Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme K... H..., M. J... H... et Mme A... M... H... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Plérin à leur verser une somme de 118 400 euros en réparation du préjudice subi au titre de leurs immeubles situés à Plérin Le Légué, cadastrés section AS n° 68 et 79 et de condamner la commune de Plérin à payer le coût de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit des consorts F... et en toute hypothèse, à leur régler d'une part le coût des travaux qui pourraient être mis à leur charge, ainsi que l'astreinte qui pourrait en découler, et d'autre part, la somme de 162 000 euros à parfaire au jour de la décision de justice prononcée au profit des consorts F....
Par un jugement n° 1605224 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 janvier 2020, le 9 décembre 2020 et le 18 décembre 2020, Mme K... H..., Mme A... H... et M. J... H..., représentés par Me E..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1605224 du tribunal administratif de Rennes du 21 novembre 2019 ;
2°) de condamner la commune de Plérin à leur verser une somme de 152 370 euros au titre de l'indemnisation des dommages causés par l'illégalité fautive des décisions du maire ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plérin la somme de trois mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- Mme K... H... a intérêt à intervenir dans l'instance en qualité d'unique héritière de M. J... H..., décédé en juin 2020 en cours d'instance ;
- leur requête est bien recevable et a été présentée dans le délai prévu par les articles R. 811-2 et R. 751-3 du code de justice administrative puisque la lettre recommandée portant notification du jugement a été présentée à Mme K... H... le 23 novembre 2019 ; le délai de recours est un délai franc et expirait le 24 janvier 2020 ;
- le tribunal administratif a retenu à juste titre l'illégalité fautive des décisions du maire de la commune de Plérin d'utiliser les pouvoirs qu'il détient de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; l'illégalité du refus d'exécuter l'injonction du tribunal administratif de Rennes dans le délai de dix mois imparti constitue également une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu l'existence d'une cause exonératoire ;
o la défaillance des propriétaires dans l'exécution des travaux prescrits est inopérante ; c'est à la commune, en premier lieu, qu'il revient d'exécuter les travaux dès lors qu'ils présentent un intérêt collectif ; les travaux présentent un intérêt collectif dès lors que les éboulements concernent plusieurs parcelles et que l'expert a souligné la nécessité d'une action coordonnée sur l'ensemble de la falaise ; eu égard à leur intérêt collectif, le maire de la commune ne pouvait pas prescrire aux propriétaires la réalisation des travaux et la commune devait donc réaliser ces travaux à ses frais, malgré l'existence d'un éventuel recours contre les propriétaires ;
o il y a rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que la commune lui demande le remboursement de l'ensemble des travaux de sécurisation même ceux réalisés sur la partie de la falaise qui n'est pas située sur leur propriété dans le cadre de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ;
o l'éventuelle faute de la victime ne peut exonérer la responsabilité de la commune que si le dommage est exclusivement dû à une faute de la victime ; le tribunal administratif a constaté l'existence d'une négligence fautive dans l'entretien de la falaise sans rechercher si la faute était de nature à avoir causé exclusivement le dommage ; la commune est seule responsable des dommages causés aux constructions qu'elle a autorisées sous la falaise, le maire étant le principal garant de la mise en oeuvre de la police de l'urbanisme ;
o il ne peut être retenu qu'ils aient commis une faute contribuant au dommage, ce qui ressort de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 25 janvier 2017, revêtu de l'autorité de la chose jugée ; le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc n'a retenu que leur responsabilité sans faute du fait des choses ; aucun défaut d'entretien ne peut leur être imputé dans la mesure où le sommet de la falaise n'est pas accessible, nécessitant la réalisation de travaux très délicats, et la dégradation du sommet de la falaise étant causée par l'action conjuguée de la végétation poussant dans les interstices naturels et l'altération météorique des schistes ce qui ne saurait s'analyser comme un défaut d'entretien de la falaise ; ils auraient été dans l'incapacité de mener l'action coordonnée sur la falaise exigée par la situation ; ils n'avaient pas connaissance, lors de l'achat de l'immeuble, des risques d'éboulements ;
