La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2021 | FRANCE | N°20NT03036

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 juin 2021, 20NT03036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a, par deux demandes distinctes, demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 68 000 euros et de 26 936,02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires annuelles concernant les années scolaires 2009-2010, 2010-2011 et 2011-2012 et de réparation de son préjudice moral.

Par un jugement nos 1400299, 1404549 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17NT00075 du 15 octobre 2018,

la cour administrative d'appel de Nantes a condamné l'Etat à verser à Mme D... la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a, par deux demandes distinctes, demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 68 000 euros et de 26 936,02 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires annuelles concernant les années scolaires 2009-2010, 2010-2011 et 2011-2012 et de réparation de son préjudice moral.

Par un jugement nos 1400299, 1404549 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17NT00075 du 15 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des années 2009-2010 et 2011-2012.

Par une décision n° 426312 du 21 septembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, a annulé les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, à la cour l'affaire qui porte désormais le n° 20NT03036.

Procédure devant la cour :

Avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier 2017 et 4 juillet 2018, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 26 936,02 euros et 68 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter respectivement du 20 juin 2014 et du 15 novembre 2013 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon les dispositions de l'article 5 du décret n° 99-823 du 17 septembre 1999, un enseignant titulaire en zone de remplacement est susceptible de se voir confier non seulement des fonctions d'enseignement devant les élèves mais également des activités de nature pédagogique ;

- ni l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 décembre 2003 ni le décret n° 2000-815 du 25 août 2000, visés par le tribunal administratif, ne lui sont applicables ;

- ses fonctions de responsable de formation impliquaient l'évaluation des travaux écrits des élèves, la conception des contenus et documents de travail et la formation des élèves ; elle a entretenu une relation directe avec ses élèves par écran interposé ou par voie téléphonique ;

- le recteur ne pouvait légalement l'affecter au CNED ainsi que l'a jugé le tribunal administratif dans son jugement du 24 juin 2013 ;

- le titulaire en zone de remplacement est soumis à l'obligation règlementaire de service du corps auquel il appartient, soit quinze heures hebdomadaires pour les professeurs agrégés du second degré, au-delà de laquelle il perçoit des heures supplémentaires ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle n'était pas dispensée d'effectuer d'autres missions dans le cadre statutaire applicable au personnel du CNED ;

- elle a effectué trente-cinq heures par semaine pendant quarante-trois semaines au CNED au lieu de quinze heures hebdomadaires sur une année scolaire de trente-six semaines ;

- ayant effectué un minimum de vingt heures supplémentaires par semaine non payées, elle doit être rémunérée en heures supplémentaires années (HSA) jusqu'à la trente-sixième semaine et en heures supplémentaires effectives (HSE) au-delà ;

- elle est fondée à solliciter en outre la réparation du préjudice moral résultant pour elle du refus du recteur de lui faire application des dispositions statutaires et de lui payer les heures supplémentaires effectuées ;

- le décompte du rappel des heures supplémentaires réalisés sur la période 2010-2011 produit par le recteur d'académie est contestable dans la mesure où la rémunération des heures supplémentaires doit être calculée en fonction de la durée du calendrier scolaire de trente-six semaines et non sur cinquante-deux semaines, que les heures réalisées au-delà de trente-six semaines ne constituent pas des " heures supplémentaires années ", que le nombre d'heures travaillées est de 1607 heures et non de 1342 heures et qu'elle a accompli a minima 20 heures supplémentaires par semaine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 15 février 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucune faute n'a été commise en raison de l'affectation de Mme D... au CNED dès lors qu'elle pouvait y être légalement affectée en position normale d'activité en application du décret du 18 avril 2008 ; à supposer que le recteur d'académie ne pouvait le faire, le ministre chargé de l'éducation nationale pouvait l'affecter au CNED dès lors que cet établissement est placé sous sa tutelle ; dès lors que les décisions d'affectation auraient légalement pu être prises, la perte de chance sérieuse d'effectuer des heures supplémentaires annuelles ne peut être regardée comme la conséquence directe de l'éventuelle illégalité de son affectation ;

- la seule illégalité de cette affectation ne peut être à l'origine d'une perte de chance sérieuse de bénéficier d'heures supplémentaires dès lors que les dispositions du décret du 25 mai 1950 fixant à quinze heures le service maximum des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré ne s'applique qu'aux seuls enseignants dispensant un service d'enseignement devant des élèves ; Mme D... ne fournit aucun élément justifiant qu'elle aurait été amenée à fournir un service d'enseignement dépassant ses obligations réglementaires de service ;

- il s'en rapporte, pour le surplus, à ses observations présentées dans son mémoire du 6 mars 2018.

Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2021, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 ;

2°) de condamner l'Etat, à titre principal, à lui verser les sommes de 26 936,02 euros et 68 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter respectivement du 20 juin 2014 et du 15 novembre 2013 et de leur capitalisation ou, à titre subsidiaire, à lui verser la somme de 36 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2013 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce que soutient le ministre de l'éducation nationale, elle ne peut être regardée comme ayant été placée en position d'activité dans un autre service que le sien et a été mise à disposition auprès d'une personne morale autonome ; cette illégalité a déjà été relevée par la cour et n'a pas été censurée par le Conseil d'Etat ; elle constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- elle maintient ses demandes indemnitaires initiales à titre principal pour les motifs exposés dans ses mémoires enregistrés dans l'affaire n°17NT00075 ;

- à titre subsidiaire, l'illégalité de son affectation au CNED l'a incontestablement empêchée de réaliser des heures supplémentaires et de percevoir la rémunération correspondante ; elle a perdu une chance de percevoir pendant deux années la somme de 17 233,22 euros évaluée par le recteur ainsi qu'un préjudice moral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;

- le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 ;

- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;

- la circulaire FP n° 2179 du 28 janvier 2009 relative à la mise en oeuvre du décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de C..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., professeure agrégée en économie, option gestion, a été affectée depuis le mois de septembre 2004 en qualité de titulaire sur zone de remplacement (TZR) dans la zone de remplacement de Rennes. Pour les années scolaires 2009-2010, 2010-2011 et 2011-2012, en sa qualité d'enseignante titulaire sur zone de remplacement, elle a été, par plusieurs arrêtés successifs du recteur de l'académie de Rennes, d'une part, rattachée pour sa gestion au lycée Victor-et-Hélène-Basch à Rennes, et, d'autre part, affectée auprès de l'antenne du Centre national d'enseignement à distance (CNED) située à Rennes, dans la fonction de professeure responsable de l'épreuve de spécialité du baccalauréat STG, partie pratique, dans le domaine des sciences et technologies de la gestion, pour les élèves de cette filière inscrits au CNED. Mme D... a présenté une première demande préalable auprès du recteur de l'académie de Rennes en vue du paiement des sommes dues au titre des heures supplémentaires annuelles qu'elle estime avoir effectuées au cours de l'année scolaire 2010-2011. Par un jugement du 24 juin 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 3 novembre 2010 par laquelle le recteur a rejeté la demande de Mme D... tendant au paiement des heures supplémentaires annuelles au titre de l'année scolaire 2010-2011 et a enjoint au recteur de procéder à la régularisation de la situation financière de l'intéressée au titre des heures supplémentaires effectuées pendant cette même année scolaire. En exécution de ce jugement, le recteur de l'académie de Rennes a procédé à la mise en paiement d'heures supplémentaires au bénéfice de Mme D... au titre de l'année scolaire 2010-2011, pour un montant de 17 233,22 euros. A la suite du rejet, par le recteur, de nouvelles demandes préalables de Mme D..., le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 10 novembre 2016, a rejeté les demandes de l'intéressée tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, au titre des années scolaires 2009-2010 et 2011-2012, la somme de 68 000 euros correspondant au rappel d'heures supplémentaires annuelles et à la réparation de son préjudice moral ainsi que, au titre de l'année scolaire 2010-2011, la somme de 26 936,02 euros au titre des heures supplémentaires annuelles dont elle estimait qu'elles n'avaient pas été prises en compte par l'exécution du précédent jugement. Par un arrêt du 15 octobre 2018, la cour a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 15 000 euros au titre du préjudice né de ce que les arrêtés rectoraux l'affectant auprès du CNED devaient être regardés comme une mise à disposition entachée d'illégalité, laquelle lui avait fait perdre une chance sérieuse de pouvoir bénéficier du versement d'heures supplémentaires annuelles en application de l'article 1er du décret du 25 mai 1950, au titre des années scolaires 2009-2010 et 2011-2012 (article 1er), réformé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 sur ce point (article 2), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D... (article 4). Par une décision n° 426312 du 21 septembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé les articles 1 à 3 de cet arrêt et renvoyé, dans la mesure de la cassation prononcée relative à l'action en responsabilité engagée par Mme D... au titre de l'illégalité de sa mise à disposition tandis que son action en paiement d'heures supplémentaires a été jugée par l'arrêt du 15 octobre 2018 devenu définitif sur ce point, l'affaire pour être jugée.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

