Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 1903341 du 10 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mai 2019, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté portant assignation à résidence ;
- l'arrêté portant transfert est insuffisamment motivé ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 compte tenu notamment de sa grossesse ;
- l'arrêté portant assignation est insuffisamment motivé ;
- l'illégalité de l'arrêté portant transfert entache d'illégalité l'arrêté portant assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il indique que Mme C... est en fuite et soutient que les moyens soulevés par l'intéressée ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le magistrat désigné a visé le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté portant assignation à résidence soulevé en première instance par Mme C..., sans y répondre, alors que ce moyen n'était pas inopérant. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur cette décision, est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer, dans le présent arrêt, sur la demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'assignation à résidence présentée par la requérante devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
4. En premier lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle n'avait pas à faire état de la situation de Mme C... dans son pays d'origine dès lors que cet arrêté n'a pas pour effet d'organiser son transfert vers la Guinée mais vers l'Espagne. Cette décision indique par ailleurs, que l'intéressée a déclaré lors de son entretien individuel, qui s'est tenu le 28 septembre 2018, avoir des maux de ventre, souhaiter consulter un médecin, être célibataire et avoir une fille restée en Guinée. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant la décision contestée, Mme C... aurait informé les services de la préfecture de la Loire-Atlantique qu'elle était enceinte depuis le 8 décembre 2018. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
6. Si Mme C... se prévaut du rapport d'Amnesty International faisant état des difficultés rencontrées par les autorités espagnoles face à l'afflux de migrants, ce document ne suffit pas à établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Espagne à la date de l'arrêté litigieux alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, si la requérante indique qu'elle n'a bénéficié d'aucun soin lors de son arrivée en Espagne, l'intéressée, qui n'était pas enceinte à cette date, ne justifie pas avoir eu des problèmes de santé nécessitant une consultation médicale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 3 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
8. Mme C... soutient qu'elle présente une vulnérabilité en raison du fait qu'elle était enceinte depuis le 8 décembre 2018 à la date de la décision contestée. Il ressort toutefois du compte rendu de l'échographie qu'elle a réalisée le 26 février 2019 au centre hospitalier universitaire de Nantes que sa grossesse se déroulait normalement et ne présentait pas de risque particulier. Par ailleurs, si l'intéressée produit une attestation d'un ressortissant guinéen titulaire d'une carte de séjour temporaire dont la validité expirait en septembre 2018, indiquant qu'ils attendent ensemble leur enfant à naître, ce seul document ne suffit pas à établir la réalité et la stabilité de leur relation alors qu'il est constant que Mme C... n'est entrée en France que le 11 septembre 2018 et qu'à cette date, elle a déclaré être célibataire. Enfin, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision litigieuse n'a pas pour effet de l'éloigner vers la Guinée, de sorte que les risques encourus en cas de retour dans ce pays sont sans incidence que sa légalité. Par suite, et alors même qu'elle soutient parler le français mais pas l'espagnol, Mme C... n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités espagnoles, le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. Pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 8, le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. Dès lors, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
11. En premier lieu, la décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 561-2 et R. 561-2 et R. 561-3 ainsi que l'arrêté du même jour portant transfert de Mme C... vers l'Espagne. Elle indique en outre que l'exécution de cette décision demeure une perspective raisonnable et que l'intéressée possède uniquement une domiciliation administrative. Elle est par suite suffisamment motivée.
12. En second lieu, la décision de transfert aux autorités espagnoles n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par Mme C..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence, ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme C... au profit de son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903341 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en date du 10 avril 2019 est annulé en tant qu'il concerne la décision d'assignation à résidence de Mme C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes concernant la décision l'assignant à résidence sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01779