o la commune de Plérin ne peut soutenir qu'ils ont commis une faute dans l'entretien de la falaise alors qu'elle engage leur responsabilité sans faute du fait des choses devant la juridiction civile ; être propriétaire d'une chose n'implique pas nécessairement en être gardien ni en être responsable ; ils ne sont pas gardiens de la falaise car elle est inaccessible et ils n'en sont pas les seuls propriétaires ;
- la responsabilité pour faute de la commune doit être engagée en raison de plusieurs fautes :
o la commune a tardé à réaliser les travaux de sécurisation de la falaise alors qu'il appartenait à la commune de Plérin de réaliser ces travaux en application des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales depuis l'année 2001 ; ils avaient demandé de manière répétée le concours de la commune pour la réalisation des travaux et ont informé la commune de leur incapacité à réaliser les travaux ; ils ne pouvaient en outre réaliser ces travaux qui nécessitaient une enquête publique, et donc une initiative publique, s'agissant de travaux dans une zone NL ;
o la commune a tardé à exécuter l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015 ; la commune n'a exécuté les travaux de confortation et de sécurisation de la falaise que le 5 septembre 2017, près d'un an après l'expiration du délai laissé par le tribunal administratif de Rennes ;
o la commune a commis une faute en prenant les mesures d'interdiction d'habiter (parcelle n° 78 appartenant aux consorts F...) ; la commune ne prouve pas la notification de l'arrêté portant interdiction d'habiter leur immeuble ;
o la commune a commis une faute en maintenant les mesures d'interdiction d'habiter après réalisation des travaux de sécurisation de la falaise ;
o la commune a commis une faute en ne s'opposant pas à la construction de la véranda des consorts F... en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- en ce qui concerne leurs dommages :
o ils ont été condamnés par un jugement définitif du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc à verser aux consorts F... une somme globale de 25 000 euros ; les préjudices indemnisés ont été causé par la carence fautive du maire de la commune de Plérin dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
o ils subissent également un préjudice du fait de l'impossibilité d'occuper leur maison :
* ils n'ont pu louer leur maison entre le 1er juin 2010 et le 1er novembre 2017 et ont subi un préjudice locatif estimé à 53 400 euros ;
* ils subissent un préjudice du fait de la dépréciation et de l'impossibilité d'occuper la maison ; la maison a été détériorée pendant son inoccupation et le coût des travaux nécessaires à la remise en état du bien est de 50 000 euros ;
* ils ont subi un préjudice moral évalué à 15 000 euros ;
o ils ont réalisé en 2007 des travaux pour satisfaire aux prescription du maire de la commune de Plérin pour un coût de 8 970 euros TTC alors que ces travaux de sécurisation devaient être réalisés par la commune et à ses frais ;
- leur créance n'est pas prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 :
o le préjudice de jouissance qu'ils sont subi du fait de l'inaction est un préjudice évolutif ;
o la prescription a été interrompue dès le 24 août 2011 par leur réclamation préalable sur le fait générateur, puis par le recours devant le tribunal administratif de Rennes du 20 décembre 2011 et par le recours de la commune de Plérin devant la cour administrative d'appel le 22 avril 2015 ; la demande indemnitaire du 8 septembre 2016 a aussi interrompu la prescription.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2020 et le 27 janvier 2021, la commune de Plérin, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des consorts H... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête des consorts H... est tardive en méconnaissance de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ;
- c'est à juste titre que le tribunal administratif s'est fondé sur la responsabilité pour faute :
