Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du maire de la commune de Joué-lès-Tours du 17 février 2017 rejetant ses demandes tendant à l'indemnisation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de harcèlement moral et à sa réintégration dans ses fonctions initiales de directeur des affaires culturelles et de l'événementiel, d'autre part, de condamner la commune à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts, avec intérêts à compter de la date de la réclamation préalable soit le 18 janvier 2017, enfin de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la collectivité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n°1701319 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mars 2019 et 8 janvier 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 janvier 2019 ;
2°) de le réintégrer aux fonctions de la direction de la culture, de l'événementiel et des expositions relevant dorénavant de la " promotion de la ville " ;
3°) de condamner la commune de Joué-lès-Tours à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de faits constitutifs de harcèlement moral, assortie des intérêts à compter de sa réclamation préalable indemnitaire, soit le 18 janvier 2017 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Joué-lès-Tours la somme de 7000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'existence de faits constitutif de harcèlement moral est avérée. Sa mise à l'écart professionnelle est établie par le refus systématique d'accès à la formation qui lui a été opposé, par l'exclusion des affaires du service de la politique de la ville, par la suppression de son identité au sein des services de la municipalité, par la privation de ses outils de travail, par le non suivi de son travail par son supérieur hiérarchique et par le refus d'accueillir sa candidature sur le poste de directeur de l'espace Malraux. Il a également été mis à l'écart physiquement et sa rémunération a été réduite. Ces événements ont conduit à une altération de sa santé physique et mentale ;
- le nouveau maire pour des motifs personnels discriminatoires l'a exclu des services de la ville.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 octobre 2019 et 5 novembre 2020, la commune de Joué-lès-Tours, représentée par Me E... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été employé dès 1988 par la commune de Joué-lès-Tours et y a occupé différents postes dans les secteurs de l'art, de la culture et de l'évènementiel. En 2008, il s'est vu confier le poste de directeur des affaires culturelles, de l'événementiel et de l'espace Malraux. A l'issue des élections municipales qui se sont tenues le 30 mars 2014, dans le cadre d'une réorganisation des services, l'emploi de directeur de l'événementiel a été supprimé et M. D... a été convoqué, les 8 octobre et 4 novembre 2014 à deux entretiens préalables de licenciement. Il lui a ensuite été proposé son reclassement à un poste de " chargé de mission en politique de la Ville " et le " réajustement " de son régime indemnitaire. A partir du mois de décembre 2014, M. D... est suivi médicalement et psychologiquement par différents professionnels de santé pour des épisodes anxio-dépressifs. Déplorant sa baisse de rémunération, que ses demandes de formation ou de nomination à l'espace Malraux n'aient pu aboutir, estimant être éloigné géographiquement et physiquement du service auquel il est rattaché, se plaignant de la détérioration de ses conditions de travail et du peu de reconnaissance qui lui est accordé, M. D... a, le 20 décembre 2016, saisi la commune de Joué-lès-Tours d'une demande d'indemnisation du préjudice moral et financier, évalué à 1000 000 euros, qu'il estime subir en raison de faits de harcèlement moral doublés de discriminations. Il a également sollicité sa réintégration dans ses anciennes fonctions de directeur des affaires culturelles et de l'événementiel. Par une décision du 17 février 2017, le maire de la commune de Joué-lès-Tours a rejeté l'ensemble de ses demandes.
