3. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 29-1 de cette même loi, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : " 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) " et aux termes de l'article 34 : " Le ministre chargé des postes et télécommunications veille, dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi aux exploitants publics (...) ".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 26 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours selon les modalités définies au troisième alinéa (2°) de l'article 19 ci-dessus, mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil. / Chaque statut particulier peut prévoir l'application des deux modalités ci-dessus, sous réserve qu'elles bénéficient à des agents placés dans des situations différentes ".
5. Enfin, aux termes de l'article 58 de cette même loi et des dispositions réglementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade.
6. D'une part, la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de " reclassification ", créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions précitées des articles 26 et 58 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement ". Il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires " reclassés " comme aux fonctionnaires dits " reclassifiés " de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984. Ainsi, France Télécom, devenue la société Orange, a, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés avant le 1er janvier 2002, commis une faute de nature à engager sa responsabilité sans que cette société puisse utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, de la circonstance alléguée qu'aucun emploi ne serait devenu vacant au cours de la période pour permettre de procéder à de telles promotions.
7. D'autre part, le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 résultant de la loi du 26 juillet 1996 que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés ". Par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de " reclassement ", en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002. En faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre des mesures de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après cette date, le président de France Télécom, devenue la société Orange, a ainsi commis une illégalité fautive engageant la responsabilité de cette société. Pour les fonctionnaires " reclassés ", les promotions internes dans un corps supérieur non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de France Télécom, que par l'effet du décret du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom. Ainsi, l'Etat a également commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour édicter les dispositions organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement. La faute de la société Orange retenue au point 6 ainsi que celle de l'Etat, rappelée ci-dessus, sont de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat et de France Télécom, devenue la société Orange, sans que cette société puisse utilement se prévaloir, pour s'exonérer de sa responsabilité, de la circonstance alléguée qu'aucun emploi ne serait devenu vacant au cours de la période pour permettre de procéder à de telles promotions.
8. Il résulte de ce qui précède que France Télécom, devenue la société Orange, et l'Etat, ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité. Toutefois, le préjudice dont M. B... demandait réparation devant le tribunal et qu'il renouvelle en appel ne porte que sur la perte de chance de promotion au grade supérieur, qui est sans lien avec la suppression de possibilités de promotion interne dans un corps de niveau supérieur. Au surplus, le requérant n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir l'existence d'une chance sérieuse de promotion dans un de ces corps, et ne précise d'ailleurs, ni dans quel corps il aurait pu être promu, ni la date à laquelle cette promotion aurait pu intervenir. Dès lors, le lien de causalité entre la faute commise par l'Etat et le préjudice allégué par le requérant n'est pas établi. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat et à la condamnation de celui-ci doivent être rejetées, de même que celles dirigées contre l'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la responsabilité de la société Orange au titre des autres chefs de préjudice allégués par M. B... :
En ce qui concerne l'existence d'une perte de chance de promotion au grade supérieur :
9. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B..., nommé dans le corps de chefs de secteur des lignes en 1987, remplissait en 1993 la condition d'échelon requise par les dispositions de l'article 17 du décret n° 54-865 du 2 septembre 1954, selon lesquelles " Peuvent être nommés chef de district, au choix, par tableau d'avancement, les chefs de secteur ayant atteint au moins le troisième échelon de son grade ". Il ressort également des fiches d'évaluation versées aux débats au titre des années 1990 à 2009, que la manière de servir de M. B... était jugée satisfaisante, puis excellente, que les objectifs fixés étaient atteints, et que, dès l'année 1997, ses responsables ont évoqué, eu égard à son potentiel, l'opportunité d'une évolution vers un niveau supérieur, appréciation qui a été rappelée à plusieurs reprises. Pour la période allant de 2006 à 2008, M. B... a même dépassé les objectifs qui lui étaient fixés. Enfin, il est constant qu'il a été inscrit au tableau national d'avancement au grade de chef de district (CDIS) avec l'appréciation " excellente candidature " en 1990, 1991 et 1992 et qu'il occupait, en 1993, soit depuis sept ans un poste de chef de secteur où il encadrait vingt-quatre agents dont trois avaient une position de maîtrise et deux autres de maîtrise expert. Il soutient à cet égard que les premiers se sont vus proposer un niveau de reclassification de II-2 et les seconds de II-3, alors qu'il a reçu une proposition de niveau II-3, insuffisante selon lui dès lors qu'en tant que chef de secteur, il pouvait prétendre à un niveau II-2, ce qui n'est pas contesté par France Télécom. Ainsi, l'ensemble de ces éléments permet d'établir que M. B..., qui du fait du refus de France Télécom d'établir des tableaux d'avancement, avait été bloqué à l'indice terminal de son grade depuis 1999, a été privé entre 1990 et 2018 d'une chance sérieuse d'être promu au choix au grade de chef de district et a subi de ce fait un préjudice de carrière.