o la responsabilité sans faute de la commune ne peut être engagée, les consorts H... n'ayant pas la qualité de tiers mais d'usagers ;
o elle n'a pas commis de faute en levant les arrêtés d'interdiction d'habiter le 20octobre 2017 car la réception des travaux a été prononcée le 20 septembre 2017 avec des réserves qui n'ont été levées que le 17 octobre 2017 ;
o l'obligation pour la commune de réaliser les travaux à ses frais en application de l'article L 2212-4 du code général des collectivités territoriales n'empêche pas la commune de rechercher la responsabilité du propriétaire, une telle action devant être menée devant la juridiction judiciaire ;
o elle n'a pas tardé à exécuter les travaux de confortement de la falaise ordonnée par le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015 ; elle avait introduit une action en sursis devant le cour administrative d'appel ; les travaux nécessitaient une procédure de mise en concurrence ;
- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu une cause exonératoire de responsabilité :
o les consorts H... n'ont jamais entretenu leurs parcelles laissées en friche alors que l'action de la végétation poussant dans les interstices naturels est une des causes des éboulements ; ils avaient acheté leur maison et la falaise la surplombant en toute connaissance de cause ; ils n'ont pas entrepris les travaux de sécurisation de la falaise sur leur parcelle malgré les demandes de la commune pendant neuf ans ; ils ont en outre refusé de se soumettre à l'arrêté d'interdiction d'habiter ;
o l'absence de contribution des consorts H... au dommage ne revêt pas l'autorité de la chose jugée, celle-ci ne s'étendant pas au raisonnement intégral tenu par la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt du 25 janvier 2017 ;
- en ce qui concerne les préjudices allégués des consorts H... :
o en ce qui concerne la condamnation au profit des consorts F..., le tribunal a souligné que les consorts H... sont, en tant que gardiens, tenus à la réparation des préjudices et que la nécessité de la commune d'avoir à réaliser les travaux sur le fondement de son pouvoir de police générale n'était que la conséquence de l'inertie des consorts H... depuis l'année 2001 ; en outre, les consorts H... ne rapportent pas la preuve qu'ils ont honoré leur condamnation au profit des consorts F... ;
o en ce qui concerne le préjudice locatif invoqué, il n'est pas établi que la maison a été squattée, alors qu'au contraire l'arrêté d'interdiction d'habiter n'a pas été respecté ; une partie de ce préjudice serait en tout état de causé prescrit en application de la prescription quadriennale ;
o en ce qui concerne le préjudice lié aux prétendus travaux de remise en état du bien, aucune pièce n'est produite pour établir ce préjudice ;
o aucun préjudice moral n'est établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations N... I..., représentant Mmes H..., et N... G..., représentant la commune de Plérin.
Une note en délibéré, enregistrée le 2 février 2021, a été présentée pour les consorts H....
Une note en délibéré, enregistrée le 9 février 2021, a été présentée pour la commune de Plérin.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... H... et Mme K... B... épouse H... ont acquis le 28 août 2000, sur le territoire de la commune de Plérin (Côtes-d'Armor) une parcelle cadastrée AS. n° 79 comportant une maison d'habitation et une parcelle cadastrée AS n° 68 non construite et nommé " la côte du Four à Chaux ". Cette dernière parcelle comprend une partie d'une falaise qui surplombe plusieurs autres parcelles construites en contrebas. En juillet 2001, des éboulements en provenance de la falaise ont été constatés sur certaines des parcelles en contrebas, à la suite desquels une expertise a été diligentée à la demande du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de la commune pour apprécier le risque encouru et définir les mesures d'urgence. Le diagnostic sollicité a été adressé à la commune le 2 août 2001 et relevait un risque important de chutes de blocs depuis la façade vers les arrières cours des parcelles 83 et 82 et un risque plus faible pour la parcelle 81. Le diagnostic invitait à stabiliser en urgence un gros bloc de la falaise en équilibre instable et à plus long terme de consolider le tronçon de