Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.
Par un jugement n° 1801129 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 décembre 2019 et 17 septembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Humery, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les rémunérations versées par le centre hospitalier de Cosne-sur-Loire du 1er janvier au 31 juillet 2012 à M. A... constituent un temps de travail additionnel au sens des dispositions de l'alinéa 3 de l'article R. 6152-27 et de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique ; elles sont exonérées en application des dispositions de l'article 81 quater du code général des impôts dès lors qu'il s'agit d'heures supplémentaires au-delà des 48 heures statutaires effectuées au centre hospitalier de Semur-en-Auxois ; il n'existait aucune restriction pour qu'un praticien hospitalier exerce à temps plein dans un établissement de santé et un temps de travail additionnel dans un autre établissement dans le cadre d'un partage d'activité ; les heures de travail litigieuses, réalisées sur la base du volontariat, ont été faites dans le cadre d'une coopération hospitalière ;
- les pensions alimentaires versées aux parents de M. A..., âgés de 89 et 91 ans, vivant au Liban, soit 19 268 euros en 2012, 18 719 euros en 2013 et 17 824 euros en 2014, sont déductibles ; il s'agit de versements pour payer les dépenses d'électricité, d'alimentation, d'essence et de frais médicaux ainsi que les rémunérations des auxiliaires de vie ; le service a déjà admis le principe de la déductibilité et de la réalité des dépenses ; ils se prévalent du paragraphe 1 du BOI-IR-BASE-20-30-20-10 du 2 mai 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2007-1223 du 22 août 2007 ;
- le décret n° 2007-61430 du 4 octobre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, en raison de la remise en cause par l'administration, d'une part, de l'exonération des heures supplémentaires de travail de M. A... en tant que médecin urgentiste au centre hospitalier de Cosne-sur-Loire et, d'autre part, de la déductibilité de la pension alimentaire versée par M. A... à ses parents vivant au Liban au titre de chaque année.
Sur les rémunérations versées par le centre hospitalier de Cosne-sur-Loire :
2. Aux termes de l'article R. 6152-27 du code de la santé publique, dans sa version applicable de 2010 à 2015 : " Le service hebdomadaire est fixé à dix demi-journées, sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Lorsqu'il est effectué la nuit, celle-ci est comptée pour deux demi-journées. / Lorsque l'activité médicale est organisée en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien est, par dérogation au premier alinéa, calculée en heures, en moyenne sur une période de quatre mois, et ne peut dépasser quarante-huit heures. / Le praticien peut accomplir, sur la base du volontariat au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel donnant lieu soit à récupération, soit au versement d'indemnités de participation à la continuité des soins et, le cas échéant, d'indemnités de temps de travail additionnel. (...). ". Aux termes de l'article R. 6152-23 du même code : " Les praticiens perçoivent, après service fait, attesté par le tableau mensuel de service réalisé, validé par le chef de pôle ou, à défaut, par le responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne : / 1° Des émoluments mensuels variant selon l'échelon des intéressés. Ces émoluments sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Ils suivent l'évolution des traitements de la fonction publique, constatée par le ministre chargé de la santé ;/ 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret. "
3. Aux termes de l'article 81 quater A du code général des impôts, dans sa version applicable jusqu'au 1er août 2012 : " I.- Sont exonérés de l'impôt sur le revenu : (...) / 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ; / II.- L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique : (...) / 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés. ". Aux termes de l'article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : " (...) C. ' Par dérogation au A du présent VIII, le II s'applique aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires effectuées à compter du 1er août 2012. ". Il résulte de ces dispositions alors en vigueur que le régime d'exonération des heures supplémentaires de travail était applicable jusqu'au 1er août 2012.
