Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Grands Champs a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'État à lui verser la somme de 16 520 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de la faute commise lors de l'instruction de sa demande d'aide au titre de l'appel à projets relatif au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) 2014-2020.
Par un jugement n° 1707830 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'État à verser au GAEC des Grands Champs la somme de 4 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février et 17 mars 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 décembre 2020 en tant qu'il condamne l'État à verser au GAEC des Grands Champs une somme de 4 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
2°) de rejeter la demande du GAEC des Grands Champs présentée devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il n'expose pas le raisonnement l'ayant conduit à considérer que la faute qui aurait commise par l'État lors de l'instruction du dossier lui serait imputable ;
- c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'État à indemniser le GAEC des Grands Champs de ses préjudices dès lors que la décision qui en est à l'origine a été prise au nom de la région des Pays de la Loire et non au nom de l'État.
Par un mémoire enregistré le 26 avril 2021, le GAEC des Grands Champs, représenté par Me Plateaux conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la somme que l'État a été condamné à lui verser soit portée à 15 520 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête du ministre est irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative faute, d'une part, pour la requête introductive d'instance de contenir des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé avant l'expiration du délai d'appel et, d'autre part, pour le mémoire complémentaire d'être suffisamment motivé en l'absence de production de la pièce justificative ;
- le moyen de la requête du ministre est irrecevable, faute d'être assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;
- ce moyen n'est pas fondé ;
Au titre de l'appel incident dans l'hypothèse où l'appel du ministre serait jugé recevable :
- le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de ce que la dépense relative à l'achat d'une faucheuse-autochargeuse ne pouvait être retirée dès lors qu'elle n'était pas illicite, faute pour l'administration d'établir que son retrait était justifié par une disposition normative opérante ; ce jugement devra être annulé dans cette mesure ;
- le GAEC a subi un préjudice dès lors que la dépense controversée était éligible, au regard de la réglementation européenne applicable, mais également au regard du droit national, compte-tenu de l'absence de prescription contraire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, représentant le GAEC des Grands Champs.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 juin 2015, le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Grands Champs a déposé une demande d'aide dans le cadre d'un appel à projet relatif au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles, volet végétal, lancé par la région
Pays de la Loire. Par un courrier du 17 décembre 2015, les services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de la Loire-Atlantique ont notifié au GAEC au nom et pour le compte du président du conseil régional des Pays de la Loire l'arrêté du 9 décembre 2015 lui attribuant une aide de 14 295 euros dont 7 576,35 euros versés au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et 6 1718,65 euros versés au titre de l'aide du conseil régional pour l'investissement d'une faucheuse-autochargeuse à hauteur de 11 520 euros et d'un sécateur-hydraulique à hauteur de 2 775 euros. Le 31 janvier 2017, le GAEC des Grands Champs a présenté une réclamation pour obtenir le versement de l'aide accordée. Toutefois, le 4 avril 2017, la DDTM de la Loire-Atlantique a notifié au GAEC la décision modificative du même jour ramenant la subvention accordée à la somme de 2 775 euros, au motif que la dépense afférente à l'acquisition de la faucheuse-autochargeuse n'était pas éligible. Par un courrier du 12 juin 2017, resté sans réponse, le GAEC a formé une réclamation préalable auprès de la DDTM de la Loire-Atlantique afin d'être indemnisé à hauteur de 16 520 euros des préjudices qu'il impute à la faute commise par l'administration lors de l'instruction de sa demande d'aide. Sur saisine du GAEC des Grands Champs, le tribunal administratif de Nantes a, par un jugement du 17 décembre 2020, condamné l'État à lui verser une somme de 4 000 euros. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel de ce jugement en tant qu'il condamne l'État à verser cette somme. Le GAEC des Grands Champs intimé demande à la cour de porter la somme à laquelle l'État a été condamné à 15 520 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le GAEC des Grands Champs :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;
3. D'une part, dans sa requête sommaire d'appel enregistrée le 17 février 2021, le ministre en charge de l'agriculture, après avoir rappelé les faits de l'espèce et indiqué qu'un mémoire ampliatif développerait les moyens présentés, a soutenu que le jugement du tribunal administratif était, d'une part, irrégulier pour être insuffisamment motivé faute d'avoir précisé le raisonnement ayant conduit à considérer que la faute retenue était imputable à l'État et, d'autre part, entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des faits en retenant que l'État aurait commis une faute et, à la supposer établie, qu'elle lui serait imputable. Par suite, la requête d'appel contient l'exposé des faits et moyens exigé par les dispositions citées au point 2. D'autre part, la circonstance que n'a pas été jointe au mémoire ampliatif la convention conclue le 20 mars 2015 entre l'État et la région des Pays de la Loire, et sur lequel se fonde le ministre pour établir le bien-fondé de son moyen, n'est pas de nature à rendre la requête irrecevable au regard de l'exigence de motivation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée ne peut être accueillie.
