Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Bazile a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période 1er avril 2011 au 31 mars 2012.
Par un jugement n° 1700937 du 2 août 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2018, l'EURL Bazile, représentée par la SCP Avocats conseils réunis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 11 décembre 2015 relative au contrôle sur pièces, adressée avant la réunion de synthèse qui a eu lieu le 17 décembre 2015 dans le cadre de la vérification de comptabilité, porte atteinte au principe du débat oral et contradictoire ;
- l'option de la société civile immobilière (SCI) Granges en tant que cessionnaire pour son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée figure dans l'acte de cession conclue avec celle-ci, devant notaire le 28 juillet 2011, dès lors que cet acte mentionne que le cessionnaire s'engage à poursuivre la location de l'immeuble cédé dans les conditions antérieures jusqu'au terme d'un délai de vingt ans ; les loyers sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'option du cessionnaire en faveur de la poursuite de l'activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée a été régulièrement notifiée à l'administration ;
- la cession a été réalisée entre deux redevables de la taxe sur la valeur ajoutée de sorte que les dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts permettant la dispense de régularisation d'une déduction antérieure de cette taxe doivent être appliquées ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-TVA-CHAMP-50-10 paragraphes 210, 220 et 230 du 4 avril 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Bazile ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Bazile, dont l'objet est l'activité de commerce et de réparation de véhicules automobiles, exercée dans un bâtiment édifié en 2003 sur un terrain à bâtir acquis le 13 décembre 2002, a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les coûts d'acquisition et de construction de cet immeuble. Elle a donné en location le bâtiment à la société civile immobilière (SCI) Granges le 28 juin 2008, puis l'a cédé à celle-ci le 28 juillet 2011 pour 230 000 euros. Elle a été l'objet d'un contrôle sur pièces et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2015. Par deux propositions de rectification des 11 décembre et 28 décembre 2015, l'administration a estimé que la société aurait dû procéder à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a déduite au titre de l'acquisition et de la construction lors de la vente, conformément à l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts. Sa réclamation du 30 mai 2016 a été rejetée le 30 novembre 2016. Par un jugement du 2 août 2018, dont l'EURL Bazile relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période 1er avril 2011 au 31 mars 2012.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. La circonstance que la proposition de rectification du 11 décembre 2015 a été adressée à l'EURL Bazile avant la réunion de synthèse qui a eu lieu le 17 décembre 2015 dans le cadre de la vérification de comptabilité ne porte pas en elle-même atteinte au principe du débat oral et contradictoire dans la mesure où, d'une part, les deux propositions de rectification sont identiques dans leurs motifs et, d'autre part, le débat s'est déroulé régulièrement, l'entreprise requérante n'établissant ni même n'alléguant que le vérificateur se serait refusé à un tel débat.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. / (...) / II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois ou transférés entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209. / (...) 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 (...), cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. ". L'article 257 bis du même code dispose que : " Les livraisons de biens et les prestations de services, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. / Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s'il y a lieu, pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266, de l'article 268 ou de l'article 297 A. ". Aux termes de l'article 260 du même code dans sa rédaction applicable : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti (...) ". Aux termes de l'article 193 de l'annexe II au même code : " (...) Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles (...) ". Aux termes de l'article 195 de la même annexe : " L'option et sa dénonciation sont déclarées dans les conditions et selon les modalités prévues par le 1° du I de l'article 286 du code général des impôts pour les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, en cas de commencement ou de cessation d'entreprise ". Aux termes de l'article 286 du même code : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / 1° Dans les quinze jours du commencement de ses opérations, souscrire au bureau désigné par un arrêté une déclaration conforme au modèle fourni par l'administration. Une déclaration est également obligatoire en cas de cessation d'entreprise (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que l'option prévue par l'article 260 du code général des impôts doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration et distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles. Si cette option peut être exercée à l'occasion de la déclaration d'existence de la société, cette déclaration doit comporter des indications suffisamment précises pour identifier le ou les immeubles auxquels l'option se rapporte.
4. L'acte de vente conclu le 28 juillet 2011 entre l'EURL Bazile et la SCI Granges mentionne que les parties déclarent qu'aucune régularisation de taxe sur la valeur ajoutée par l'EURL n'est à opérer dès lors que la vente est intervenue dans le cadre de la cession d'un immeuble locatif constituant le support d'une activité soumise à cette taxe, que la SCI en tant que cessionnaire continue la personne de l'EURL et que le cessionnaire s'engage à poursuivre l'activité du cédant pendant une durée de vingt ans et que, dans le cas où une nouvelle vente aurait lieu avant le terme de ce délai, il est informé de ce qu'il devrait procéder à la régularisation.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que la SCI Granges en tant que cessionnaire, qui s'est engagée lors de la signature de l'acte de vente à poursuivre l'activité de l'EURL Bazile, consistant à percevoir des loyers soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, ait été assujettie à cette taxe ou ait déposé une option auprès de l'administration pour un tel assujettissement à la date de la cession. Il suit de là que la cession du 28 juillet 2011 n'a pas été réalisée entre deux redevables de la taxe sur la valeur ajoutée. Alors même que la cession en litige serait intervenue dans le cadre de la transmission d'une universalité de biens au sens de l'article 257 bis du code général des impôts, l'administration a pu, dès lors, estimer à bon droit que les conditions requises par les dispositions de cet article pour bénéficier de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée n'étaient pas remplies et que, par voie de conséquence, deux fractions de la taxe initialement déduites et grevant le terrain et l'immeuble devaient être régularisées en application des dispositions de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. L'EURL Bazile n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-TVA-CHAMP-50-10 du 4 avril 2014 paragraphes 210, 220 et 230 qui ne concernent que les modalités de l'option non effectuée en l'espèce.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Bazile n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL Bazile est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Bazile et au ministre des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT03655