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10/09/2020 | FRANCE | N°18NT00096

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 septembre 2020, 18NT00096


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) La Plume du peintre a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011.

Par un jugement n° 1506549 du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 janvier 2018, 27 a

oût 2018 et le 28 avril 2020, la SC La Plume du peintre, représentée par Me C..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) La Plume du peintre a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011.

Par un jugement n° 1506549 du 10 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 janvier 2018, 27 août 2018 et le 28 avril 2020, la SC La Plume du peintre, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) à titre subsidiaire de fixer la valeur vénale de l'action de la SAS A... Henri à 8 500 euros et de prononcer une décharge à hauteur de 330 000 euros en droits et de 36 960 euros en intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales et le principe de subsidiarité de la méthode de valorisation par appréciation directe ;

- l'administration a utilisé la " rente du goodwill " pour déterminer la valeur mathématique dès lors que cette utilisation est remise en cause par les experts ;

- le taux de capitalisation doit être fixée à 13,74 % ; l'administration aurait dû prendre en compte la dette nette de la société par actions simplifiée (SAS) A... Henri dans la détermination de la valeur de productivité ;

- la valeur de rendement n'est pas utile pour une société comme la SAS A... Henri ;

- la marge brute d'autofinancement est obsolète ; le coefficient 9 retenu par l'administration ne repose sur aucun élément de preuve ;

- une décote de minorité aurait dû être appliquée ;

- elle propose, sur la base du rapport d'un expert financier, une méthode des multiples des comparables avec la référence à deux autres sociétés ;

- il y a lieu d'inclure une étude du besoin en fonds de roulement ;

- il y a lieu de prendre en compte le coût du capital comme taux d'actualisation pour appliquer la méthode " DCF " (discounted cash flow) ;

- sa demande de retraitement de la provision de 2,7 millions d'euros doit être prise en compte dans le calcul de l'évaluation directe.

Par des mémoires, enregistrés les 14 juin 2018, 27 mai 2019 et 10 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SC La Plume du peintre ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2020.

Un mémoire pour la SC La Plume a été présenté le 15 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile (SC) La Plume du peintre, qui a pour objet la prise de participations ou d'intérêts dans des sociétés commerciales, industrielles, financières et immobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2012. A l'issue de cette vérification, le service a procédé à une augmentation de son actif net du fait d'un rehaussement de la base d'imposition de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011. Le service a estimé que le prix de cession de 110 actions de la société par actions simplifiée (SAS) A... Henri, détenues par Mme D... A..., directrice administrative et financière de cette société, qui exerce l'activité de fabrication d'outils motorisés de loisirs, à la SC La Plume du Peintre, au prix de 7 455 euros chacune, était sous-évalué et que ce prix de cession devait être regardé comme une libéralité. L'administration a fixé la valeur vénale de l'action de la SAS A... Henri à 17 500 euros. La SC La Plume du peintre a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui en est résultée. Par un jugement du 10 novembre 2017, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une notification de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 80 CA du même livre : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".

3. Dans la proposition de rectification, au demeurant suffisamment motivée, le service a précisé, d'ailleurs à bon droit comme il sera démontré ci-après aux points 6 et 7, qu'en l'absence de comparaison pertinente, la valeur vénale de titres non cotés en bourse doit être déterminée par " appréciation directe ", c'est-à-dire par une combinaison de différents éléments comme la valeur mathématique, la valeur de rendement, la capacité d'autofinancement et les perspectives d'avenir. De ce fait, il n'a pas privé la société requérante de la possibilité de formuler des observations. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 2 doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la cotisation supplémentaire :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise.

5. La valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, elle peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

6. Alors que la société requérante invoque le moyen tiré de la méconnaissance du principe de subsidiarité de la méthode de valorisation par appréciation directe, elle verse un rapport d'un expert financier qui précise que la recherche des transactions n'a pas permis d'identifier des transactions proches de la date de l'opération portant sur des sociétés comparables. Si ce rapport fait référence à une société italienne et une autre allemande ayant des caractéristiques d'activités et de finances proches de la SAS A... Henri, ces références ne sont d'aucune utilité dans la mesure où ces sociétés sont cotées en Bourse. Il suit de là que le vérificateur était en droit de recourir, à défaut de transaction pouvant servir de référence, à une évaluation de l'action de la SAS A... Henri par une appréciation directe de la société, fondée sur son bilan à la clôture du dernier exercice écoulé avant la date de la transaction.

7. Pour évaluer la valeur vénale d'une action de la SAS A... Henri, l'administration a retenu et appliqué la formule suivante : (VM + 2(VP + 2VR + 2MBA)) /5 /3 où VM est la valeur mathématique, VP la valeur de productivité, VR la valeur de rendement et MBA la marge brute d'autofinancement.