Sur les conclusions de la requête d'appel :
4. Aux termes de l'article 66 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural : " 1. L'autorité de gestion est responsable de la gestion et de la mise en œuvre efficaces, effectives et correctes du programme (...). 2. L'État membre ou l'autorité de gestion peut désigner un ou plusieurs organismes intermédiaires, y compris des autorités locales, des organismes de développement régional ou des organisations non gouvernementales, pour assurer la gestion et la mise en œuvre des opérations de développement rural. / Lorsqu'une partie de ses tâches est déléguée à un autre organisme, l'autorité de gestion conserve l'entière responsabilité de leur gestion et de leur mise en œuvre qui doivent être efficaces et correctes. ". En application de ces dispositions communautaires, l'article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2017 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dispose que : " I. - Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, pour la période 2014-2020 : / 1° L'État confie aux régions ou, le cas échéant, pour des programmes opérationnels interrégionaux, à des groupements d'intérêt public mis en place par plusieurs régions, à leur demande, tout ou partie de la gestion des programmes européens soit en qualité d'autorité de gestion, soit par délégation de gestion. / (...) / VI. - Dans le cas où l'instruction des dossiers de demandes d'aides du Fonds européen agricole pour le développement rural est assurée par les services déconcentrés de l'État, le responsable de l'autorité de gestion peut déléguer sa signature au chef du service déconcentré chargé de cette instruction et aux agents qui lui sont directement rattachés, pour prendre en son nom les décisions relatives à l'attribution et au retrait de ces aides. ".
5. Il résulte de l'instruction que l'État a confié à la région Pays de la Loire, à sa demande, en qualité d'autorité de gestion, la gestion du fonds européen agricole pour le développement rural 2014-2020. Dès lors, en application des dispositions citées au point précédent de l'article 66 du règlement communautaire, que les stipulations de l'article 1er de la convention du 20 mars 2005 se bornent à reprendre, et bien que l'instruction des demandes d'aide du fonds européen ait été déléguée aux services de la direction départementale des territoires et de la mer de la Loire-Atlantique par cette même convention, la région est seule responsable de la mise en œuvre des tâches ainsi déléguées et des conséquences de l'attribution erronée par l'arrêté du 9 décembre 2015 d'une aide de 14 295 euros. L'arrêté du 9 décembre 2015 accordant au GAEC une aide de 14 295 euros, à l'instar de l'arrêté du 4 avril 2014 modifiant substantiellement à la baisse l'aide octroyée au GAEC, a été édicté au nom du président de la région Pays de la Loire, ainsi qu'il ressort des mentions de cet arrêté, de sorte que le GAEC des Grands Champs était mis en mesure d'en identifier l'auteur responsable. Il s'ensuit que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que les conclusions du GAEC des Grands champs tendant à ce que l'État l'indemnise des préjudices résultant de l'erreur commise dans l'instruction de sa demande d'aide étaient mal dirigées et qu'en conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a condamné l'État alors que seule la responsabilité de la région Pays de la Loire était susceptible d'être engagée.
6. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter par voie de conséquence les conclusions dirigées par l'intimé contre l'État au titre de son appel incident, sans que la cour ne soit tenue de transmettre la procédure d'appel à la région Pays de la Loire.
Sur les frais liés à l'instance :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par le GAEC des Grands champs doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le GAEC des Grands champs devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au groupement agricole d'exploitation en commun des Grands Champs.
Copie en sera adressée, pour son information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- D. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.
La rapporteure
J. A...
Le président
D. Salvi
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00452