2. M. D... a, le 14 avril 2017, saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande indemnitaire dirigée contre la commune de Joué-lès-Tours ayant le même objet tout en sollicitant sa réintégration dans ses anciennes fonctions. Il relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel cette juridiction a rejeté ses demandes et renouvelle ses prétentions.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
4. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice provenant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
6. En l'espèce, en premier lieu, en appel comme en première instance, les faits dénoncés par M. D... à l'appui de sa demande d'indemnisation sont relatifs à son affectation à un nouveau poste, sa mise à l'écart physique comme professionnelle du service auquel il est rattaché, la réduction de sa rémunération, la dégradation de ses conditions matérielles de travail et en conséquence, une altération de son état de santé sur le plan physique et psychique. Il résulte cependant de l'instruction, notamment des pièces versées au dossier, que la direction de l'espace Malraux avait, aux motifs de difficultés managériales avérées, été retirée à M. D... dès 2012 par l'ancienne équipe municipale - ce dernier n'étant plus en charge que de la programmation - et que la restructuration du service a été un objectif affiché de la nouvelle équipe municipale. Aucun élément ne permet ensuite de considérer que la proposition de reclassement sur le seul poste d'attaché territorial vacant, au sein des services chargés de la politique de la Ville, de l'Emploi et de l'Habitat n'était pas sérieuse. S'il est constant aussi que lorsqu'il exerçait la direction de l'espace Malraux, M. D... était alors investi de responsabilités sur un poste en vue et gratifiant le mettant en contact direct avec le monde des arts, du spectacle et de la communication, placé au premier étage de l'hôtel de Ville à proximité du cabinet du maire, et qu'il a été réaffecté en dernier lieu dans un service localisé dans des locaux moins prestigieux, à des tâches convenant moins à son goût, l'examen respectif des fiches de poste ne permet pas d'établir que les tâches en question ne correspondraient pas à son niveau d'emploi. La volonté de la collectivité de refuser systématiquement les demandes de formation présentées par l'intéressé n'est pas davantage avérée au dossier. L'affirmation selon laquelle la commune aurait occulté l'identité du requérant sur ses organigrammes est contredite par l'organigramme de juillet 2016 que la collectivité a versé aux débats. Les assertions de M. D... relatives à ses conditions matérielles d'emploi sont démenties une à une ou contextualisées, notamment celles relatives à la localisation et à l'isolement de son bureau, dès lors que tous les services n'étaient pas logés à l'hôtel de ville. Si, comme l'ont très justement rappelé les premiers juges, il ressort des éléments du dossier que M. D... a été très affecté par son éviction de la direction de l'espace Malraux, " vitrine culturelle " de la ville, dès avant les élections de 2014, puis par la restructuration du service par l'actuelle municipalité, ressentant cet accident de sa carrière comme une remise en cause de sa personne, rien ne vient cependant au dossier manifester l'exercice anormal du pouvoir d'organisation des services et de direction de la politique municipale imputé, ad hominem, exclusivement au maire sous la qualification de " harcèlement moral ".
7. En second lieu, s'agissant du grief de discrimination à raison des origines ou de la race qui est avancé par M. D..., ce dernier reprend devant la cour la même argumentation qu'en première instance appuyée sur des attestations dont la teneur quant à la matérialité des propos imputés au futur maire et la sincérité ont pour le moins été relativisées dans un contexte de rivalités et de rancoeurs politiques et dont la force probante eu égard à leur imprécision est sérieusement mise en cause. Dans ces conditions, et alors - ainsi qu'il a été rappelé au point précédent - que ce n'est pas le maire signataire de la décision en cause qui a démis M. D... de la direction de l'espace Malraux, et que celui-ci est employé conformément à son grade dans des conditions, notamment de rémunération, équivalentes à celles des agents du service où il est affecté, il n'est pas établi que la situation de M. D... résulte d'une volonté de cet élu de discriminer cet agent à raison de ses origines.
8. Compte tenu de l'ensemble des éléments rappelés aux points 6 et 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le comportement de la commune de Joué-lès-Tours à son encontre serait à l'origine de faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral ou de discrimination. En l'absence de toute faute retenue à l'encontre de son administration, les conclusions indemnitaires visant à la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis et celles présentées aux fins d'injonction, réitérées en appel par M. D..., ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Joué-lès-Tours, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. D... au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme de 1200 euros à verser au même titre à la collectivité territoriale.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera la somme de 1200 euros à la commune de Joué-lès-Tours en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Joué-lès-Tours.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. C..., président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
O. C...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°19NT01080 2