2. Aux termes de l'article 4 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré dans sa rédaction applicable : " Les professeurs agrégés participent aux actions d'éducation principalement en assurant un service d'enseignement. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation. / Ils assurent leur service dans les classes préparatoires aux grandes écoles, dans les classes de lycée, dans des établissements de formation et, exceptionnellement, dans les classes de collège.(...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif au remplacement dans les établissements du second degré, dans sa version alors applicable : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation, titulaires et stagiaires, peuvent être chargés, dans le cadre de l'académie et conformément à leur qualification, d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " (...) le recteur détermine au sein de l'académie, par arrêté pris après avis du comité technique paritaire académique, les différentes zones dans lesquelles les personnels mentionnés à l'article 1er ci-dessus exercent leurs fonctions ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " L'arrêté d'affectation dans l'une des zones prévues à l'article 2 ci-dessus des personnels mentionnés à l'article 1er indique l'établissement public local d'enseignement ou le service de rattachement de ces agents pour leur gestion. Le territoire de la commune où est implanté cet établissement ou ce service est la résidence administrative des intéressés. Le recteur procède aux affectations dans les établissements ou les services d'exercice des fonctions de remplacement par arrêté qui précise également l'objet et la durée du remplacement à assurer. Ces établissements ou services peuvent être situés, lorsque l'organisation du service l'exige, dans une zone limitrophe de celle mentionnée à l'alinéa 1er ci-dessus (...) ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'enseignant du second degré titulaire sur zone de remplacement, rattaché pour sa gestion administrative à un établissement public local d'enseignement ou à un service de rattachement situé dans la zone académique dans laquelle il est affecté, peut être chargé d'assurer le remplacement d'un agent momentanément absent ou d'occuper un poste provisoirement vacant dans des établissements ou services autres que ceux auxquels il est administrativement rattaché pour sa gestion.

3. D'une part, aux termes de l'article de 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat dans sa rédaction alors en vigueur : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / Elle ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil. (...). ". D'autre part, aux termes de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 dans sa rédaction applicable : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade. ". En vertu de l'article 1er du décret du 18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat : " Les fonctionnaires de l'Etat ont vocation à exercer les fonctions afférentes à leur grade dans les services d'un ministère et, nonobstant toute disposition statutaire contraire : / 1° Dans les établissements publics placés sous la tutelle de ce ministère ; (...) ". En vertu des dispositions du II relatif au régime applicable au fonctionnaire affecté en dehors de son administration d'origine de la circulaire FP n° 2179 du 28 janvier 2009 relative à la mise en oeuvre du décret du 18 avril 2009, le fonctionnaire de l'Etat affecté dans un établissement public placé sous la tutelle du ministre gestionnaire ou dans un service ou un établissement public relevant d'un autre ministère reste géré par son administration d'origine conformément aux dispositions du statut particulier de son corps mais, affecté dans une administration autre que son administration d'origine, est rémunéré par l'administration d'accueil sauf délégation de gestion et est régi par les conditions de travail fixées par l'administration d'accueil, notamment en ce qui concerne les obligations de service et le régime d'aménagement et de réduction du temps de travail.

4. Par arrêtés du 10 juillet 2009, 12 juillet 2010 et 11 juillet 2011, le recteur de l'académie de Rennes a affecté Mme D..., titulaire de zone de remplacement rattachée administrativement au lycée Victor-et-Hélène-Bash de Rennes, à l'antenne de Rennes du CNED pour y effectuer un service de quinze heures en économie et gestion commerciale.