4. Aux termes de l'article 2 du décret du 4 octobre 2007, portant application aux agents publics de l'article 1er de la loi du 22 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, alors en vigueur : " Entrent dans le champ d'application de l'exonération fiscale prévue au 5° du I de l'article 81 quater du code général des impôts et de la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue à l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale les éléments de rémunération suivants : / 1. Les indemnités horaires pour travaux supplémentaires instaurées par les décrets n° 2002-60 du 14 janvier 2002 et n° 2002-598 du 25 avril 2002 susvisés ainsi que, pour la fonction publique territoriale, par les décrets renvoyant aux décrets précités ; (...) " ; Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'exonération fiscale et la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale des éléments de rémunération prévus à l'article précédent sont subordonnées : /- à la mise en oeuvre par la hiérarchie de moyens de contrôle permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires ou le temps de travail additionnel effectivement accomplis ; / - à l'établissement par l'employeur d'un document, qui peut être établi sur support dématérialisé, indiquant par mois civil - ou, pour les agents dont le cycle de travail excède un mois, à la fin de chaque cycle - et pour chaque salarié, le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires effectuées au sens de l'article 1er du présent décret et la rémunération y afférente. Le récapitulatif mentionné à l'article D. 241-25 du code de la sécurité sociale doit également être tenu à disposition par l'employeur. "
5. Il résulte des pièces versées par les requérants que M A... a travaillé quarante-huit heures de travail statutaires hebdomadaires au centre hospitalier de Semur-en-Auxois, bénéficié d'une autorisation de travail supplémentaire délivrée par ce centre hospitalier et accompli des heures de travail en sus au sein de celui de Cosne-sur-Loire. Toutefois, le document de ce dernier, établi le 27 janvier 2016, bien que mentionnant que M. A... a effectué des heures de travail au-delà de ses obligations statutaires, ne précise pas le nombre d'heures accomplies par l'intéressé au titre des heures supplémentaires ou d'un temps de travail additionnel. Dès lors, l'administration a, à bon droit, remis en cause l'exonération des rémunérations versées par le centre hospitalier de Cosne-sur-Loire en application de l'article 81 quater du code général des impôts.
Sur les pensions alimentaires versées aux parents de M. A... :
6. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 (...) du code civil (...). ". L'article 205 du code civil dispose que : " Les enfants doivent des aliments à leur père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin ".
7. Les pensions alimentaires, y compris lorsqu'elles sont dues en vertu d'une loi étrangère, doivent répondre aux conditions fixées par les dispositions de l'article 205 du code civil.
8. Les requérants ont déduit les pensions alimentaires qu'ils ont versées aux parents de M. A..., âgés de 89 et 91 ans et vivant au Liban, soit 19 268 euros en 2012, 18 719 euros en 2013 et 17 824 euros en 2014.
9. Dans la proposition de rectification, il a été rappelé et n'est pas contesté que, d'une part, le père de M. A... perçoit une pension d'avocat de 10 800 dollars environ par an, soit 10 226,52 euros et, d'autre part, le niveau de revenu brut par habitant au Liban, tel qu'il a été calculé et publié par la Banque mondiale, est de 9 345 euros en 2013 et 9 280 euros en 2014. Par mesure de bienveillance du 31 janvier 2018 prise sur la réclamation des requérants, l'administration a admis un montant de pension alimentaire équivalent au plafond de ressources fixé à l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale pour l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, soit 14 479 euros pour 2012, 14 667 euros pour 2013 et
14 904 euros pour 2014. Ainsi, le cumul de la pension et de la mesure de bienveillance, soit 24 893,52 euros en 2013 et 25 130,52 euros en 2014, est supérieur au niveau de revenu brut pour un couple, soit 18 690 euros en 2013 et 18 560 euros en 2014. Si dans la même proposition de rectification, le vérificateur ne fait pas référence au niveau de revenu brut par habitant au Liban pour l'année 2012, l'addition de la pension de retraite et de la mesure de bienveillance permet d'obtenir un niveau de vie sensiblement égal aux deux autres années, soit 24 705,52 euros. Compte tenu de ces éléments, les parents de M. A... pouvaient faire face aux nécessités de la vie courante et ne devaient pas être regardés comme étant dans le besoin au Liban au sens des dispositions de l'article 205 du code civil. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déductibilité des pensions alimentaires au titre des années 2012 à 2014.
10. Si les requérants se prévalent du paragraphe 1 du BOI-IR-BASE-20-30-20-10 du
2 mai 2014, ce texte ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
Le rapporteur,
J.E. GeffrayLe président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04777