Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Franklin Bach, liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) MAM International, a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2009, 2010 et 2011 et de retenues à la source au titre des années 2009 à 2011.
Par un jugement n° 1703390 du 7 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 juillet 2019 et 16 avril 2020, la SELARL Franklin Bach, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière :
- ses fichiers d'écritures comptables relatifs à l'exercice clos le 30 septembre 2011 n'ont pas été restitués à la SARL MAM International, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- le vérificateur a porté atteinte au principe du débat oral et contradictoire dès lors qu'il n'a pas reporté la date de la réunion de synthèse prévue le 20 décembre 2012 alors qu'elle en avait fait la demande le 27 décembre 2012 au motif que son expert-comptable ne pouvait pas être présent à cette réunion ;
- l'agent ayant assisté le vérificateur n'a pas signé la proposition de rectification ;
- l'administration a méconnu la réglementation postale dès lors qu'elle n'a pas précisé le nom et l'identité du destinataire des différentes correspondances adressées à la SARL MAM International ;
- les impositions ne sont pas fondées :
- la réalité des prestations des sociétés Gray's Inn Associates Ltd (GIA) et International Aviation Consulting Ltd (IAC) est établie par leurs factures litigieuses, un quitus fiscal délivré le 11 février 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés au 31 décembre 2008, des comptes rendus, sauf en ce qui concerne le continent africain où les pratiques commerciales ne retiennent pas l'usage de compte rendu, un projet avec l'Indonésie et des articles de presse spécialisée ;
- l'administration n'a ni fait de commentaire ni formulé de critique sur les opérations de vente des aéronefs lors d'un précédent contrôle fiscal qui portait sur des dossiers similaires au titre des années 2004 et 2005 ; cette circonstance constitue une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de l'entreprise au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- si le service considère comme non déductible la charge exceptionnelle constatée au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011 d'un montant de 53 659 euros, cette charge correspond à la taxe sur la valeur ajoutée facturée à la SARL MAM International et non récupérée par cette dernière et ce montant figure donc en solde débiteur du compte " 445662 TVA / Prestations hors CEE " en tant que charge exceptionnelle ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 janvier et 6 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Franklin Bach ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2020.
Un mémoire, présenté pour SELARL Franklin Bach, a été enregistré le 3 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) MAM International, exerçant une activité d'intermédiaire dans la vente d'aéronefs pour le compte du groupement d'intérêt économique (GIE) ATR, et placée en liquidation judiciaire le 3 février 2015 par le tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2011, à l'issue de laquelle elle a été assujettie, en droits et pénalités, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2009 à 2011 et à des retenues à la source au titre des années 2009 à 2011. Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Franklin Bach, liquidateur judiciaire de la SARL MAM International, tendant à la décharge de ces impositions. La SELARL Franklin Bach relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Le 10 avril 2012, la SARL MAM International a remis à l'administration un cédérom contenant des copies de fichiers des écritures comptables relatifs à l'exercice clos le 30 septembre 2011. L'administration a restitué ce cédérom par envoi postal du 16 décembre 2013, reçu le 18 suivant, soit avant l'avis de mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source du 14 novembre 2014. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales manque en fait.
3. La SELARL Franklin Bach soutient que l'administration a porté atteinte au principe du débat oral et contradictoire dès lors qu'elle n'a pas reporté la date de la réunion de synthèse du 20 décembre 2012 alors que la SARL MAM International avait demandé que la date de cette réunion soit fixée le 27 décembre 2012 au motif que son expert-comptable ne pouvait pas être présent à cette réunion. Alors que le vérificateur s'est rendu à neuf reprises sur place en présence de la gérance de la société entre le 22 mars et le 26 juillet 2012, la SELARL n'établit pas que cet agent se serait refusé à tout débat ni au cours de cette réunion de synthèse, laquelle ne revêt pas de caractère obligatoire, ni au cours de ses autres interventions. Dès lors, l'administration n'était pas tenue de reporter la réunion de synthèse à une date ultérieure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère oral et contradictoire de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL MAM International doit être écarté.
4. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucune disposition de la charte des droits et obligations du contribuable que les agents ayant assisté le vérificateur doivent être signataires de la proposition de rectification.
5. Le moyen tiré de la méconnaissance de la réglementation postale en ce que l'administration n'a pas précisé le nom et l'identité du destinataire des différentes correspondances adressées à la SARL MAM International est inopérant dans la mesure où il est constant que la société a reçu ces correspondances.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la remise en cause de la déduction de charges résultant des factures des sociétés GIA et IAC :
6. Aux termes de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Les (...) rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de rémunérations, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France.
