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15/04/2021 | FRANCE | N°19NT02627

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 avril 2021, 19NT02627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Transports Blochon-Martin a demandé au tribunal administratif de Caen d'ordonner la restitution des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dont elle s'estime titulaire au titre des années 2010 et 2011 à hauteur respectivement de 59 052 euros et 66 315 euros, assortis d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1801431 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant au remboursement du crédit

d'impôt pour dépenses de recherche au titre de l'année 2011 (article 1er) et rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Transports Blochon-Martin a demandé au tribunal administratif de Caen d'ordonner la restitution des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dont elle s'estime titulaire au titre des années 2010 et 2011 à hauteur respectivement de 59 052 euros et 66 315 euros, assortis d'intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1801431 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant au remboursement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre de l'année 2011 (article 1er) et rejeté le surplus sa demande (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, la SAS Transports Blochon-Martin, représentée par Lefèvre, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de prononcer cette restitution du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la date limite du dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés était le 15 mai 2011 ; le délai de réclamation expirait le 31 décembre 2013 ; sa déclaration spéciale 2069, déposée le 15 juillet 2013, n'était pas tardive ;

- le remboursement du crédit d'impôt recherche doit être spontané au terme de trois années pendant lesquelles il n'a pu être imputé ;

- en raison de la nature même du crédit d'impôt recherche, les règles du livre des procédures fiscales, notamment les articles L. 190 et R. 196-1, ne sont pas adaptées pour demander le remboursement d'une telle créance sur l'Etat ; un droit au remboursement ne doit pas être soumis à des règles propres au contentieux ; seul le délai de prescription quadriennale prévu à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 doit être retenu ; ce délai a couru du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018 ; en souscrivant le 15 mai 2017 son formulaire n° 2573-SD " suivi des créances " pour obtenir le remboursement de sa créance d'impôt au titre de l'année 2010, elle n'était pas tardive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Transports Blochon-Martin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Transports Blochon-Martin, qui exerce une activité de transports routiers de frets interurbains, a déposé le 15 juillet 2013 une déclaration spéciale " Crédit d'impôt en faveur de la recherche " (imprimé 2069 A) au titre de l'année 2010 pour 59 052 euros, puis le 12 mai 2017 une demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche afférent à des dépenses engagées en 2010. Le 20 avril 2018, l'administration a rejeté cette demande pour tardiveté du dépôt de sa déclaration. Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Caen a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au remboursement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre de l'année 2011 (article 1er) et rejeté le surplus de sa demande (article 2). La société relève appel de l'article 2 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (...) ". Aux termes de l'article 199 ter B de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) / IV. Par exception à la troisième phrase du premier alinéa du I : / (...) 3° Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 s'impute sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2009 et l'excédent est immédiatement remboursable. / Les entreprises peuvent obtenir, sur demande, le remboursement immédiat d'une estimation de la différence positive entre, d'une part, le montant du crédit d'impôt calculé à raison des dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2009 et, d'autre part, le montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2009 (...) ".

3. Aux termes de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-590 du 23 juin 2008 : " I. -Pour l'application des dispositions des articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts, les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l'administration. Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés déposent cette déclaration spéciale auprès du service des impôts avec le relevé de solde mentionné à l'article 360. S'agissant des sociétés relevant du régime des groupes de sociétés prévu à l'article 223 A du code général des impôts, la société mère dépose les déclarations spéciales pour le compte des sociétés du groupe. Elle les joint, y compris celle la concernant, au relevé de solde relatif au résultat d'ensemble du groupe (...). / II.- Une copie de la déclaration spéciale mentionnée au I est adressée, dans le même délai que celui qui est prévu pour le dépôt du relevé de solde ou de la déclaration de résultat, aux services relevant du ministère chargé de la recherche ". Aux termes de l'article 360 de la même annexe, dans sa rédaction applicable au litige : " La liquidation de l'impôt sur les sociétés mentionnée au 2 de l'article 1668 du code général des impôts est réalisée par le redevable et détaillée sur un relevé de solde dont le modèle est fourni par l'administration, daté et signé de la partie versante et indiquant la nature du versement, son échéance, les éléments de liquidation, ainsi que la désignation et l'adresse du principal établissement de l'entreprise (...). Les demandes de restitution de créances remboursables sont formulées sur ce relevé ". Aux termes de l'article 360 bis de cette annexe : " (...) Le dépôt du relevé de solde est effectué au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice ou, si aucun exercice n'est clos en cours d'année, le 15 mai de l'année suivante. ".

4. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 244 quater B et de l'article 199 ter B du code général des impôts, de l'article 49 septies M de l'annexe III à ce code et de l'article 360 de la même annexe que le dépôt de la déclaration spéciale " Crédit d'impôt en faveur de la recherche " (imprimé 2069 A) valait demande de remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche. Dès lors, dans ces conditions, le délai de réclamation relatif à ce crédit d'impôt court à compter de la date limite de dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés, auquel devait être jointe la déclaration spéciale relative au crédit d'impôt recherche. Toutefois, en l'espèce, l'exercice en 2010 n'ayant pas été clos, la date du 15 mai 2011 et non le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l'exercice doit être retenue comme date limite de dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés. Cette date du 15 mai 2011 doit être également regardée comme une date d'événement au sens des dispositions du c) du premier alinéa de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Le délai de réclamation relatif à ce crédit d'impôt au titre des dépenses engagées au titre de l'année 2010 a couru du 15 mai 2011 au 31 décembre 2013. La déclaration imprimé 2069 A, déposée le 15 juillet 2013 par la société requérante, n'était donc pas tardive, au regard des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

6. En second lieu, pour obtenir le remboursement de la fraction du crédit d'impôt-recherche, non imputée sur l'impôt sur les sociétés, le contribuable doit présenter à l'administration une demande expresse en ce sens. Cette demande de remboursement tendant au bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La recevabilité d'une telle réclamation s'apprécie au regard des règles posées par les articles R. 196-1 et R. 196-3 du même livre. Ces règles ont pour effet d'instituer un régime légal de prescription propre aux créances d'origine fiscale dont les contribuables entendent se prévaloir envers l'Etat. Il résulte des termes mêmes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, que la prescription quadriennale instituée par cette loi n'est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spéciale à une catégorie déterminée de créances susceptibles d'être invoquées à l'encontre de l'une de ces personnes morales de droit public. La créance en litige est, dès lors, exclue du champ d'application de la loi du 31 décembre 1968.

7. La naissance, au 1er janvier de la quatrième année suivant celle à laquelle le crédit d'impôt recherche est généré, du droit à remboursement de la fraction de ce crédit d'impôt recherche non imputée constitue la réalisation de l'événement qui motive la réclamation que peut présenter le contribuable, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. En l'espèce, il incombait par suite à la SAS Transports Blochon-Martin de demander avant le 31 décembre 2016 le remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle disposait en 2010 et qu'elle n'avait pas imputé cette année-là, ni les trois années suivantes 2011, 2012 et 2013, en raison de sa situation déficitaire. Il suit de là que sa demande de remboursement du 12 mai 2017 est tardive au regard des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Transports Blochon-Martin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant au remboursement du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre de l'année 2010. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Transports Blochon-Martin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Transports Blochon-Martin et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

Le rapporteur,

J.E. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02627
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : HERPIN LEFEVRE XUEREF

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-15;19nt02627 ?
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