Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) JLDE a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015.
Par un jugement n° 1703699 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 (article 1er), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de la demande (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 octobre 2018, 28 avril 2020, 15 mai et 28 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SARL JLDE le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 19 640 euros en droits et de 1 724 euros d'intérêts de retard ;
3°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 000 euros versée à la société en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts suppose que le bien vendu conserve la même qualification juridique entre l'achat et la revente ;
- la vente, après division parcellaire, d'un terrain à bâtir qui faisait initialement partie du terrain d'assiette d'un immeuble bâti ne peut, par conséquent, relever du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu à l'article 268 de ce code.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2019 et 13 mai 2020, la SARL JLDE, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) JLDE a acquis, en qualité de marchand de biens, par acte authentique du 18 juin 2014, enregistré le 3 juillet 2014, un ensemble immobilier composé d'une maison d'habitation et d'un terrain situé 9 rue Bergevin à Saint-Gervais la Forêt, pour un prix global de 300 000 euros. Antérieurement à la signature de cet acte, la société avait obtenu le 27 février 2014 un certificat de non-opposition à la division du terrain en lots. La société a ensuite revendu séparément chacun de ces lots. Un premier lot, supportant la maison d'habitation existante, a été revendu pour 216 000 euros. Les deux autres lots ont été revendus en tant que terrains à bâtir pour un prix respectif de 70 000 et 69 000 euros. Ces deux terrains à bâtir ont été revendus en incluant la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge, en application de l'article 268 du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièce portant sur la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, l'administration fiscale a estimé que la vente de ces deux terrains ne pouvait pas relever de ce régime particulier de taxation sur la marge et aurait dû faire l'objet d'une taxation sur le prix total. Après mise en recouvrement des rappels découlant de ce contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de ces rappels, pour un montant de 19 640 euros de droits et de 1 728 euros d'intérêts de retard. Par un jugement du 3 juillet 2018, le tribunal a fait droit à sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les deux terrains à bâtir cédés par la SARL JLDE faisaient partie, au moment de leur acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant une maison d'habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d'immeuble bâti, et non de terrains à bâtir. La circonstance que ces terrains étaient déjà, au moment de la vente, constructibles au regard de la législation d'urbanisme en vigueur est à cet égard sans incidence. De même, le fait que la division de l'unité foncière a été autorisée préalablement à la vente est également sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n'ont pas été acquis séparément par la SARL JLDE. Les deux terrains cédés par la SARL JLDE n'ayant pas, au moment de leur acquisition, la qualité de terrain à bâtir mais celle de terrain bâti, la société ne pouvait se placer, pour vendre ces deux terrains, sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour décharger la SARL JLDE des impositions en litige.
6. Aucun autre moyen n'ayant été invoqué devant le tribunal administratif d'Orléans par la SARL JLDE à l'appui de sa demande, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué.
Sur la demande du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que soit ordonnée la restitution de la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat en première instance :
7. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme de 1 000 euros mise à la charge de l'Etat en première instance. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que soit ordonnée la restitution de cette somme.
Sur les frais liés au litige :
8. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SARL JLDE sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1703699 du tribunal administratif d'Orléans du 3 juillet 2018 sont annulés.
Article 2 : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 19 640 euros en droits ainsi que les intérêts de retard d'un montant de 1 724 euros sont remis à la charge de la SARL JLDE.
Article 3 : Les conclusions d'appel de la SARL JLDE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des comptes publics et à la société à responsabilité limitée JLDE.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 18NT037702