falaise des trois parcelles, par pose d'un grillage, en vue d'un " emmaillotage " des masses rocheuses instables et boulonnage des parois. Par courrier du 3 août 2001, la commune de Plérin a transmis à M. et Mme H... les conclusions du diagnostic et leur a demandé de prendre les dispositions nécessaires pour prévenir tout accident et de la tenir informée. Un nouvel éboulement est intervenu au cours du mois de juillet 2003 et, par courrier du 15 juillet 2003, le maire de la commune a de nouveau demandé à M. et Mme H... de prendre les dispositions nécessaires pour éviter toute nouvelle chute de pierres. Un nouvel éboulement est intervenu au mois de juillet 2006, endommageant partiellement la propriété de M. et Mme F..., implantée sur la parcelle n° 78. Par un courrier du 8 novembre 2006, le maire de Plérin a mis en demeure M. et Mme H... d'intervenir, avant la fin de l'année, sur le bloc en équilibre instable sur la falaise. N'obtenant pas de réponse, le maire a, par courrier du 21 février 2007, sollicité à nouveau M. et Mme H.... Puis, le 17 avril 2007, il a pris un arrêté interdisant toute occupation de l'immeuble, cadastré n° 78, appartenant aux consorts F... en raison des éboulements constatés depuis la falaise cadastrée n° 68. Le même jour, le maire de la commune a pris un arrêté similaire concernant l'immeuble cadastré n° 79, appartenant à M. et Mme H.... Par un arrêté du 1er octobre 2007, le maire a autorisé M. H... à réaliser des travaux de pose de traverses de chemin de fer d'une hauteur d'un mètre, en maintenant l'interdiction d'occupation, les travaux préconisés en août 2001 n'ayant pas été réalisés.
2. M. C... et Mme F..., propriétaires de l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée AS 78, ont demandé au tribunal de grande instance de Saint-Brieuc de condamner M. et Mme H... à effectuer les travaux de consolidation de la falaise. M. et Mme H... ont appelé dans l'instance ouverte devant le juge judiciaire la commune de Plérin et ont demandé la nomination d'un expert, demande à laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a fait droit par une ordonnance du 24 septembre 2009. L'expert désigné par le juge judiciaire a rendu son rapport le 21 mai 2010. Par un courrier du 23 août 2011, le conseil de M. et Mme H..., qui avaient fait l'objet antérieurement d'un arrêté du 27 mai 2010 portant mise en demeure de cesser l'occupation illégale de leur logement cadastré n° 79, a saisi la commune de Plérin d'une demande tendant à l'exécution des travaux de consolidation préconisés par l'expert en mai 2010. Cette demande ayant été implicitement rejetée, M. et Mme H... ont saisit le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Plérin de faire exécuter les travaux de sécurisation sur la parcelle cadastrée n° 68. Par un jugement n° 1104935 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision implicite et a enjoint au maire de la commune de Plérin de prendre les mesures de protection préconisées par l'expert ou d'autres mesures équivalentes pour assurer la sécurité des immeubles appartenant à M. et Mme H... et à Mme C..., les travaux devant être réalisés dans un délai de dix mois. L'appel de la commune de Plérin contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015 a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 15NT01320 du 25 janvier 2017. Les travaux de confortation et de réalisation de la falaise ont été exécutés aux mois de juillet et août 2017. Puis par deux arrêtés du 6 octobre 2017, le maire de la commune de Plérin a levé l'interdiction d'habiter l'immeuble cadastré section AS n° 78, appartenant aux consorts F... et l'immeuble cadastré n° 79, appartenant à Mme K... H... et, M. D... H... étant décédé en 2013, aux enfants et héritiers de ce dernier, Mme A... H... et M. J... H.... Par un jugement du 18 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a condamné solidairement les consorts H... à indemniser les consorts F... en raison de la perte de chance de vendre leur immeuble situé sur la parcelle n° 78.
3. Entre-temps, par un courrier du 8 septembre 2016, parvenu le 12 septembre suivant auprès de son destinataire, le conseil de Mmes H... et M. H... a saisi la commune de Plérin d'une demande indemnitaire. Les consorts H... relèvent appel du jugement n° 1605224 du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Plérin.
