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03/12/2021 | FRANCE | N°21NT00197

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 03 décembre 2021, 21NT00197


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Orne du 19 octobre 2018 prononçant à son encontre l'interdiction d'exercer de façon permanente quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ainsi que les fonctions d'éducateur sportif définies à l'article L. 212-1 du code du sport.

Par un jugement n° 1803000 du 21 décembre 2020, le tribunal a

dministratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Orne du 19 octobre 2018 prononçant à son encontre l'interdiction d'exercer de façon permanente quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ainsi que les fonctions d'éducateur sportif définies à l'article L. 212-1 du code du sport.

Par un jugement n° 1803000 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021, M. D... B..., représenté par Me Mayaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2020 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Orne du 19 octobre 2018 prononçant à son encontre l'interdiction d'exercer de façon permanente quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ainsi que les fonctions d'éducateur sportif définies à l'article L. 212-1 du code du sport ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête administrative préalable ;

- la décision est intervenue au terme d'une enquête administrative violant les droits de la défense, en l'absence de respect du contradictoire, et en méconnaissance du droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que nombre de témoignages à charge sont anonymes, indirects et ont été recueillis par téléphone ;

- la décision est entachée d'inexactitude matérielle ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'est pas établi de risque au sens de l'article L. 227-10 du code de 1'action sociale et des familles et que la décision est disproportionnée en admettant la réalité des faits reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de 1'action sociale et des familles ;

- le code du sport ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., né en 1966, a été engagé le 31 juillet 2018 par l'association " Le Cercle nautique de Mimizan " comme moniteur sportif du 1er au 23 août 2018. Consécutivement à des faits survenus dans la soirée du 1er août 2018, son employeur a mis fin à son contrat de travail le lendemain puis la préfète de l'Orne, le 6 août 2018, lui a interdit temporairement l'exercice pendant deux mois de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions des articles L. 227-4 et suivants du code de 1'action sociale et des familles et l'exercice des fonctions d'éducateur sportif auprès de mineurs définies à l'article L. 212-1 du code du sport. A la suite de l'enquête administrative menée par les services de la préfecture de l'Orne, la préfète a adopté le 19 octobre 2018 un arrêté interdisant à M. B... d'exercer de façon permanente quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ainsi que, définitivement et auprès de mineurs, les fonctions d'éducateur sportif définies à l'article L. 212-1 du code du sport. M. B... relève appel du jugement du 21 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 19 octobre 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement attaqué répond avec une précision suffisante, en son point 2, au moyen soulevé par M. B... tiré de ce que l'enquête administrative sur laquelle se fonde la décision contestée a méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense. Il s'en suit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier en raison d'une insuffisante motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification (...) " et aux termes de l'article L. 212-13 du même code : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1. (...) Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. (...) ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 227-1 du code de l'action sociale et des familles : " Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents jusqu'au quatrième degré ou de son tuteur est placé sous la protection des autorités publiques. (...) Elle s'exerce sur les conditions morales et matérielles de leur accueil en vue de protéger leur sécurité, leur santé et leur moralité. " et aux termes de l'article L. 227- 4 du même code : " La protection des mineurs, dès l'inscription dans un établissement scolaire en application de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d'Etat, est confiée au représentant de l'Etat dans le département. (...) ". Aux termes de l'article L. 227-10 du même code : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils. (...) ". Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, pour assurer la protection des mineurs bénéficiant d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental à l'occasion des vacances ou des loisirs, de prononcer une mesure d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils, lorsqu'il existe " des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale " de ces mineurs.