En ce qui concerne le préjudice moral, les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice de retraite allégués :
10. Les fautes commises par France Télécom ont conduit à priver de manière générale les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne. Elles ont ainsi nécessairement causé, de manière directe et certaine, à M. B..., fonctionnaire " reclassé " privé de ce fait de toute perspective d'évolution et qui a multiplié les démarches pour obtenir une promotion, un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence. De même, du fait de préjudice de carrière retenu au point précédent, M. B... est susceptible de subir un préjudice de minoration de retraite de nature à lui ouvrir droit à indemnisation.
Sur l'exception de prescription opposée par la société Orange et par l'Etat :
11. Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles (...) se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Le second alinéa de l'article 2222 du code civil dispose qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, " ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ". En vertu du premier alinéa de l'article 1er du même code, " Les lois (...) entrent en vigueur (...) le lendemain de leur publication au Journal officiel de la République française ". Enfin, la loi du 17 juin 2008 a été publiée au Journal officiel de la République française le 18 juin 2008.
12. La créance indemnitaire relative à la réparation des préjudices invoqués par M. B..., résultant de l'absence d'avancement au grade de chef de secteur, trouve son fait générateur dans l'absence d'organisation par France Télécom de ces voies de promotion interne jusqu'en 2002, puis dans la non-inscription de M. B... au tableau d'avancement pour la période ultérieure jusqu'en 2018 où il a été promu au grade de chef de secteur, et doit être rattachée à chacune des années comprises entre 1993 et 2018 au cours desquelles le préjudice a été subi.
13. Il résulte des dispositions précitées des articles 2222 et 2224 du code civil que le délai de prescription de cinq ans a commencé à courir à la date du 19 juin 2008, pour les créances non encore prescrites à cette date. A la date du 8 août 2016 à laquelle M. B... a adressé à la société Orange une demande indemnitaire, qui a pu interrompre le délai de prescription, la prescription était acquise pour les créances relatives à la période antérieure au 7 août 2011. En revanche, la créance résultant du préjudice subi postérieurement à cette période, s'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ainsi que du préjudice lié à la minoration de sa retraite, et jusqu'au mois 1er mai 2018 seulement, s'agissant du préjudice de carrière, n'est pas prescrite.
Sur les préjudices indemnisables de M. B... :
14. Compte tenu de ce qui vient d'être dit sur l'application de la règle de prescription, il sera fait une juste appréciation du préjudice de carrière subi par M. B... du fait de la perte de chance de bénéficier d'un avancement au grade de chef de secteur jusqu'au 1er mai 2018 en condamnant la société Orange à lui verser une somme de 7 000 euros. Le préjudice moral lié aux troubles subis par M. B... dans ses conditions d'existence ainsi que le préjudice subi lié au montant de la pension à laquelle il aurait pu prétendre peuvent être évalués, compte tenu de l'ensemble des éléments versés au dossier, respectivement aux sommes de 5 000 euros et 12 000 euros. L'indemnité accordée au requérant et qui sera mise à la charge de la société Orange sera ainsi portée à la somme totale de 24 000 euros.
Sur les intérêts :
15. La somme de 24 000 euros que la société Orange est en définitive condamnée à verser à M. B... doit être augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2016, date de réception par la société de sa réclamation préalable.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à obtenir la condamnation de la société Orange à lui verser une indemnité complémentaire de 19 000 euros, cette somme portant intérêts dans les conditions rappelées au point précédent. M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les frais liés au litige :
17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Orange le paiement à M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la société Orange, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, bénéficie d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 5 000 euros que la société Orange a été condamnée à verser à M. B... par le jugement attaqué est portée à 24 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2016.
Article 2 : Le jugement n°1605208 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : La société Orange versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions de la société Orange tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à la société Orange et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 17 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.
Le rapporteur,
O.C...Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT04239 2