Sur l'intervention de Mme K... H... en qualité d'héritière de M. J... H... :
4. L'article R. 634-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans les affaires qui ne sont pas en état d'être jugées, la procédure est suspendue par la notification du décès de l'une des parties ou par le seul fait du décès, de la démission, de l'interdiction ou de la destitution de son avocat. Cette suspension dure jusqu'à la mise en demeure pour reprendre l'instance ou constituer avocat ".
5. Il résulte de l'instruction que M. J... H..., un des appelants dans la présente instance, est décédé en juin 2020. Sa mère, Mme K... H..., et sa soeur, Mme A... H..., par ailleurs également appelantes dans la présente instance, étaient ses héritières. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que Mme A... H... a entendu renoncer à la succession de son frère. Dès lors, si dans les dernières écritures Mme K... H... a entendu présenter une intervention en qualité d'héritière de son fils, elle doit, par ce mémoire du 18 décembre 2020, être regardée comme ayant en réalité entendu reprendre à son compte, en tant qu'héritière, l'instance introduite par M. J... H....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser (...) les éboulements de terre ou de rochers (...) ". Par ailleurs, l'article L. 2212-4 du même code dispose que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites ".
7. Les dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales autorisent le maire, en cas de danger grave ou imminent, à ordonner l'exécution de travaux sur une propriété privée en les faisant réaliser par la commune à ses frais, dès lors que ces travaux présentent comme en l'espèce un intérêt collectif. Il appartiendrait seulement à la commune, si elle estime que le manquement du propriétaire à des obligations lui incombant a contribué à créer la situation de risque, d'exercer à son encontre une action tendant à mettre en cause sa responsabilité civile.
8. Par un arrêt du 25 janvier 2017 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la commune de Plérin dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 février 2015 annulant la décision implicite par laquelle le maire de cette commune avait refusé de faire usage des pouvoirs conférés par l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales pour faire exécuter les travaux de sécurisation de la falaise dont une partie se trouve sur la parcelle n° 68 appartenant aux consorts H.... L'illégalité de cette décision implicite est donc de nature à engager la responsabilité de la commune de Plérin, au regard des seuls préjudices qui sont la conséquence de cette illégalité.
9. Néanmoins, il résulte de l'instruction, comme l'a au demeurant relevé le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc dans son jugement définitif du 18 juillet 2019, que l'attention de M. et Mme H... a été attirée dans l'acte de vente de la parcelle n° 68 sur l'existence d'une falaise, une clause prévoyant que " l'acquéreur (...) en fera son affaire personnelle de manière que le vendeur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet ". Dès 2001, les intéressés ont été informés de la fragilité de la falaise du fait des éboulements survenus à l'été 2001. Dès le mois d'août 2001, M. et Mme H... ont également été informés par la commune des résultats du diagnostic mené par le BRGM et des mesures de sécurisation urgentes et à long terme devant être menées. Si l'expert désigné en 2010 a indiqué qu'il ne semblait pas y avoir d'accès direct au haut de la falaise, il a relevé que c'était " en raison de l'absence de chemin et de l'embroussaillement de la parcelle ". Il ne résulte dès lors pas de l'instruction que toute intervention sur la falaise était impossible, alors qu'il résulte également de cette expertise que la végétation présente sur la parcelle 68 constitue l'une des causes de la fragilisation de la roche dans la falaise à l'origine des éboulements. Il résulte également de l'instruction que le maire de la commune a attiré l'attention de M. et Mme H... sur les risques successivement en 2001, 2003 et 2006 avant de prononcer en 2007 des interdictions d'occupation de certaines des habitations situées en contrebas de la falaise, dont celle des appelants. Si M. et Mme H... ont procédé à la réalisation de travaux soumis à déclaration en 2007, le maire de la commune leur a rappelé que ces travaux ne permettaient pas la sécurisation efficace du site en maintenant par l'arrêté du 1er octobre 2007 l'interdiction d'occupation de leur parcelle n° 79. Par ailleurs, si les