5. Si le ministre de l'éducation nationale fait valoir que Mme D... pouvait être placée en position normale d'activité au CNED en application du décret du 18 avril 2008, notamment par décision ministérielle dès lors que cet établissement est placé sous sa tutelle, il résulte de l'instruction que Mme D... demeurait dans son corps d'origine, était réputée occuper son emploi, continuait à percevoir la rémunération correspondante à son emploi versée par les services du ministère de l'éducation nationale et que les décisions portant affectation portaient la mention de son obligation de service. Par suite, elle ne peut être regardée comme ayant été placée en position normale d'activité auprès du CNED, établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de l'éducation et de l'enseignement supérieur en vertu de l'article R. 426-1 du code de l'éducation et dont les services, au nombre desquels figurent plusieurs antennes locales dont celle implantée à Rennes, sont placés sous l'autorité de son directeur général en vertu de l'article R. 426-17 du même code. Alors que cette affectation la conduisait à exercer ses fonctions en dehors du service où elle a vocation à servir, il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait sollicité cette affectation ni même que l'administration aurait recueilli préalablement son accord pour une mise à disposition. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que ces décisions d'affectation auprès du CNED, prises en méconnaissance des dispositions de l'article 41 de la du 11 janvier 1984, étaient illégales et à solliciter la réparation du préjudice résultant de cette illégalité fautive.

En ce qui concerne le préjudice financier résultant de l'illégalité de la mise à disposition au CNED de Mme D... :

6. Si l'illégalité de la mise à disposition au CNED de Mme D... n'emporte pas que toute heure qu'elle a effectuée au-delà de quinze heures par semaine soit indemnisée comme heure supplémentaire sur le fondement de l'article 1er du décret du 25 mai 1950 alors en vigueur, cette affectation illégale l'a privée de la possibilité d'être affectée en qualité de titulaire sur zone de remplacement dans un établissement d'enseignement et de percevoir la rémunération qui peut être versée en application de cet article 1er du décret du 25 mai 1950 pour les heures supplémentaires effectuées en sus de l'obligation de service hebdomadaire de quinze heures. Il résulte de l'instruction, notamment des bulletins de salaires de l'intéressée, que si la réalisation et le paiement d'heures supplémentaires varient en fonction des années, Mme D... a perçu une somme de 5 695,52 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées durant l'année scolaire 2008-2009 et qu'elle a perçu, en moyenne, sur la période de 2004 à 2009 au cours de laquelle elle était affectée comme titulaire sur zone de remplacement et effectuait des remplacements dans des établissements, un montant brut de 3 873,30 euros en rémunération des heures supplémentaires effectuées. Par suite, l'illégalité de sa mise à disposition au CNED lui a fait perdre, au titre tant de l'année scolaire 2009-2010 que de l'année scolaire 2011-2012, une chance sérieuse de réaliser des heures supplémentaires rémunérées. Au regard de cette durée de deux années et des montants perçus à ce titre par Mme D... au cours des années antérieures, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice financier en l'évaluant à la somme totale de 7 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice moral :

7. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D... du fait de l'illégalité de son affectation au CNED pour les années scolaires 2009-2010 et 2011-2012, qui l'a conduite à exercer des fonctions d'enseignement uniquement à distance et selon des conditions de travail différentes de celles attendues d'un enseignant exerçant en établissement de second degré, en lui allouant une somme de 2 000 euros au titre de chacune de ces années, soit la somme totale de 4 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité de sa mise à disposition au CNED.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Mme D... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 11 000 euros à compter du 15 novembre 2013, date de réception de sa réclamation préalable. Les intérêts seront capitalisés à compter du 15 novembre 2014, date à laquelle une année d'intérêts était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Mme D... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat versera une somme de 11 000 euros à Mme D... en réparation des préjudices subis au titre des années 2009-2010 et 2011-2012. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2013 et de leur capitalisation à compter du 15 novembre 2014 puis à chaque échéance annuelle.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article premier.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise au disposition au greffe le 29 juin 2021.

La rapporteure,

F. E...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 20NT03036 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03036
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-29;20nt03036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award