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10/06/2022 | FRANCE | N°20NT03456

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 juin 2022, 20NT03456


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaires d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant aux années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1801663 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a déchargé M. A... des impositions contestées.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 novembre 2020 et 12 mai 2022 le ministre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaires d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant aux années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1801663 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Caen a déchargé M. A... des impositions contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 novembre 2020 et 12 mai 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. A... la cotisation d'impôt sur le revenu et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) d'ordonner la restitution de la somme de 1 500 euros versée à M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en exécution du jugement attaqué.

Il soutient que :

- M. A... n'a pas accompli toutes les démarches nécessaires pour se procurer une clientèle répondant à son activité d'élevage de chevaux ; il n'a pas réalisé des investissements nécessaires au développement et à la pérennisation de son activité pour démontrer le caractère lucratif de son activité ; son élevage n'a généré aucun revenu ; il n'a pas mobilisé des moyens analogues à ceux d'un professionnel ; son activité est une activité de loisir ; elle n'est pas économique ; M. A... ne pouvait pas procéder à la déduction de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les charges afférentes à cette activité ;

- l'activité en litige ne saurait être réputée agricole dans la mesure où elle ne s'inscrit pas dans la maîtrise et l'exploitation d'un cycle biologique de caractère animal ; l'activité de reproduction n'est pas établie ;

- M. A... ne conteste pas l'utilisation de ses chevaux pour des reconstitutions historiques et des activités de polo qui ne relèvent pas des bénéfices agricoles au sens du 4 de l'article 63 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2021 M. B... A..., représenté par Me Angeledei, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code rural et des pêches maritimes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise individuelle de M. A..., dont l'objet est l'activité d'élevage de chevaux depuis le 1er août 2007, a fait l 'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2012. A l'issue de cette vérification, l'administration a remis en cause le caractère professionnel de l'activité d'élevage et, par suite, l'imputation des déficits constatés par cette société sur le revenu global de M. A... au titre des années 2009 à 2011 et les remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée pour les mêmes périodes. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaires d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour les années 2010 et 2011. Par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal a déchargé M. A... de ces impositions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :

2. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...)". Aux termes de l'article 63 du même code : " Sont considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole pour l'application de l'impôt sur le revenu, les revenus que l'exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, colons partiaires, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes (...) / Sont aussi considérés comme bénéfices de l'exploitation agricole les revenus qui proviennent des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques, en vue de leur exploitation dans les activités autres que celles du spectacle (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne sont imputables sur le revenu global que les déficits provenant d'une activité professionnelle caractérisée par l'exercice habituel de l'activité et par la recherche du profit. L'existence d'une telle activité ne peut être admise si l'une de ces deux conditions n'est pas satisfaite.

3. Il résulte de l'instruction qu'en 2010 et 2011 le cheptel appartenant à M. A... était toujours composé comme en 2007 de cinq chevaux dont trois juments, qu'aucune poulinière n'avait été acquise ni aucune vente conclue, une seule saillie ayant été réalisée en 2011. L'une des juments participait à des tournois de chevalerie nationale et internationale, soit à des activités de spectacle qui ne sont pas des activités agricoles au sens des dispositions de l'article L. 311-1 du code rural et des pêches maritimes, l'autre participant à des tournois de polo de renommée nationale et internationale. De plus, l'activité d'élevage de M. A... n'a procuré aucun revenu depuis 2007, y compris au cours des trois années contrôlées.

4. Il résulte également de l'instruction que M. A..., qui est par ailleurs gérant à plein temps d'une société immobilière à Cherbourg, travaille à plus de 100 kilomètres du lieu de l'élevage des chevaux, de sorte qu'il ne dispose que de peu de temps pour se consacrer quotidiennement à ses chevaux, et n'emploie aucun salarié à cette fin. Il n'établit pas avoir accompli des démarches afin de se procurer une clientèle et ne justifie pas des investissements nécessaires au développement ou à la pérennisation de son activité en vue de l'obtention de gains futurs. Au surplus, aucun revenu provenant de la cession de poulains ou de gains de course n'a été déclaré au titre des années en cause.

5. Il résulte de ce qui précède que le caractère professionnel de l'activité d'élevage de chevaux de M. A... n'est pas avéré, alors même que l'intéressé serait affilié à la Mutualité Sociale Agricole, dès lors que les dispositions de l'article L. 311-1 du code rural et des pêches maritimes, qui définissent les activités réputées agricoles, ne prennent pas en compte le statut social des personnes qui exercent des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur le caractère professionnel de l'activité d'élevage de M. A... pour estimer que l'imputation sur le revenu global des déficits agricoles était justifiée et décharger celui-ci de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il avait été assujetti.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention ". Aux termes du cinquième alinéa de cet article : " Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ". L'article 271 du code général des impôts dispose que : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) " . Il résulte de ces dispositions que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux dépenses engagées dans le cadre d'une activité est subordonnée à la réalisation d'opérations imposables à cette même taxe et s'inscrivant dans une activité économique.

7. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3, 4 et 5 l'activité d'élevage exercée par M. A... au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 ne présente pas le caractère d'une exploitation ou occupation lucrative. L'intéressé ne peut ainsi être regardé comme exerçant une activité économique entrant, au sens de l'article 256 A du code général des impôts, dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. En l'absence d'activité économique ayant un caractère de permanence et de réalisation d'opérations imposables à la taxe, l'intéressé ne pouvait procéder à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les charges afférentes à l'activité d'élevage pour la période concernée. Par suite, le ministre est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a admis, compte tenu du caractère économique de l'activité d'élevage de M. A..., la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les charges exposées dans le cadre de cette activité.

8. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen relatif aux pénalités soulevé par M. A....

Sur les pénalités :

9. L'administration, qui fait valoir que M. A..., en souscrivant des déclarations inexactes alors que les factures de charges, qui étaient principalement liées à ses activités de loisirs, ne pouvaient ni générer des déficits imputables sur son revenu global ni permettre le remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, démontre ainsi que l'intéressé a eu l'intention de diminuer le montant de l'impôt et donc d'éluder l'impôt. Dès lors, elle apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un manquement délibéré justifiant la pénalité au taux de 40 % infligée à M. A... sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a fait droit à la demande de décharge formulée par M. A....

Sur les frais de première instance :

11. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme de 1 500 euros mise à la charge de l'Etat en première instance. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que soit ordonnée la restitution de cette somme.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801663 du tribunal administratif de Caen du 2 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : Sont remis à la charge de M. A..., en droits et pénalités, la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance et les conclusions de M. B... A... sur le fondement de l'article L..761-1 du code de justice administrative sont rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A....

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2022.

Le rapporteur

J.E. C...La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20NT03456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03456
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LC JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-10;20nt03456 ?
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