Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 24 février 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités portugaises et l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2102418 du 11 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2021, M. B... D..., représenté par Me Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de cent euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... D... A... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'arrêté de transfert :
- en l'absence de volonté de demander l'asile au Portugal, les autorités de ce pays, où il n'a aucun lien familial ni personnel, ne sont pas compétentes ;
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il est hébergé avec sa femme et ses trois enfants mineurs et que sa femme et un de ses enfants, qui souffrent de problèmes de santé qui nécessitent une prise en charge médicale, sont des personnes vulnérables ; il ignorait la présence de sa famille en France au moment du dépôt de sa demande d'asile.
S'agissant de l'arrêté l'assignant à résidence :
- il est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté de transfert aux autorités portugaises.
Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un courrier du 14 septembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à fin d'annulation de la décision de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Des observations en réponse à ce moyen, enregistrées le 24 septembre 2021, ont été produites par le préfet de Maine-et-Loire qui précise que le délai de transfert est reporté au 11 septembre 2022 en raison de la fuite de M. B... D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant angolais né le 8 décembre 1985, est entré en France le 2 novembre 2020 sous couvert d'un visa délivré le 4 mars 2020 par les autorités portugaises. Sa demande d'asile a été enregistrée le 21 décembre 2020 par les services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du système Visabio a révélé qu'il était en possession d'un visa de court séjour valable du 10 mars 2020 au 9 mars 2021. Consécutivement à leur saisine le 23 décembre 2020, les autorités portugaises ont implicitement accepté de prendre en charge l'intéressé. Par deux arrêtés du 24 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de M. B... D... aux autorités portugaises et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... D... a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces deux arrêtés. Il relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur l'arrêté de transfert :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n°810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... D... est entré en France muni d'un visa de type " C " valable du 10 mars 2020 au 9 mars 2021 délivré par les autorités portugaises. Dès lors que le visa de l'intéressé n'était pas expiré depuis plus de six mois à la date de sa demande d'asile, le 21 décembre 2020, c'est par une exacte application des dispositions de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 que l'autorité administrative a décidé le transfert du requérant aux autorités portugaises, qui avait accepté sa prise en charge. La circonstance que le requérant n'avait pas manifesté son intention de solliciter l'asile au Portugal ou n'y disposait d'aucun lien est sans incidence sur ce point.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... D..., qui a déclaré lors de l'entretien individuel du 21 décembre 2020 être célibataire, n'avoir aucun membre de sa famille en France et ne pas savoir où résident ses enfants, a vécu séparé de son épouse, qui s'est également déclarée célibataire lors du dépôt de sa demande d'asile en France en 2018, qui a été rejetée par l'OFPRA, et de ses enfants, depuis le 23 octobre 2018, sans justifier ni même alléguer de motifs impérieux les ayant contraint de manière non consentie à cette séparation. Entré en France le 2 novembre 2020, il réside avec eux depuis le 6 janvier 2021, date que l'association Tarmac a mentionné dans l'attestation d'hébergement de la famille. Hormis cette attestation et une attestation de versement de l'allocation de demandeur d'asile faisant mention de son nom dans la composition de la famille qui bénéficie de l'allocation pour demandeur d'asile, il ne produit aucun élément justifiant de la réalité et de l'intensité des liens avec son épouse et ses enfants, tandis qu'il ne peut sérieusement soutenir à la fois qu'il est entré en France pour rejoindre sa famille et qu'il ignorait leur présence sur le territoire national à la date de l'entretien du 21 décembre 2020. S'il se prévaut de l'état de vulnérabilité de sa femme et de sa fille en raison de leurs états de santé respectifs, il résulte de ce qui vient d'être dit que, sans lien avec elles du mois d'octobre 2018 au mois de janvier 2021, il ne peut valablement soutenir que leur état de santé rend sa présence indispensable à leurs côtés. Par suite, en ne dérogeant pas au critère d'examen prévu au point 5, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas entaché sa décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés tenant notamment à la séparation pendant plusieurs années d'avec son épouse et ses enfants, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations doivent être écartés.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
6. M. B... D... n'est pas fondé, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence. L'intéressé ne soulevant aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté portant assignant à résidence, ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, en toutes ses conclusions y compris celles relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Malingue, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure, Le président,
F. MALINGUE O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT008175
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