Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) TAT a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1704535 du 10 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, la SAS TAT, représentée par Me Ballet et Me Gouin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 6 juin 2014, qui est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne l'a pas informée des motifs de la diminution des montants des rappels qui lui permettraient de comprendre et d'identifier les rappels maintenus et abandonnés ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;
- l'avis de mise en recouvrement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne mentionne ni la lettre du 20 février 2015 ni la proposition de rectification du 17 mars 2015 ;
- elle dispose de deux secteurs, l'un taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre hors du champ d'application de cette taxe ; des salariés interviennent concurremment dans les deux secteurs et d'autres sont exclusivement affectés au secteur taxable ; seules les rémunérations versées à des personnels communs aux deux secteurs d'activité doivent être incluses dans la base de calcul de la taxe sur les salaires dès lors qu'ils exercent des fonctions dans le secteur financier ;
- les rémunérations versées à M. G..., directeur du développement immobilier, à M. H..., directeur du pôle de maintenance, à Mme F..., chef comptable, à M. E..., directeur administratif et financier, à Mme B..., secrétaire de direction, et à Mme I..., assistante, ne doivent pas être prises en compte dans la base de calcul de la taxe sur les salaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à un non-lieu à statuer à concurrence de la somme de 385 140 euros et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que le dégrèvement prononcé le 14 novembre 2019 est fondé par l'exclusion des rémunérations de MM. G... et H... de la base de calcul de la taxe sur les salaires et que, pour le surplus, les moyens soulevés par la SAS TAT ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) TAT, société holding dans l'expertise et la maintenance dans le domaine de l'aviation, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur les exercices clos en 2011 et 2012, conteste le jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 14 novembre 2019, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires mis à la charge de la société par actions simplifiée (SAS) TAT à concurrence d'un montant global de 385 140 euros. Les conclusions de la requête de la SAS TAT sont, dans cette mesure, sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, la proposition de rectification du 6 juin 2014 mentionne les impôts litigieux et les périodes d'imposition concernées, les articles du code général des impôts applicables ainsi que les éléments de fait justifiant notamment de l'assujettissement de la SAS TAT à la taxe sur les salaires. Elle est donc suffisamment motivée et a mis la société à même de formuler ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par un courrier du 13 mai 2015. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année 2011 : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (...) " et dans sa rédaction applicable à l'année 2012 : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. (...). ". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration modifie les rehaussements au cours de la procédure d'imposition, elle doit informer le contribuable par écrit tant de ces modifications des bases d'imposition que des conséquences qui en résultent sur le montant des droits et pénalités maintenus à sa charge.
5. Le service, par lettre du 20 février 2015, faisant suite à la réunion avec l'interlocuteur qui s'est tenue le 17 février 2015, a informé la société requérante que si les rappels sont maintenus dans leur principe, sous réserve des corrections des erreurs de calcul faites pour l'année 2012, la majoration de 40 % pour manquement délibéré sera remplacée par la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts, en raison de l'absence de dépôt de déclaration de taxe sur les salaires et qu'une proposition de rectification complémentaire lui sera adressée en ce sens. Cette nouvelle proposition de rectification, au demeurant suffisamment motivée, est intervenue le 17 mars 2015. Ainsi, la société a été mise à même d'identifier les rappels maintenus et, en ce qui concerne chacun d'entre eux, d'en comprendre les motifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
6. Enfin, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...). ".
7. L'avis de mise en recouvrement du 17 août 2015 se référait à la proposition de rectification du 6 juin 2014 d'où le redressement était issu ainsi qu'à la réponse aux observations du contribuable du 22 septembre 2014 qui l'avait suivie mais ne mentionnait ni la lettre du 20 février 2015 réitérant la première proposition de rectification et informant la SAS TAT d'une modification, à la baisse, des droits mis à sa charge, pour des montants correspondant à ceux qui ont été finalement mis en recouvrement, ni la proposition de rectification du 17 mars 2015. Toutefois, il n'est pas contesté que tant la lettre du 20 février 2015 que la proposition de rectification du 17 mars 2015, au demeurant produite par la SAS TAT, ont été régulièrement notifiées à celle-ci. Ainsi, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a pas privé la société de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement. Dans ces conditions, l'erreur matérielle ainsi commise n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.
Sur le bien-fondé des rappels :
8. Dans sa rédaction applicable aux années 2011 et 2012, le 1 de l'article 231 du code général des impôts dispose que : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...) et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...). L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ".
9. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. La taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui ne seraient pas exclusivement affectés à l'un des secteurs ne peut, toutefois, qu'être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.
10. La SAS TAT ne conteste pas qu'elle disposait en 2011 et 2012 de deux secteurs, l'un taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre situé hors du champ d'application de cette taxe et fait valoir que certains salariés interviennent concurremment dans les deux secteurs et que d'autres sont exclusivement affectés au secteur taxable.
11. En premier lieu, la SAS TAT n'invoque aucun moyen pour s'opposer à ce que les rémunérations versées à Mme F..., chef comptable, et à M. E..., directeur administratif et financier, soient prises en compte dans la base de calcul de la taxe sur les salaires.
12. En deuxième lieu, si le contrat de Mme B..., secrétaire de direction, et celui de Mme I..., assistante de direction financière, renvoient à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises du transport aérien, de telles stipulations conventionnelles ne sont pas de nature à démontrer que les rémunérations versées par la SAS TAT à Mmes B... et I... n'auraient pour contrepartie que l'exercice de fonctions salariées au sein du seul secteur taxable à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'exclusion de toutes fonctions transverses, y compris dans le secteur financier, compte tenu de leurs fonctions polyvalentes au sein de la direction de la société. Dans ces conditions, Mmes B... et I... doivent être regardées comme ayant été concurremment affectées aux deux secteurs d'activité de la société et leur rémunération comme entrant dans le champ de la taxe sur les salaires.
13 Il résulte de tout ce qui précède que la SAS TAT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus, non dégrevé en appel, de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS TAT et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS TAT tendant à la décharge des rappels de taxe sur les salaires à hauteur de la somme de 385 140 euros.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS TAT une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS TAT est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée TAT et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02206