Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, à titre principal, l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2016 par lequel le président de Rennes Métropole a fixé au 3 novembre 2015 la date de guérison de sa maladie, reconnue imputable au service, du canal carpien bilatéral et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour évaluer ses séquelles.
Par un jugement n° 1601503 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2019 et 15 novembre 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à Rennes Métropole de fixer la date de consolidation de la pathologie du canal carpien bilatéral reconnue imputable au service avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5%, sauf autre date ou autre taux fixés par une expertise à ordonner ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de Rennes Métropole les frais d'expertise et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de rejeter les conclusions de Rennes Métropole.
Elle soutient que :
- le jugement qui lui a été notifié n'est pas signé ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'arrêté du 12 janvier 2016, qui fixe non seulement une date mais également une situation de guérison, fait grief et est donc susceptible de recours ; c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable ;
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'était pas guérie au 3 novembre 2015 mais, tout au plus, consolidée avec séquelles ; l'expertise réalisée le 7 septembre 2018 indique que la consolidation peut être fixée au 3 novembre 2015 et qu'elle conserve des séquelles et est atteinte d'une incapacité permanente partielle à hauteur de 5%.
Par un mémoire, enregistré le 19 août 2019, Rennes Métropole, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les éventuels dépens.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;
- à supposer que la cour entende réformer le jugement, elle ne pourra qu'ordonner l'expertise médicale sollicitée par Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant Mme A..., et Me D..., représentant Rennes Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjoint du patrimoine de deuxième classe affectée à la bibliothèque de Rennes Métropole, a déclaré le 18 août 2005 être atteinte d'un syndrome du canal carpien bilatéral, avant de subir, les 11 octobre 2005 et 14 décembre 2005 des interventions chirurgicales affectant, respectivement, la main droite puis la main gauche. Elle a été placée en arrêt de travail du 11 octobre 2005 au 31 janvier 2006 pour ce motif. Par arrêté du 21 avril 2006, le président de Rennes Métropole a reconnu cette maladie imputable au service. Les arrêts de travail du 2 au 19 décembre 2007, du 25 au 28 mars 2008 et du 22 au 26 juillet 2008 ainsi que les frais médicaux ont, par conséquent, été pris en charge en application de ce régime. Après avoir constaté l'absence de production de certificat médical ou d'arrêt de travail postérieur au 27 juillet 2008 et avoir sollicité une expertise auprès d'un médecin agréé, effectuée le 3 novembre 2015, le président de Rennes Métropole a, par un arrêté du 12 janvier 2016, fixé la date de guérison de Mme A... au titre de sa pathologie du canal carpien bilatérale au 3 novembre 2015. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont rejeté la demande de Mme A... comme irrecevable au motif que la décision du 12 janvier 2016 n'emportait aucune modification de sa situation administrative, était dépourvue de portée juridique et n'était donc pas susceptible de recours.
3. Aux termes du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, le fonctionnaire en activité a droit " 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. (...) ".
4. En fixant, par décision du 12 janvier 2016, la date de guérison de Mme A... au titre de sa pathologie du canal carpien bilatérale au 3 novembre 2015, le président de Rennes Métropole a non seulement arrêté la date de consolidation de l'état de santé de la requérante mais aussi décidé que Mme A..., guérie de sa pathologie, ne souffrait d'aucune lésion revêtant un caractère permanent justifiant d'une invalidité. Cette décision présentait donc le caractère d'une décision faisant grief. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision étaient irrecevables.
5. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé au titre de la régularité du jugement, d'annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2016 :
6. En premier lieu, par un arrêté du 24 novembre 2015, le président de Rennes Métropole a donné délégation à M. B... H..., vice-président en charge du personnel, de l'administration générale et du crématorium, à l'effet notamment de signer les actes de gestion du personnel à l'exclusion de ceux relatifs aux recrutements sur emploi permanent, à la cessation de fonctions, à la discipline, à l'attribution de médailles d'honneur et aux mandats spéciaux. La décision contestée ne figurant pas au nombre de ces exceptions, M. H... était bien compétent pour signer l'arrêté du 12 janvier 2016. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le président de Rennes Métropole a déterminé la date de guérison du syndrome de canal carpien bilatéral dont souffrait Mme A... en s'appuyant sur le rapport d'expertise du docteur Rossignol, médecin agréé. Ce rapport a fixé la date de consolidation à la date à laquelle l'examen de l'intéressée a été réalisé, soit le 3 novembre 2015 et, après avoir mentionné l'absence de douleur à l'exception d'une sensation de tiraillement au niveau des cicatrices lors de la pose à plat des doigts, concluait à une guérison et à l'absence d'atteinte à l'intégrité physique. La requérante ne conteste pas le fait de retenir la date du 3 novembre 2015 comme date à laquelle son état de santé était consolidé mais fait valoir qu'elle conserve des séquelles justifiant d'une incapacité permanente partielle à hauteur de 5%, faisant obstacle à ce qu'elle soit considérée comme guérie au sens de revenue à l'état de santé antérieur à cette maladie. Elle produit un rapport d'expertise établi par le docteur Bonfils concluant en ce sens.
8. Il est constant que Mme A... a repris son service en 2006, qu'elle n'a plus déposé d'arrêt de travail au titre de cette pathologie depuis juillet 2008 et qu'aucun élément médical nouveau n'est intervenu depuis le 3 novembre 2015, de sorte que Rennes Métropole n'a commis aucune erreur d'appréciation en retenant cette date de consolidation.
9. En revanche, l'expertise du docteur Bonfils s'appuie sur les résultats d'un électromyogramme effectué le 31 mai 2017, sollicité par le médecin du travail, qui constate des anomalies et mentionne qu'elles sont " celles d'un syndrome du canal carpien sur le plan électrique avec aspect de dénervation-réinnervation traduisant un processus de repousse axonale suite à une lésion axonale bilatérale compatible avec des séquelles de dénervation anciennes sévères (ce qui semble avoir été le cas en 2005) tout autant qu'un processus actuel même sans signe de dénervation aiguë ". Elle confirme la persistance de souffrance électrique du nerf médian à droite et à gauche, générant une discrète limitation des mouvements des poignets et une perception de gênes douloureuses sur la face palmaire des deux mains. Cet expert évalue l'incapacité permanente partielle dont souffre Mme A... au taux de 5%. Il s'ensuit qu'au regard de ces éléments, Mme A... ne peut être regardée comme guérie mais comme conservant un déficit fonctionnel permanent correspondant à un taux de 5%, qu'il y a lieu de retenir. Par suite, en estimant que la requérante ne souffrait d'aucune lésion revêtant un caractère permanent justifiant d'une invalidité, Rennes Métropole a entaché sa décision d'illégalité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2016 en tant qu'il a estimé qu'elle ne souffrait d'aucune invalidité permanente à la date du 3 novembre 2015.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le présent arrêt implique nécessairement, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que Rennes Métropole fixe à 5% le taux d'incapacité permanente de Mme A... au titre du syndrome du canal carpien bilatéral. Il y a lieu de l'y enjoindre.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Mme A... n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée sur ce fondement par Rennes Métropole. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Rennes Métropole une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2016 est annulé en tant qu'il a décidé que l'état de santé de Mme A... était consolidé sans séquelle.
Article 3 : Il est enjoint à Rennes Métropole de fixer à 5% le taux d'incapacité permanente de Mme A... au titre du syndrome de canal carpien bilatéral.
Article 4 : Rennes Métropole versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à Mme A....
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions présentées par Rennes Métropole sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à Rennes Métropole.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 novembre 2020.
Le rapporteur,
F. G...Le président,
O. GASPON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00395
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