5. La décision préfectorale contestée, intervenue sur le fondement des articles L. 212-13 du code du sport et L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, interdit à M. B..., d'une part, de façon permanente l'exercice de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles et, d'autre part, de façon définitive d'exercer auprès de mineurs des fonctions d'éducateur sportif telles que définies à l'article L. 212-1 du code du sport. Cet arrêté est intervenu après avis de la formation spécialisée en matière d'interdiction d'exercer du conseil départemental de l'Orne de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

6. L'arrêté contesté se fonde sur la circonstance que le 1er août 2018 vers 20 heures, dans une salle commune et vitrée du centre de vacances où étaient également hébergés des mineurs accueillis par l'association " Le Cercle nautique de Mimizan ", M. B... aurait visionné des vidéos à caractère pornographique à la vue de mineurs. A... situation a été rapportée par certains de ces mineurs, âgés de 10 à 14 ans, circulant aux abords de la salle vitrée, qui l'ont ensuite dénoncée à leurs animatrices et l'une d'entre elles a pu s'en assurer au travers des baies vitrées. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que A... situation a été rapportée par écrit, de manière circonstanciée dès le 2 août 2018, par l'animatrice, dont l'identité est établie, alertée par les mineurs. C... a confirmé ses propos lors de deux entretiens téléphoniques conduits par les services de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de l'Orne en charge d'une enquête administrative, les 16 août et 21 septembre 2018, et qui ont donné lieu à un compte-rendu qu'elle a signé. Il ressort par ailleurs du courrier du 21 septembre 2018 de la préfecture de l'Orne, invitant M. B... à participer à la réunion du 12 octobre suivant de la formation spécialisée en matière d'interdiction d'exercer du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative de l'Orne devant examiner l'éventualité d'une mise en œuvre des articles L. 212-13 du code du sport et L. 227-10 du code de 1'action sociale et des familles, que celui-ci a été invité à consulter son dossier comprenant les éléments mentionnés ainsi que d'autres témoignages non anonymes. Il est enfin constant que la réunion du 12 octobre 2018, à laquelle M. B... a également participé, a été précédée de trois entretiens entre ce dernier et des agents publics en charge de l'enquête administrative préalable. Enfin, la circonstance qu'aucune poursuite pénale n'aurait été engagée par le procureur de la République à son encontre est sans incidence sur la légalité de la mesure de police administrative contestée. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait été précédée d'une procédure méconnaissant les droits de la défense et en tout état de cause en violation des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Si M. B... conteste la matérialité des faits reprochés, il ressort toutefois des témoignages précités que deux animatrices ont été alertées par des mineurs témoins du visionnage par le requérant de vidéos à caractère pornographique, que l'une d'entre elles a également pu vérifier A... situation qui s'est déroulée non pas de nuit mais en début de soirée estivale. Interrogée précisément sur une possible confusion sur l'identité de la personne visionnant ces vidéos, l'animatrice interrogée a catégoriquement identifié M. B.... Pour sa part, ce dernier n'a apporté aucune dénégation sérieuse à ce sujet en se bornant à indiquer qu'il pouvait y avoir confusion dès lors que le fond de son écran, lors de ses consultations sur internet, serait une reproduction du tableau l'Origine du monde de Gustave Courbet, ce qu'il a été impossible de vérifier dès lors qu'il a ensuite détruit son ordinateur. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait entachée d'inexactitude matérielle.

8. En dernier lieu, d'une part, la décision contestée n'interdit pas à M. B... l'exercice de ses activités professionnelles auprès d'adultes et ne constitue pas, s'agissant de mineurs, une interdiction d'exercice perpétuelle. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, et ainsi qu'il est mentionné, l'intéressé semblait ne pas avoir pris la mesure de la gravité des faits commis au regard de la nécessaire préservation de la sécurité morale des mineurs accueillis, alors que, professionnel du sport en contacts réguliers avec ce public particulier, il avait choisi de visionner des vidéos à caractère pornographique dans une salle commune et vitrée d'un centre de vacances. Enfin, si l'intéressé indique qu'en admettant les faits établis il n'avait aucune volonté d'exposer des mineurs au visionnage de vidéos à caractère pornographique, qu'il se trouvait à A... période en situation de détresse psychologique suite à un deuil récent, et qu'il peut attester d'un parcours professionnel sans antécédent de ce type, ces éléments ne sont pas, au regard de la gravité des faits, de nature à établir que la décision contestée serait entachée d'une erreur d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Mayaud et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT00197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00197
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CANTOIS MAYAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;21nt00197 ?
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