8. En premier lieu, s'agissant de la valeur mathématique, la SC La Plume du Peintre reproche à l'administration d'avoir utilisé la " rente du goodwill " pour déterminer cette valeur dès lors que cette utilisation est remise en cause par les experts. Toutefois, le guide de l'évaluation des entreprises établi par l'administration, qui se réfère et synthétise les usages et auquel le juge peut se référer, précise que cette notion est utilisée pour les sociétés industrielles de taille importante comme en l'espèce. Par ailleurs, la société requérante soutient que le taux de rémunération des capitaux propres engagés de 3,18 %, n'est pas majoré d'une prime de risque alors qu'elle doit la prendre en compte et que la base d'actifs est erronée en ce qu'elle tient compte des actifs d'exploitation nets au lieu de leurs valeurs brutes, ce qui conduit à une surestimation du " goodwill " par une sous-estimation du niveau de rémunération des actifs et une surestimation du superbénéfice. Toutefois, d'une part, l'administration fiscale a précisé, sans être sérieusement contestée, notamment en détaillant le calcul du " goodwill " dans la réponse aux observations du contribuable du 22 septembre 2014, que le taux de rémunération des capitaux propres engagés a bien été majoré par une prime de risque de 6% et qu'un coefficient de risque lié à la société de 1.20 a été retenu, d'autre part, il ressort du guide de l'évaluation des entreprises et des titres de sociétés de la direction générale des finances publiques que les capitaux engagés correspondent à l'actif net réévalué hors fonds commercial. Par suite, ces premiers arguments doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, s'agissant de la valeur de productivité, la société soutient que, d'une part, le taux de capitalisation doit être fixée à 13,74% et, d'autre part, l'administration aurait dû prendre en compte la dette nette de la SAS A... Henri. Toutefois, d'une part, il ressort du guide de l'évaluation des entreprises que la valeur de productivité est établie en capitalisant le bénéfice. Ce bénéfice est établi à partir du résultat net courant avant impôt, soit la somme du résultat d'exploitation, du résultat financier et du résultat exceptionnel, minoré de l'impôt sur les sociétés. Il n'y a donc pas lieu de prendre en compte le montant de la dette nette d'une société, contrairement à ce que soutient la société requérante. D'autre part, le taux de capitalisation de 8,08 % a été calculé par l'administration fiscale à partir de paramètres liés à l'émission des emprunts d'Etat à long terme déflaté du taux d'érosion monétaire, majoré d'une prime de risque inhérente au marché français et aux aléas internes et externes environnementaux de l'entreprise, conformément au guide de l'évaluation des entreprises. La société requérante ne critique pas avec des précisions suffisantes ces divers éléments du calcul et notamment le coefficient de risque en soutenant qu'il s'agit d'un coefficient Beta qui n'est pas nommé et non documenté, et que la prime de risque serait calculée sur la marché des actions du CAC40 par rapport à un indice de référence appelé " prime de risque actions ". Par suite, ces arguments doivent être écartés.

10. En troisième lieu, s'agissant de la valeur de rendement, la SC La Plume du peintre remet en cause la pertinence de cette valeur. Toutefois, celle-ci est utile pour les sociétés industrielles importantes comme la SAS A... Henri, dès lors qu'elle repose sur la moyenne annuelle des dividendes, le cas échéant pondérée, comme en l'espèce.

11. En quatrième lieu, s'agissant de la valeur de marge brute d'autofinancement, qui est un élément essentiel de la détermination de la valeur vénale de l'action d'une société indutrielle importante, elle n'est pas obsolète dès lors que le guide de l'évaluation des entreprises ne l'a pas écartée. En outre, la société requérante soutient que le coefficient 9 retenu par l'administration ne repose sur aucun élément de preuve. Toutefois, ce coefficient correspond à des investissements peu importants. En l'espèce, au 30 septembre 2010, la valeur nette comptable des immobilisations corporelles de la SAS A... Henri était de 5 052 089 euros, soit seulement 11,11 % du chiffre d'affaires en 2010 et, dans le cas d'une déduction de 40 % au titre des amortissements cumulés, soit 2 034 035 euros arrondi par le service à 2 000 000 euros, soit seulement 4,44 % du même chiffre d'affaires.

12. En cinquième lieu, si la SC La Plume du peintre soutient qu'une décote de minorité aurait dû être appliquée, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier une telle décote, notamment eu égard à la circonstance que l'acquisition des titres de la SAS A... Henri ne portait que sur une minorité des parts.

13. En sixième lieu, la société requérante propose à titre indicatif, sur la base du rapport d'un expert financier qu'elle verse, une méthode des multiples des comparables. Toutefois, les sociétés proposées sont situées sur un marché autre que celui de la SAS A... Henri et leurs caractéristiques sont différentes de celle-ci par leur processus de production, leur taille, leurs perspectives de croissance et leurs structures de financement.

14. En septième lieu, la société ne fournit aucun élément précis pour l'évaluation du besoin en fonds de roulement qu'elle invoque.

15. En huitième lieu, si la SC La Plume du peintre invoque le coût du capital comme taux d'actualisation pour appliquer la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés, dite " DCF " (discounted cash flow), cette méthode est plus adaptée à l'évaluation d'un usufruit qu'à celle d'une action non cotée en bourse.

16. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, la demande de retraitement de la provision de 2,7 millions d'euros a été prise en compte dans la réponse aux observations du contribuable du 22 septembre 2014.

17. Toutefois, l'administration a commis une erreur de calcul en appliquant la formule rappelée au point 8. Par suite, la valeur vénale de l'action de la SAS A... Henri doit être fixée, après vérification de calcul, à 15 227 euros.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SC La Plume du peintre est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes n'a pas réduit les bases de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 en prenant en compte la valeur vénale de l'action de la SAS A... Henri à hauteur de 15 227 euros ni prononcé la décharge dans cette mesure.

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que la SC La Plume du peintre demande au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 sont réduites compte tenu d'une valeur vénale de l'action de la SAS A... Henri de 15 227 euros.

Article 2 : La SC La Plume du peintre est déchargée, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 correspondant à la réduction de la base d'imposition fixée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SC La Plume du peintre est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile La Plume du peintre et au ministre des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. B...

Le président,

F. Bataille Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00096


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00096
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ELLIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-09-10;18nt00096 ?
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