7. La SARL MAM International a comptabilisé en charges une facture émise par la société Gray's Inn Associates Ltd (GIA), domiciliée à Jersey et aux Iles Vierges britanniques, et dix factures de la société International Aviation Consulting Ltd (IAC), domiciliée à l'Ile Maurice, pour rémunérer des prestations de conseil en aéronautique et en commerce dans le but de vendre des aéronefs sur le marché africain, soit un total de 1 275 229 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2009, 686 466 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2010 et 399 607 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011.
8. Le service relève que ces factures ont été émises par des sociétés installées dans des pays à fiscalité privilégiée en se fondant sur les dispositions de l'article 238 A du code général des impôts. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que, d'une part, les sociétés résidentes ou non-résidentes à Jersey sont imposées à l'impôt sur les bénéfices à un taux de 0% sauf les sociétés de services financiers et les sociétés de service public qui sont respectivement assujettis à cet impôt à des taux de 10 % et 20 %, dont ne relève pas la SARL MAM International. D'autre part, toutes les sociétés sont exemptées d'impôt sur les revenus et d'autres impositions directes sur les bénéfices et les revenus aux Iles Vierges britanniques. Enfin, les sociétés, comme la SARL MAM International, qui appartiennent au registre " Global Business Licence (GBL) " ne sont soumis à aucun impôt sur les sociétés ni autre imposition sur les bénéfices et les revenus à l'Ile Maurice. Dans la proposition de rectification, l'administration a rappelé qu'en France, le taux d'impôt sur les sociétés est à 33,33 %. Alors même qu'elle a omis de préciser que le taux d'imposition résulte du cumul éventuel de l'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire de 3,30 % à cet impôt au cours de l'exercice en cause en 2009 à 2011, l'administration, en comparant cette absence d'imposition concernant les commissions versées aux sociétés GIA et IAC par la SARL MAM International dans ces trois pays, point qui ne faisait pas l'objet de contestation, et le taux auxquels auraient été soumises les commissions au regard du régime fiscal qui aurait été applicable en France si la SARL MAM International y avait exercé la même activité, apporte la preuve que les commissions avaient été soumises à des régimes fiscalement privilégiés. Elle a donc fait une exacte application de l'article 238 A du code général des impôts en refusant la déduction de charges en litige. Il appartient, en conséquence, à la société requérante d'apporter la preuve que les dépenses litigieuses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
9. La réalité des prestations des sociétés GIA et IAC n'est pas établie par les factures produites qui sont peu détaillées ou circonstanciées. La SELARL Franklin Bach ne démontre pas la réalité des prestations en faisant état d'un quitus fiscal délivré le 11 février 2009 par lequel l'administration a attesté que la SARL MAM International était à jour de ses obligations fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés au 31 décembre 2008, et en faisant valoir l'existence de pratiques commerciales sur le continent africain qui ne retiennent pas l'usage de compte-rendu. En outre, les comptes rendus portant sur les années 2004 et 2005 sont sans lien avec les années litigieuses. D'autres comptes rendus produits ne sont d'aucune portée utile dès lors que les sociétés GIA et AIC n'y figurent pas. La société requérante invoque un projet avec l'Indonésie, lequel n'est pas situé sur le continent africain. De plus, la société requérante ne peut pas se prévaloir d'articles de presse spécialisée.
10. Pour la même raison tirée de l'absence de réalité des prestations facturées, la société requérante ne peut pas utilement faire valoir la circonstance que l'administration n'avait fait aucun commentaire ni effectué aucune critique sur les opérations de vente des aéronefs lors d'un précédent contrôle fiscal qui portait sur les années 2004 et 2005 sur des dossiers similaires. De plus, une des sociétés, la société IAC, n'existait pas pendant les années 2004 et 2005, sur lesquelles a porté ce contrôle, dès lors qu'elle a été enregistrée le 28 septembre 2006. En tout état de cause, la circonstance qu'à l'issue d'une autre vérification de comptabilité, la société n'ait fait l'objet d'aucun redressement ne saurait être regardée comme constituant une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de l'entreprise au regard d'un texte fiscal, opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne la remise en cause d'une charge exceptionnelle :
11. La SARL MAM International a inscrit au compte " 445662 TVA / Prestations hors CEE " en tant que charge exceptionnelle un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 53 659 euros qui lui a été facturé par la société IAC au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011. Toutefois, la SELARL Franklin n'établit pas la réalité de la prestation fournie par la société IAC.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
12. L'administration doit être regardée comme établissant en l'espèce l'intention d'éluder l'impôt, qui justifie l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts, en se fondant tant sur l'importance et la nature des rehaussements litigieux dus à l'existence d'importantes déductions non justifiées que sur le caractère grave et répété des manquements ainsi constatés pour les trois années vérifiées du fait de l'absence de réalité des prestations facturées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Franklin Bach, liquidateur judiciaire de la SARL MAM International, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de la SARL MAM International. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Franklin Bach est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Franklin Bach et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.
Le rapporteur,
J.E. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02701