appelants soutiennent avoir sollicité des entreprises pour la réalisation de travaux de confortement de la falaise et s'être heurtés à des refus, ils n'apportent aucun élément à l'appui de cette affirmation et n'établissent donc, en tout état de cause, aucunement l'impossibilité d'exécuter les travaux nécessités par l'état de leur parcelle n° 68, alors même qu'il leur incombait, en qualité de propriétaires, d'entretenir cette parcelle et de parer aux risques que faisait courir la falaise. Dans ces conditions, les préjudices invoqués par Mmes H..., constitués par leur condamnation au profit des consorts F... prononcée par le juge judiciaire, l'impossibilité de louer la maison située sur la parcelle n° 79 et l'existence d'un préjudice moral, au demeurant non établi, ne peuvent être regardés comme la conséquence directe de l'illégalité fautive de la décision implicite du maire de la commune de Plérin refusant de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient de l'article L. 2214-2 du code général des collectivités territoriales, ni du retard allégué mis par la commune pour mettre en oeuvre ces pouvoirs et faire réaliser, à ses frais, les travaux de confortement de la falaise située sur leur parcelle n° 68.
10. En deuxième lieu, eu égard aux risques d'éboulement de la falaise implantée sur la parcelle n° 68, soulignés par le diagnostic diligenté à la demande du BRGM en août 2001, et des éboulements intervenus en 2001, 2003 et 2006, dont le dernier a endommagé la propriété des consorts F..., Mmes H... ne sont pas fondées à soutenir que le maire de la commune de Plérin aurait commis une faute en prenant une mesure d'interdiction d'occuper l'immeuble situé sur la parcelle n° 78, appartenant aux consorts F.... Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que M. et Mme H... n'auraient pas reçu notification de l'arrêté portant interdiction d'occuper leur propre immeuble situé sur la parcelle n° 79 est sans lien avec les préjudices allégués.
11. En troisième lieu, en l'absence de toute indication précise sur les conditions et la date de la délivrance de l'autorisation d'urbanisme en cause, les appelantes n'établissent aucunement que la commune de Plérin aurait commis une faute en ne s'opposant pas à la construction de la véranda sur la parcelle n° 78 appartenant aux consorts F..., endommagée à la suite d'un éboulement.
12. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux de confortement de la falaise située sur la parcelle 68 ont été exécutés, pour le compte de la commune de Plérin, entre les mois de juillet et août 2017. Il résulte également de l'instruction que les opérations préalables à la réception se sont tenues le 19 septembre 2017. Dans ces conditions, Mmes H... ne sont pas fondées à soutenir que la commune a commis une faute en ne prononçant la levée des arrêtés d'interdiction d'habiter de 2007 que le 6 octobre 2017.
13. En dernier lieu, Mmes H... ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions indemnitaires dirigées dans le cadre de la présente instance contre la commune de Plérin, une rupture d'égalité au motif que dans une instance pendante devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, la commune a demandé leur condamnation seule, à l'exclusion d'autres propriétaires, au remboursement des frais exposés pour le confortement de la falaise, alors, en tout état de cause, qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'étude diagnostique diligentée en 2014 à la demande de la commune, que les parcelles exposées à un risque très élevé d'éboulement se situent principalement en contrebas de leur parcelle n° 68.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Plérin, que Mmes H... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de cette commune.
Sur les frais du litige :
15. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plérin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mmes H... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
16. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mmes H... à verser à la commune de Plérin la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête des consorts H... est rejetée.
Article 2 : Mmes H... verseront à la commune de Plérin la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme K... H..., représentante unique désignée par la Selarl Kovalex, mandataire, et à la commune de Plérin.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme L..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
La rapporteure,
M. L...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00255